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28/10/1986 | FRANCE | N°84-14972

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 28 octobre 1986, 84-14972


Attendu que, par acte notarié du 20 novembre 1970, la S.C.I. Le Puits Sauvage s'est reconnue débitrice envers la Compagnie de financement de biens immobiliers (COFBI) de la somme de 95 000 francs, remboursable en trois années, avec intérêts au taux de 12% l'an ; qu'à la même date, Mme A..., gérante de cette société, s'est aussi reconnue débitrice envers la COFBI d'une somme de 75 000 francs, remboursable dans le même délai avec stipulation d'un taux d'intérêt identique ; que, suivant acte reçu par M. X..., notaire, le 13 juin 1978, la COFBI a cédé ses deux créances à M. Y..

. pour le prix total de 150 000 francs ; que cette cession a été si...

Attendu que, par acte notarié du 20 novembre 1970, la S.C.I. Le Puits Sauvage s'est reconnue débitrice envers la Compagnie de financement de biens immobiliers (COFBI) de la somme de 95 000 francs, remboursable en trois années, avec intérêts au taux de 12% l'an ; qu'à la même date, Mme A..., gérante de cette société, s'est aussi reconnue débitrice envers la COFBI d'une somme de 75 000 francs, remboursable dans le même délai avec stipulation d'un taux d'intérêt identique ; que, suivant acte reçu par M. X..., notaire, le 13 juin 1978, la COFBI a cédé ses deux créances à M. Y... pour le prix total de 150 000 francs ; que cette cession a été signifiée aux débiteurs le 27 juillet 1978, puis qu'il a été précisé dans une signification rectificative du 22 juin 1979 que le cessionnaire encaisserait les intérêts dont les créances sont productives, " y compris tous intérêts échus et non réglés à ce jour sans exception ni réserve " ; que M. Y... n'ayant pas été réglé à l'échéance a fait délivrer, le 15 novembre 1978, un commandement aux fins de saisie immobilière pour obtenir le paiement de la somme de 328 100 francs comprenant, outre le principal des deux créances, les intérêts à compter du 20 novembre 1970 ; que, dans un dire déposé le 30 mai 1979, la S.C.I. Le Puits Sauvage a demandé de prononcer la nullité du commandement ; que, par jugement du 10 juillet 1979, le tribunal de grande instance d'Evry, statuant sur cet incident, a déclaré le commandement valable et ordonné la poursuite de la procédure ; que, suivant acte notarié du 9 novembre 1979, M. Y... a cédé à M. Z... la moitié de la créance sur la S.C.I. Le Puits Sauvage ; que, le 12 décembre 1979, cette société a donné en paiement, à titre transactionnel, à MM. Y... et Z..., un immeuble, pour se libérer des sommes qu'elle restait leur devoir ; que la S.C.I. Le Puits Sauvage, invoquant le fait qu'une copie et l'expédition de l'acte notarié de cession de créance du 13 juin 1978 comportaient des indications différentes en ce qui concerne l'étendue des intérêts cédés, a, le 26 juin 1980, assigné MM. Y... et Z... pour faire ordonner la production de la minute de l'acte et faire condamner les défendeurs à lui rembourser la somme de 154 285,47 francs, à titre de trop perçu d'intérêts ; que, pour s'opposer à ces demandes, MM. Y... et Z... se sont prévalus de la transaction du 12 décembre 1979 et de l'autorité de chose jugée qui serait attachée au jugement du tribunal de grande instance d'Evry en date du 10 juillet 1979, déclarant valable le commandement du 15 novembre 1978 ; que, M. X..., notaire, est intervenu dans l'instance, pour soutenir que la mention manuscrite de l'acte notarié relative aux intérêts échus était valable, parce que constituant " une incorporation au texte au moment du rendez-vous " ; que l'arrêt attaqué a condamné MM. Y... et Z... à payer à la S.C.I. Le Puits Sauvage la somme de 61 200 francs, à titre de remboursement d'intérêts au taux légal à compter du 5 juin 1980, après avoir constaté que la mention manuscrite de la minute de l'acte notarié, ajoutée au texte dactylographié, était nulle ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. X..., notaire, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir retenu qu'il n'existait aucune fin de non-recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal de grande instance d'Evry en date du 10 juillet 1979, au motif que cette décision ne se prononce pas sur l'exigibilité, de la part du cessionnaire, des intérêts échus et non réglés avant la cession de créance, alors que, dans son opposition à commandement, la S.C.I. Le Puits Sauvage, débiteur cédé, soutenait que la cession ne portait que sur le montant des créances en principal et sur les intérêts à échoir mais non sur les intérêts échus ; que le tribunal a rejeté ce moyen en déboutant la S.C.I. de toutes ses demandes ; qu'après s'être livré à une analyse de l'acte de cession de créances, il aurait tranché la question de l'exigibilité par le cessionnaire des intérêts échus et non payés avant la cession de créances en énonçant que la prétention de la S.C.I. est, sur ce point, irrecevable, de telle sorte qu'en statuant comme elle l'a fait la cour d'appel aurait violé l'article 1351 du Code civil ;

