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22/07/1986 | FRANCE | N°85-13406

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 22 juillet 1986, 85-13406


Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte des énonciations des arrêts attaqués (Paris, 21 octobre 1982 et 21 février 1985) rendus sur renvoi après cassation, que la Société Générale (la banque) accordait son concours aux sociétés Chaumeny, Sovibat et Socobat, qui ont fusionné pour devenir la société Chaumeny S.N.B.A. ; que celle-ci a été mise en règlement judiciaire ; que la société Deux, M. X..., la société SATMA, la société Thermique Arizolli et Bernard, la Société des Etablissements David, la société SMAC Acieroïd (les créanciers), sous-traitants ou

fournisseurs des sociétés débitrices et créanciers dans la masse, ont assigné la ba...

Sur le premier moyen :

Attendu qu'il résulte des énonciations des arrêts attaqués (Paris, 21 octobre 1982 et 21 février 1985) rendus sur renvoi après cassation, que la Société Générale (la banque) accordait son concours aux sociétés Chaumeny, Sovibat et Socobat, qui ont fusionné pour devenir la société Chaumeny S.N.B.A. ; que celle-ci a été mise en règlement judiciaire ; que la société Deux, M. X..., la société SATMA, la société Thermique Arizolli et Bernard, la Société des Etablissements David, la société SMAC Acieroïd (les créanciers), sous-traitants ou fournisseurs des sociétés débitrices et créanciers dans la masse, ont assigné la banque en paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par ses fautes qui auraient entraîné une aggravation du passif de la procédure collective ;

Attendu que la banque reproche à la Cour d'appel d'avoir déclaré recevable l'action des créanciers, alors, selon le pourvoi, qu'en ne recherchant pas si, préalablement à leur action, les créanciers poursuivants ont sommé le syndic d'exercer l'action de la masse, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 13 de la loi du 13 juillet 1967 ;

Mais attendu que, dès lors qu'elle avait relevé que le syndic n'avait pas exercé l'action qu'il tenait des pouvoirs à lui conférés par la loi, la Cour d'appel n'avait pas à rechercher si les créanciers poursuivants l'avaient sommé d'agir ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la banque reproche à la Cour d'appel d'avoir retenu sa responsabilité et de l'avoir condamnée à réparer les préjudices subis par les créanciers, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le principe de non-ingérence qui s'impose aux banquiers interdisait à la banque d'imposer une autre politique financière ; qu'en retenant la déclaration de l'expert selon laquelle dès 1971 la banque aurait dû imposer une autre politique financière et réduire sensiblement le découvert selon un plan cohérent, l'arrêt a violé l'article 1382 du Code civil, alors, d'autre part, qu'en constatant que la situation était irréversible fin 1972 début 1973, et en reprochant néanmoins à la banque d'avoir resserré puis supprimé les crédits, l'arrêt attaqué n'a pas tiré de ces constatations les conséquences légales qui en résultaient quant à l'existence d'une faute et a violé l'article 1382 du Code civil, alors qu'en outre, l'arrêt ne répond pas aux conclusions de la banque sur le " problème essentiel... de savoir si l'analyse effectuée par la banque en 1974 des possibilités de redressement de la société Chaumeny a été faite en prenant en considération des éléments qui devaient être retenus, si le pronostic, l'évaluation des chances de redressement de l'entreprise étaient raisonnables et si les conditions mises à ce redressement avaient des chances effectives de se réaliser " et a ainsi violé l'article 455 du Nouveau Code de procédure civile, et alors enfin, que l'arrêt ne caractérise pas le lien de causalité entre la faute reprochée à la banque et les préjudices prétendument subis par les créanciers agissants, et renverse à cet égard la charge de la preuve en violation des articles 1315 et 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la Cour d'appel a relevé que la banque avait procédé à des financements aventureux et exorbitants par des crédits à court terme et qu'en accordant aux sociétés des crédits excessifs, en les maintenant, voire en les augmentant, alors que la situation était irrémédiablement compromise fin 1972 début 1973 elle avait prolongé artificiellement l'activité des entreprises et créé aux yeux des tiers une apparente solvabilité génératrice du préjudice subi par les créanciers ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations et constatations la Cour d'appel, répondant aux conclusions invoquées par la troisième branche, et abstraction faite de tout autre motif, a pu retenir, sans inverser la charge de la preuve, l'existence d'une faute de la banque et d'un lien de causalité entre cette faute et le préjudice subi par les créanciers ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que la banque reproche à la Cour d'appel d'avoir statué ainsi qu'elle l'a fait, alors selon le pourvoi, d'une part, que l'arrêt attaqué ne répond pas aux conclusions de la banque faisant valoir que les créanciers devaient eux-mêmes exercer leur surveillance sur le débiteur au moins en se procurant les bilans des sociétés au greffe, en quoi l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, que le créancier qui n'exerce aucune surveillance particulière, qui ne se procure même pas les bilans au greffe et qui ne tire aucune conséquence des incidents de paiement commet une faute qui exonère au moins partiellement la banque ; qu'en ne tenant aucun compte de cette faute, l'arrêt attaqué a violé, par refus d'application, l'article 1382 du Code civil ;

