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02/06/1986 | FRANCE | N°84-95593

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 juin 1986, 84-95593


CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Ulysse Joseph,
- X... Louis Eugène,
contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Chambéry en date du 15 novembre 1984, qui, dans des poursuites engagées contre le premier du chef de circulation sans justification d'origine et dans le rayon douanier de marchandises prohibées, et contre le second des chefs, d'une part, du délit douanier de détention sans justification d'origine et dans le rayon des douanes de marchandises prohibées, d'autre part, du délit cambiaire de détention de devises étrangères san

s l'entremise d'un intermédiaire agréé, les a condamnés :
- X... Ulys...

CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Ulysse Joseph,
- X... Louis Eugène,
contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Chambéry en date du 15 novembre 1984, qui, dans des poursuites engagées contre le premier du chef de circulation sans justification d'origine et dans le rayon douanier de marchandises prohibées, et contre le second des chefs, d'une part, du délit douanier de détention sans justification d'origine et dans le rayon des douanes de marchandises prohibées, d'autre part, du délit cambiaire de détention de devises étrangères sans l'entremise d'un intermédiaire agréé, les a condamnés :
- X... Ulysse, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et à deux pénalités douanières de 1 719 800 francs et 58 800 francs pour tenir lieu de confiscation de 20 lingots d'or et du véhicule les ayant transportés ;
- X... Louis, à 3 mois d'emprisonnement avec sursis, et, outre la confiscation de l'or et des devises saisis, à une amende de 12 172 899 francs et à une pénalité fiscale de 2 492 719 francs ;
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits, tant en demande qu'en défense ;
I - Sur les deux premiers moyens de cassation, proposés par X... Ulysse Joseph, et pris :
Le premier, de la violation des articles 38, 64, 197, 198, 206, 323, 414, 417, 418 et 459 du Code des douanes, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Ulysse X... coupable du délit de circulation irrégulière de marchandises prohibées consistant en 20 lingots d'or, dans la zone terrestre du rayon des douanes sans justification d'origine ;
" aux motifs essentiels qu'il n'y a eu aucune irrégularité dans les visites domiciliaires opérées les 26 août 1981 et 2 septembre 1981 dans les coffres bancaires du prévenu à Annemasse, au cours desquelles ces lingots furent découverts, qu'en effet il résulte du procès-verbal de saisie du 26 août 1981 et du procès-verbal de constat du 2 septembre 1981 que l'infraction pour laquelle les opérations étaient effectuées était la détention en France par un résident de moyens de paiement sur l'étranger et que la visite avait lieu en vue de la recherche de devises étrangères, que des devises furent effectivement découvertes et que l'article 454 du Code des douanes permet aux agents d'effectuer en tous lieux des visites domiciliaires en matière d'infraction à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger ;
" alors que, comme le prévenu l'exposait dans ses conclusions restées sans réponse, il est constant que la visite domiciliaire du 26 août 1981, qui faisait suite aux auditions du prévenu et de son fils concernant l'or qu'ils détenaient, n'avait d'autre objet que de découvrir de l'or, comme cela résulte encore des énonciations mêmes du procès-verbal de saisie du 26 août 1981, qu'en réalité l'administration n'avait invoqué la détention irrégulière de moyens de paiement sur l'étranger pour laquelle d'ailleurs aucune infraction ne fut relevée, que dans le but de fonder la visite domiciliaire sur les dispositions de l'article 454 du Code des douanes qui autorise cette opération en tous lieux, alors qu'elle n'aurait pu être effectuée à Annemasse si la détention ou la circulation d'or sans justification d'origine, qui est une infraction douanière, avait été seule invoquée, l'article 64 du Code des douanes n'autorisant les visites domiciliaires pour la recherche de ces infractions que dans les villes de moins de 2 000 habitants, que ce détournement de procédure, dans le dessein de permettre aux agents des douanes d'user de ce pouvoir exorbitant que constitue la visite domicilaire en dehors du contrôle du juge, a entaché de nullité le procès-verbal du 26 août 1981 ainsi que tous les actes subséquents, jusques, et y compris, les poursuites et la condamnation du prévenu " ;
Le deuxième, pris de la violation des articles 64 et 454 du Code des douanes, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'exception de nullité des visites domiciliaires effectuées les 26 août et 2 septembre 1981 hors la présence d'un officier de police judiciaire ;
" aux motifs que, dans un écrit du 2 septembre 1981, Ulysse X... en avait dispensé les agents des douanes ;
" alors d'une part que le consentement de l'intéressé n'est pas de nature à couvrir la violation de cette formalité substantielle, protectrice de la liberté individuelle, dans une procédure qui ne prévoit même pas l'intervention du juge ;
" alors d'autre part que cet écrit ne concerne pas la visite du 26 août 1981 " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 330 et 338 du Code des douanes ;
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 454 et 64 du Code des douanes que si les agents des douanes sont habilités à effectuer en tous lieux des visites domiciliaires pour constater les infractions à la législation et à la réglementation des relations financières avec l'étranger, c'est à la condition, pour ces agents, de se faire assister d'un officier municipal ou d'un officier de police judiciaire ; que les dispositions qui prévoient une telle assistance sont d'ordre public et ne sauraient faire l'objet d'une renonciation ;
Attendu que des visites effectuées les 26 août et 2 septembre 1981 au domicile de X... Ulysse Joseph et dans ses coffres bancaires ont amené la découverte de dix billets de 100 DM, de six barres et trente et un lingots d'or ; que le susnommé a été renvoyé devant le Tribunal correctionnel pour avoir fait circuler dans le rayon des douanes des marchandises prohibées sans justification d'origine ; qu'avant tout débat au fond le prévenu a soulevé les exceptions, reprises aux deux premiers moyens, et tendant à voir dire nulles et illégales lesdites visites domiciliaires ;
