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08/10/1986 | FRANCE | N°85-12906

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 08 octobre 1986, 85-12906


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Paul A... avait épousé, le 6 octobre 1956, en secondes noces, Mme Jeanne X..., sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts ; qu'un jugement du 24 septembre 1963, rendu sur le fondement de l'article 1443 ancien du Code civil, a prononcé la séparation de biens des époux B... et qu'aux termes d'un acte notarié en date du 29 janvier 1976, le mari a vendu à sa femme un immeuble lui appartenant en propre, moyennant le prix de 60 000 francs, stipulé compensé à concurrence de pareille somme avec des créances de l'Ã

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Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que Paul A... avait épousé, le 6 octobre 1956, en secondes noces, Mme Jeanne X..., sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts ; qu'un jugement du 24 septembre 1963, rendu sur le fondement de l'article 1443 ancien du Code civil, a prononcé la séparation de biens des époux B... et qu'aux termes d'un acte notarié en date du 29 janvier 1976, le mari a vendu à sa femme un immeuble lui appartenant en propre, moyennant le prix de 60 000 francs, stipulé compensé à concurrence de pareille somme avec des créances de l'épouse nées de paiements faits par elle en l'acquit du mari avec des deniers personnels, postérieurement à la séparation de biens juridiciaire ; que Paul A... est décédé le 28 juin 1977, laissant Mme X..., sa seconde épouse, légataire de l'usufruit de la totalité des biens composant sa succession en vertu d'un testament olographe en date du 28 août 1964, et ses quatre enfants, Paulette épouse Y..., Louis, Marie-Dominique épouse C... et Janine, issus les deux premiers de son premier mariage et les deux derniers du second ; que l'arrêt attaqué, rendu sur l'assignation de Mme Y... et de M. Louis A..., a ordonné les opérations de liquidation et de partage de la communauté ayant existé entre les époux B... et de la succession de Paul A... en tenant compte du testament de ce dernier et a déclaré nulle la vente du 29 janvier 1976, au motif que celle-ci n'entre dans aucun des trois cas où l'article 1595 du Code civil déclare valable une vente entre époux ;

Sur le second moyen, pris en ses deux branches et qui est préalable :

Attendu que Mme veuve A... et ses deux filles reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir, pour statuer ainsi, décidé que la séparation de biens judiciaire était nulle, faute d'avoir été exécutée dans le délai de la loi et que par voie de conséquence, les sommes avancées par Mme A... pour le compte de son mari avaient été tirées de la communauté, dissoute seulement par le décès de Paul A..., alors que, d'une part, Mme A... avait, selon le moyen, exécuté le jugement de séparation de biens en signifiant ledit jugement à son mari, ainsi qu'un commandement de payer le coût de la grosse et les frais de l'instance selon la taxe qui en serait faite et alors que, d'autre part, Paul A..., en considérant sa femme comme séparée de biens, aurait renoncé à se prévaloir de la non-exécution du jugement ;

Mais attendu, en premier lieu, que l'article 1444 ancien du Code civil, applicable en la cause, disposait que la séparation de biens, quoique prononcée en justice, est nulle si elle n'a point été exécutée par le paiement réel des droits et reprises de la femme effectué par acte authentique ou au moins par des poursuites commencées dans les trente jours qui ont suivi le jugement et non interrompues depuis ; que si la cour d'appel relève que le jugement a été signifié dans le délai de la loi, elle énonce qu'il n'est justifié d'aucun partage ultérieur de la communauté, ce qui implique que le jugement n'a pas été exécuté, d'où il résulte que la séparation de biens est nulle ;

Et attendu en second lieu que Mmes A... et Y... n'ont pas soutenu devant les juges du fond que Paul A... avait renoncé à se prévaloir du défaut d'exécution du jugement de séparation de biens ; que le moyen est nouveau et que, mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