Mais attendu que la Cour d'appel, qui a relevé que le chiffre d'affaires que les créanciers réalisaient avec les société Sovibat, Socobat et Chaumeny n'était pas particulièrement élevé par rapport à leur chiffre d'affaires général, que les concours financiers donnaient aux sociétés une apparence de santé, que les renseignements bancaires ne pouvaient pas être défavorables, que les rejets de chèques n'avaient pas concerné les créanciers et que les premières prorogations d'échéances étaient intervenues alors que les créanciers étaient déjà engagés, a pu déduire de ces circonstances que ceux-ci ne pouvaient se voir reprocher de n'avoir pas exercé une surveillance particulière sur les sociétés ; qu'elle a ainsi, répondant aux conclusions invoquées, justifié sa décision d'exclure la faute des créanciers ; que le moyen n'est fondé ni en l'une ni en l'autre de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 85-13406
Date de la décision : 22/07/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1° REGLEMENT JUDICIAIRE - LIQUIDATION DES BIENS (loi du 13 juillet 1967) - Créanciers du débiteur - Action individuelle - Suspension - Portée - Action en réparation d'un préjudice contre un tiers - Préjudice personnel - Maintien des activités du débiteur par l'octroi de crédits abusifs - Action en responsabilité contre la banque ayant accordé des crédits.

BANQUE - Responsabilité - Faillite - règlement judiciaire - liquidation des biens - Maintien artificiel de l'entreprise du débiteur * REGLEMENT JUDICIAIRE - LIQUIDATION DES BIENS (loi du 13 juillet 1967) - Action en justice - Exercice - Créanciers du débiteur - Action en réparation d'un préjudice contre un tiers - Préjudice propre à chaque créancier.

1° Les créanciers dans la masse d'une société en règlement judiciaire sont recevables à assigner une banque en paiement de dommages-intérêts réparant le préjudice causé par ses fautes qui auraient entraîné une aggravation du passif de la procédure collective, même s'ils n'ont pas sommé le syndic d'exercer l'action de la masse, dès lors qu'il est établi que ce dernier ne l'a pas exercée.

2° BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Maintien du crédit - Entreprise en difficulté - Financements aventureux et crédits excessifs - Préjudice subi par la masse.

BANQUE - Responsabilité - Faillite - règlement judiciaire - liquidation des biens - Maintien artificiel de l'entreprise du débiteur * RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASIDELICTUELLE - Faute - Banque - Ouverture de crédit - Maintien du crédit - Entreprise en difficulté - Financements aventureux et crédits excessifs.

2° Après avoir relevé qu'une banque avait, par ses financements aventureux et ses crédits excessifs, prolongé artificiellement l'activité d'une entreprise et créé " aux yeux des tiers une apparente solvabilité génératrice du préjudice subi par les créanciers, une Cour d'appel a pu retenir l'existence d'une faute de la banque et d'un lien de causalité entre cette preuve et le préjudice subi par les créanciers.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 1982-10-21,1985-02-21

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre commerciale, 1985-10-29, bulletin 1985 IV N° 249 p. 209 (Rejet) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 22 jui. 1986, pourvoi n°85-13406, Bull. civ. 1986 IV N° 171 p. 146
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 IV N° 171 p. 146

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Peyrat
Avocat(s) : Avocats :M. Célice et la Société civile professionnelle Peignot et Garreau

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.13406
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