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18/11/1986 | FRANCE | N°85-10912;85-12112

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 novembre 1986, 85-10912 et suivant


Joint les pourvois n°s 85-10.912 et 85-12.112, formés contre le même arrêt, respectivement par le ministre français des Affaires étrangères et par la République socialiste fédérative de Yougoslavie ; .

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la Société européenne de crédit foncier et de banque, ayant son siège à Paris, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la Société européenne d'études et d'entreprises (SEEE), a passé, le 3 janvier 1932, avec le Gouvernement yougoslave, un contrat par lequel elle s'engageait à construire une ligne de chemin

de fer en Yougoslavie et à fournir du matériel en contrepartie du paiement d...

Joint les pourvois n°s 85-10.912 et 85-12.112, formés contre le même arrêt, respectivement par le ministre français des Affaires étrangères et par la République socialiste fédérative de Yougoslavie ; .

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la Société européenne de crédit foncier et de banque, ayant son siège à Paris, aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui la Société européenne d'études et d'entreprises (SEEE), a passé, le 3 janvier 1932, avec le Gouvernement yougoslave, un contrat par lequel elle s'engageait à construire une ligne de chemin de fer en Yougoslavie et à fournir du matériel en contrepartie du paiement d'une somme d'argent qui devait être représentée par des " bons " payables en douze ans ; que le contrat comportait une clause destinée à remédier aux fluctuations des monnaies française et yougoslave, ainsi qu'une clause compromissoire ; que les travaux furent exécutés et les fournitures livrées, mais que, à partir de 1941, les bons ne furent payés qu'irrégulièrement ; qu'une sentence arbitrale, rendue par défaut contre la République de Yougoslavie le 2 juillet 1956, arrêta la créance de la SEEE à 6 184 528 521 anciens francs ; que l'arrêt infirmatif attaqué, rendu sur renvoi après deux cassations successives, a déclaré cette sentence exécutoire en France ;

Sur le premier moyen du pourvoi n° 85-10.912 et sur le premier moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi n° 85-12.112, réunis :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir écarté l'immunité de juridiction invoquée par la République de Yougoslavie, alors que cette immunité serait de droit pour l'Etat étranger lorsque l'acte litigieux est un marché de travaux publics, et alors que la renonciation à cette immunité ne peut se déduire de la seule présence d'une clause compromissoire dans un contrat ;

Mais attendu que, par une telle clause, l'Etat étranger, qui s'est soumis à la juridiction des arbitres a, par là même, accepté que leur sentence puisse être revêtue de l'exequatur ; que le moyen des deux pourvois ne peut donc être accueilli ;

Et sur le second moyen de chacun des pourvois, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore reproché à la cour d'appel d'avoir dit que les arbitres, sans interpréter l'accord franco-yougoslave du 18 novembre 1950, en avaient seulement défini la portée et les effets et que, à supposer même qu'ils l'aient interprété, fût-ce dans un sens contraire à l'interprétation donnée par le Gouvernement français, la violation de l'ordre public international n'en serait pas établie pour autant, alors que, selon les pourvois, pour décider que l'accord franco-yougoslave précité, qui avait pour objet d'apurer les sommes que l'Etat yougoslave restait devoir en vertu de la convention du 3 janvier 1932, ne concernait que la créance résultant des bons émis par cet Etat en représentation de sa dette et n'interdisait pas à la SEEE de réclamer le règlement d'une " créance de change " résultant de l'article VIII de la convention, les arbitres ont nécessairement dû interpréter ledit accord, qui n'était ni clair ni précis, et alors que les arbitres, non plus que les tribunaux judiciaires, ne peuvent interpréter un accord lorsque cette interprétation met en jeu des questions de droit public

international, ce qui est nécessairement le cas lorsque l'interprétation des arbitres est contraire à celle donnée par le Gouvernement, et qu'en tout cas, l'exequatur ne peut être accordé à une sentence qui comporte une telle interprétation ;

Mais attendu que les arbitres, qui tiennent leurs pouvoirs de la volonté des parties et non de la puissance publique, peuvent interpréter les actes litigieux et notamment les accords internationaux, sans avoir à en solliciter l'interprétation par le gouvernement ; que le juge de l'exequatur, qui n'a pas à contrôler cette interprétation, ne peut refuser l'exequatur au seul motif qu'elle est différente de celle consacrée par le Gouvernement français ; que le moyen ne peut donc, en aucune de ses branches, être mieux accueilli que le précédent ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-10912;85-12112
Date de la décision : 18/11/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale des juridictions françaises - Immunité des agents diplomatiques et des Etats étrangers - Immunité des Etats étrangers - Immunité de juridiction - Arbitrage - Sentence étrangère - Exequatur en France - Etat étranger ayant accepté une clause compromissoire (non).

ETAT - Etat étranger - Immunité de juridiction - Renonciation - Acceptation d'une clause compromissoire * ARBITRAGE - Sentence - Sentence étrangère - Exequatur en France - Immunité des Etats étrangers - Immunité de juridiction - Etat étranger ayant accepté une clause compromissoire (non).

1° L'Etat étranger qui accepte une clause compromissoire se soumet à la juridiction des arbitres et, par là même, accepte que leur sentence puisse être revêtue de l'exequatur. Cet Etat ne peut donc invoquer le bénéfice de l'immunité de juridiction devant le juge de l'exequatur. .

2° ARBITRAGE - Arbitre - Pouvoirs - Accord international - Interprétation.

2° Les arbitres, qui tiennent leurs pouvoirs de la volonté des parties et non de la puissance publique, peuvent interpréter les actes litigieux et notamment les accords internationaux sans avoir à en solliciter l'interprétation par le gouvernement. .

3° CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Exequatur - Pouvoirs du juge de l'exequatur - Révision au fond (non) - Arbitrage - Sentence étrangère - Accord international - Interprétation par les arbitres - Interprétation différente de celle consacrée par le gouvernement français - Absence d'influence.

ARBITRAGE - Sentence - Sentence étrangère - Exequatur en France - Contrôle par le juge français - Interprétation d'un accord international donnée par les arbitres (non).

3° Le juge de l'exequatur, qui n'a pas à contrôler l'interprétation donnée par les arbitres d'un accord international, ne peut refuser l'exequatur au seul motif que cette interprétation est différente de celle consacrée par le gouvernement français.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 13 novembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 nov. 1986, pourvoi n°85-10912;85-12112, Bull. civ. 1986 I N° 266 p. 254
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 266 p. 254

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :Mme Flipo
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Ponsard
Avocat(s) : Avocats :la SCP Guiguet, Bachellier et Potier de La Varde, la SCP Vier et Barthélémy, M. Rouvière et la SCP Martin-Martinière et Ricard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.10912
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