Attendu que pour rejeter ces exceptions, les juges, après avoir relevé à juste titre qu'il ressort des procès-verbaux dressés les 26 août et 2 septembre 1981 que les agents des douanes ont fait mention de l'infraction pour laquelle ils entreprenaient leurs investigations, à savoir la détention en France par un résident de moyens de paiement sur l'étranger, énoncent que si un officier de police judiciaire n'avait pas assisté aux visites domiciliaires aux côtés des agents des douanes, pareille absence résultait d'un accord préalable, écrit et exprès donné par X... Ulysse Joseph ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi alors qu'une telle renonciation était inopérante au regard de dispositions d'ordre public et que l'absence d'un officier de police judiciaire entachait de nullité les visites domiciliaires, les juges ont méconnu les textes ci-dessus visés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
II - Sur le moyen unique de cassation, proposé par Louis X..., et pris de la violation des articles 206, 414 et 418-4 du Code des douanes, 2 de la loi du 2 février 1948, 1er du décret n° 48-350 du 1er mars 1948, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Louis X... coupable du délit de détention sans justification d'origine, dans le rayon des douanes, de marchandises prohibées, l'a condamné à une peine d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la confiscation au profit de l'administration des douanes de cinq barres et de quarante-cinq lingots d'or, et l'a condamné au paiement d'une somme de 2 492 719 francs, pour tenir lieu de la confiscation de vingt-neuf lingots d'or non saisis, ainsi qu'à une amende de 12 172 899 francs ;
" aux motifs que le prévenu est poursuivi pour avoir détenu des barres et des lingots d'or sans justification d'origine, dans les termes de l'article 206 du Code des douanes ; que les justifications d'origine auxquelles fait allusion ce texte, qui vise à lutter contre le trafic relatif à des marchandises prohibées ou fortement taxées, ne peuvent s'entendre que de justifications d'origine de la détention et non de l'origine de la production, pour qu'il soit vérifié que ces marchandises sont parvenues d'une façon régulière entre les mains de leur détenteur ; qu'aucun des documents présentés ne justifie de la façon dont Louis X... est devenu propriétaire des lingots d'or et des barres ; qu'en effet, si la vente à la société lyonnaise a été établie pour la plupart de ces lingots, aucun document ne justifie la vente desdits lingots au prévenu ;
" alors, d'une part, que l'article 206 du Code des douanes qui, de manière générale, interdit, dans le rayon des douanes et dans certaines agglomérations, la détention " de marchandises prohibées ", ne pouvait déroger aux dispositions spéciales de la loi du 2 février 1948 selon lesquelles la détention, le transport et le commerce de l'or sont libres sur le territoire national ; que la détention d'or se trouvait ainsi exclue du champ d'application de l'article 206 du Code des douanes ;
" alors, d'autre part, que les justifications exigées par l'article 206 du Code des douanes concernent l'origine de la marchandise et s'entendent de toutes pièces établissant que ladite marchandise, soit est d'origine française comme ayant été produite en France, soit a été régulièrement introduite sur le territoire national ; qu'ainsi, c'est à tort que l'arrêt attaqué a refusé la qualification de justification d'origine aux bulletins d'essai produits par X... lesquels, établissant que les lingots auxquels ils se rapportaient avaient été fabriqués en France, constituaient des " bordereaux de fabrication " au sens de l'article 206 ; que, de même, en l'état de l'anonymat des transactions sur l'or, la Cour d'appel ne pouvait exiger du prévenu des documents justifiant l'acquisition par lui des lingots dont il était détenteur, dès lors qu'il n'était pas contesté que lesdits lingots provenaient de la Compagnie Parisienne de Réescompte, laquelle les avait livrés à l'agence d'Annemasse de la société lyonnaise, sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier, et qu'ainsi se trouvait établie l'origine régulière de ces lingots au regard de la législation douanière " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout arrêt ou jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu, d'autre part, qu'aux termes de l'article 206-a du Code des douanes, est interdite la détention dans le rayon des douanes de marchandises prohibées ou fortement taxées à l'entrée pour lesquelles on ne peut produire à première réquisition des agents des douanes, soit des quittances attestant que ces marchandises ont été régulièrement importées, soit des factures d'achat, bordereaux de fabrication ou toutes autres justifications d'origine émanant de personnes ou sociétés régulièrement établies à l'intérieur du territoire douanier ;
Attendu que pour déclarer X... Louis coupable du délit douanier de détention irrégulière d'or tel que prévu par l'article 206-a précité, la condamnation pour infraction cambiaire n'étant pas remise en cause par le moyen de cassation, l'arrêt énonce qu'aucun des documents présentés ne justifie de la façon dont X... Louis est devenu propriétaire de trente-six lingots et de cinq barres d'or, que si la vente à la société lyonnaise a été établie " pour la plupart de ces lingots ", aucun document ne justifie la vente desdits lingots au prévenu ;
Mais attendu que les juges, en statuant ainsi, se sont insuffisamment expliqués sur l'origine exacte de l'ensemble des lingots saisis dans le rayon douanier au domicile de Louis X... et n'ont pas fait l'exacte application du texte de loi susvisé ;
Qu'il s'ensuit que la cassation est encourue, et qu'elle doit être totale en raison de l'indivisibilité des peines d'emprisonnement et des pénalités fiscales sanctionnant les délits de douanes remis en cause par la cassation et les infractions cambiaires non contestées par le moyen ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés par X... Ulysse Joseph :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt de la Cour d'appel de Chambéry, en date du 15 novembre 1984 en ce qu'il concerne X... Ulysse Joseph et X... Louis, et pour qu'il soit statué conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi ordonnée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Grenoble.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-95593
Date de la décision : 02/06/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CHANGES - Constatation des infractions - Agents habilités - Agents des Douanes - Pouvoirs - Pouvoir de perquisition et de saisie - Visite domiciliaire - Assistance d'un officier de police judiciaire - Disposition d'ordre public.