Mais attendu qu'il n'existe pas entre les deux instances une identité d'objet puisque, dans son opposition à commandement, la S.C.I. Le Puits Sauvage invoquait la nullité résultant de ce qu'il ne serait pas conforme à l'acte de cession de créances qui lui avait été signifié, tandis que dans la nouvelle instance elle s'est prévalue de la nullité des mentions litigieuses de l'acte notarié, après avoir demandé la production de la minute ; que le moyen tiré d'une prétendue violation de la chose jugée doit donc être écarté ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que M. X... reproche encore à la cour d'appel d'avoir rejeté sa demande tendant à faire constater la validité et l'entière efficacité de l'acte de cession de créances, aux motifs que la mention de cet acte selon laquelle les intérêts échus des créances cédées sont également cédés à M. Y... est nulle, par application de l'article 10 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 relatif aux actes établis par les notaires, et ne peut être opposée au débiteur cédé parce que cette mention manuscrite a été ajoutée au texte dactylographié sans avoir été paraphée par le notaire et les autres signataires ; que la signification rectificative faite au débiteur cédé le 22 juin 1979, qui fait état des intérêts échus et non encore réglés, est entachée du même vice que l'acte de cession qu'elle reproduit, alors, selon le moyen, d'une part, que l'acte qui n'est point authentique pour un défaut de forme vaut comme écriture privée ; que la nullité des renvois non paraphés, édictée par les articles 9 et 10 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, constitue un vice de forme ; que les surcharges, interlignes ou additions sont présumés contemporains de l'acte et que l'arrêt attaqué constate qu'il est impossible de déterminer si la clause litigieuse n'est pas contemporaine de l'acte ; qu'en retenant que cette clause est nulle, alors qu'à tout le moins elle vaudrait comme écriture privée, l'arrêt attaqué a violé l'article 1318 du Code civil, alors, d'autre part, que la cession de créances est opposable au débiteur cédé par la signification qui lui en est faite ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la signification faite à la S.C.I. Le Puits Sauvage et à Mme A... le 22 juin 1979 mentionnait que les intérêts

échus et non encore réglés étaient cédés à M. Y... ; qu'en énonçant que cette signification était inopposable au débiteur cédé, la juridiction du second degré a violé l'article 1690 du Code civil ;

Mais attendu, d'abord, qu'un acte notarié ne vaut comme écriture privée, sous réserve des dispositions prévues par l'article 23 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, que si le vice de forme invoqué lui a fait perdre son caractère authentique ; qu'en revanche, les mentions d'un acte notarié frappées de nullité ne peuvent faire preuve comme écriture privée ; que la cour d'appel a donc, à bon droit, sur le fondement de l'article 10 du décret précité, retenu la nullité de la mention manuscrite de l'acte litigieux ajoutée dans un interligne au texte dactylographié préétabli, au lieu de faire l'objet d'un renvoi paraphé par le notaire et les signataires de l'acte ;

Attendu, ensuite, que la signification d'un acte irrégulier faite au débiteur cédé ne peut avoir pour effet d'en abolir la nullité ; que la Cour d'appel a donc justement énoncé que la signification est entachée du même vice que l'acte de cession qu'elle reproduit ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses deux branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que M. X... fait, enfin, grief à la cour d'appel d'avoir estimé que la transaction du 12 décembre 1979 était sujette à rescision, alors qu'une transaction n'est rescindable que si la nullité du titre en exécution duquel elle a été faite était ignorée des parties lors de la transaction ; que, selon le moyen, il résulte des constatations de l'arrêt attaqué qu'au moment où la transaction a été conclue, la S.C.I. Le Puits Sauvage connaissait le prétendu vice qui entachait l'acte de cession de créance du 13 juin 1978, sur la base duquel la transaction a été conclue ; qu'en effet, la décision critiquée énonce que la S.C.I. a élevé une contestation sur la clause litigieuse par son dire du 30 mai 1979, de sorte qu'en statuant comme elle a fait la juridiction du second degré n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi l'article 2054 du Code civil ;

Mais attendu que, contrairement à ce qui est soutenu par le pourvoi, il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'au moment où la S.C.I. Le Puits Sauvage a déposé son dire, le 30 mai 1979, elle était seulement en possession de la première signification de la cession de créance faite le 27 juillet 1978, qui ne mentionnait pas les intérêts ; que cette société, débitrice cédée, n'a pu connaître, de manière certaine, la nullité du titre qu'après l'exécution de la mesure d'instruction par elle sollicitée dans son assignation introductive de la présente procédure en date du 26 juin 1980, et ordonnée par un précédent arrêt du 7 février 1983, afin de connaître la teneur exacte de la minute de l'acte notarié de cession de créances ; que le moyen n'est donc pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-14972
Date de la décision : 28/10/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Actes notariés - Mentions - Mentions annulées - Valeur d'écriture privée - Condition

* PREUVE LITTERALE - Acte authentique - Force probante - Mentions annulées - Valeur d'écriture privée - Condition

* OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Actes notariés - Additions - Prohibition - Portée - Mention manuscrite figurant dans le corps de l'acte

Un acte notarié ne vaut comme écriture privée, sous réserve des dispostions prévues par l'article 23 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971, que si le vice de forme invoqué lui a fait perdre son caractère authentique; en revanche, les mentions d'un acte notarié frappées de nullité ne peuvent faire preuve comme écriture privée. Dès lors, c'est à bon droit qu'une cour d'appel a retenu la nullité d'une mention manuscrite ajoutée dans un interligne au texte dactylographié préétabli, au lieu de faire l'objet d'un renvoi paraphé par le notaire et les signataires de l'acte.


Références :

Décret 71-941 du 26 novembre 1971 art. 23

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 1983-02-07. Cour d'appel de Paris, 1984-03-26.

A RAPPROCHER : Cour de cassation, chambre civile 1, 1985-11-19, bulletin 1985 I N° 307 p. 271 (cassation) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 28 oct. 1986, pourvoi n°84-14972, Bull. civ. 1986 I N° 245 p. 233
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 245 p. 233

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Charbonnier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Jouhaud
Avocat(s) : Avocat :la SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.14972
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