D'où il suit que le moyen, mal fondé en sa première branche et irrecevable en la seconde, ne peut être accueilli ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore reproché à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré nulle la vente du 29 janvier 1976, au motif qu'elle n'entre dans aucun des cas prévus par l'article 1595 du Code civil, alors que, d'une part, en mettant à la charge de Mmes A... et C... d'établir que cette vente était bonne et valable comme ayant été faite en remploi d'un immeuble propre à l'épouse ou payée avec des deniers lui appartenant et non tombés en communauté, la cour d'appel aurait inversé la charge de la preuve et alors que, d'autre part, elle n'aurait pas réfuté les motifs déterminants des premiers juges, dont elle a infirmé la décision, qui avaient admis que les consorts Z... ne démontraient pas l'inexactitude des énonciations de l'acte de vente sur l'origine des deniers utilisés par Mme A... et que celles-ci faisaient foi jusqu'à preuve contraire et étaient d'une précision telle qu'il n'était pas juridiquement possible d'en suspecter a priori la sincérité ;

Mais attendu qu'eu égard au principe de la prohibition des ventes entre époux posé par l'article 1595 du Code civil, aujourd'hui abrogé, mais en vigueur à l'époque des faits de la cause, il appartenait à la partie qui invoquait la validité d'une telle vente de démontrer que celle-ci entrait dans l'une des trois exceptions limitativement admises par ce texte ; que l'arrêt attaqué énonce que, par l'effet de la nullité de la séparation de biens judiciaire et de la présomption d'acquêt résultant de l'article 1499 ancien du Code civil, applicable en la cause, l'immeuble acquis le 9 novembre 1963 par Mme veuve A... et revendu par elle le 8 avril 1965 était, en l'absence de preuve contraire, un acquêt de communauté ; qu'en déduisant de ces constatations que les fonds retirés de cette vente étaient tombés en communauté et que Mme veuve A... ne justifiait pas avoir utilisé des deniers personnels pour payer les dettes de son mari, venues en compensation du prix de la vente litigieuse, la Cour d'appel n'a pas méconnu les règles de la preuve et a réfuté les motifs contraires des premiers juges qui avaient admis l'exactitude des mentions de l'acte de vente en se fondant sur la validité de la séparation de biens judiciaire et sur le caractère de propre de l'immeuble vendu le 8 avril 1965 ; qu'elle a légalement justifié sa décision et que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-12906
Date de la décision : 08/10/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SEPARATION DE BIENS JUDICIAIRE (législation antérieure à la loi du 13 juillet 1965) - Nullité (article 1444 du Code civil) - Conditions - Défaut d'exécution - Signification régulière du jugement - Absence d'influence.

1° Justifie légalement sa décision la cour d'appel qui, pour déclarer nulle, sur le fondement de l'article 1444 ancien du Code civil, une séparation de biens, relève que si le jugement la prononçant avait bien été signifié dans le délai de la loi, il n'était justifié d'aucun partage ultérieur de la communauté, ce qui impliquait que le jugement n'avait pas été exécuté, d'où il résultait que la séparation de biens était nulle

2° VENTE - Vente entre époux - Nullité - Exceptions - Article 1595 ancien du Code civil - Réunion des conditions entraînant l'exception - Preuve - Charge.

VENTE - Vente entre époux - Nullité - Exceptions - Article 1595 ancien du Code civil - Enumération limitative.

2° Sous l'empire de l'article 1595 du Code civil, abrogé par l'article 35 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985, mais applicable en la cause, prohibant les ventes entre époux, il appartenait à la partie qui invoquait la validité d'une telle vente de démontrer qu'elle entrait dans l'une des trois exceptions limitativement admises par ce texte.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 06 décembre 1983

A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1972-05-16, bulletin 1972 I N° 128 p. 113 (Rejet) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 08 oct. 1986, pourvoi n°85-12906, Bull. civ. 1986 I N° 239 p. 227
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 239 p. 227

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Rocca
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Barat
Avocat(s) : Avocats :la SCP Nicolay et M. Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.12906
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