CHANGES - Constatation des infractions - Agents habilités - Agents des Douanes - Procès-verbaux - Procès-verbaux de constat - Assistance d'un officier de police judiciaire - Constatation - Disposition d'ordre public * OFFICIER DE POLICE JUDICIAIRE - Pouvoirs - Infractions - Constatation - Infraction cambiaire - Assistance aux visites domiciliaires - Disposition d'ordre public.

1° Il résulte des dispositions combinées des articles 454 et 64, 330 et 338 du Code des douanes que si les agents de cette administration sont habilités à effectuer en tous lieux des visites domiciliaires pour constater les infractions cambiaires, c'est à la condition pour ces agents de se faire assister d'un officier de police judiciaire, les dispositions prévoyant une telle assistance étant d'ordre public. Encourt dès lors cassation l'arrêt qui pour rejeter l'exception de nullité d'une visite domiciliaire, en matière cambiaire, énonce que l'absence de l'officier de police judiciaire tant à la perquisition qu'au procès-verbal la constatant, résultait d'un accord préalable, écrit et exprès donné par le prévenu aux agents des douanes ayant opéré et verbalisé, alors que pareille renonciation est inopérante au regard du caractère d'ordre public attaché à la présence d'un officier de police judiciaire aux opérations précitées (1).

2° DOUANES - Rayon douanier - Détention de marchandises prohibées ou fortement taxées - Justification d'origine - Constatations nécessaires.

2° Voir le sommaire suivant.

3° CASSATION - Cassation totale - Pluralité d'infractions - Indivisibilité des peines - Peines d'emprisonnement - Pénalités fiscales - Condamnations prononcées à la fois pour des délits douaniers et cambiaires.

3° Aux termes de l'article 206-a du Code des douanes est interdite, dans le rayon des douanes, la détention de marchandises prohibées ou fortement taxées à l'entrée sur le territoire français, (notamment de l'or en barres ou lingots), lorsque le détenteur ne peut produire à première réquisition des agents des douanes toute justification d'origine de ces marchandises émanant de personnes physiques ou morales établies à l'intérieur du territoire douanier. Encourt cassation l'arrêt qui s'est insuffisamment expliqué sur l'origine de l'ensemble des lingots saisis, chez le prévenu, et dans le rayon douanier, et a fait une inexacte application de l'article 206-a du Code des douanes, en assimilant les preuves de la propriété aux preuves de la détention régulière. Cette cassation doit être totale en raison de l'indivisibilité des peines d'emprisonnement et des pénalités fiscales sanctionnant les délits douaniers et cambiaires retenus à la charge du demandeur au pourvoi (2).


Références :

(1)
(3)
Code des douanes 206-a
Code des douanes 454, 64, 330, 338

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 15 novembre 1984

(1) A CONTRARIO : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1822-02-01, bulletin criminel 1822 N° 222 p. 139 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1935-12-27, bulletin criminel 1935 N° 148 p. 265 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1942-06-17, bulletin criminel 1942 N° 75 p. 126 (Rejet). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1967-12-14, bulletin criminel 1967 N° 328 p. 776 (Rejet) et l'arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 jui. 1986, pourvoi n°84-95593, Bull. crim. criminel 1986 N° 185 P. 473
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 185 P. 473

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Escande, Conseiller doyen faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Tacchella
Avocat(s) : Avocats : MM. Delvolvé et Jacoupy, la Société civile professionnelle Boré et Xavier.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.95593
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