Sur le premier moyen :
Attendu que la société Solon-Poirier fait grief à l'arrêt attaqué (Paris, 11 juillet 1984), rendu sur appel d'une ordonnance de référé, d'avoir ordonné une mesure d'instruction sans avoir recherché si, eu égard à la tardiveté de la communication des pièces et à l'abondance de celles-ci, elle avait été en mesure de répliquer à son adversaire alors, selon le pourvoi, que l'absence de sanction prévue en cas de non respect de l'obligation de déposer au greffe les pièces justificatives de la requête aux fins d'assigner à jour fixe ne dispense pas le juge de respecter en toutes circonstances le principe de la contradiction conformément à l'article 16 du Nouveau Code de procédure civile ; qu'en l'état d'une communication de la totalité des pièces justificatives quelques jours seulement avant l'audience venue sur jour fixe, il appartenait à la Cour d'appel de rechercher si, eu égard notamment au nombre élevé de ces pièces, l'intimé avait été en mesure de répliquer à l'appelant ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 16 et 918 du Nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que l'arrêt constate que les pièces ont été communiquées quelques jours avant l'audience par l'avoué de la société appelante, qu'elles ont été à nouveau mises en discussion lors de l'audience et qu'elles ont fait l'objet d'un débat contradictoire ; qu'il résulte de ces constatations et énonciations que la Cour d'appel s'est assurée que les droits de la défense avaient été respectés ; que le moyen n'est pas fondé ;
Et sur le second moyen, pris en ses deux branches :
Attendu qu'il est en outre reproché à la Cour d'appel, qui avait à se prononcer sur une demande présentée le 19 mars 1984 et fondée sur les dispositions de l'article 145 du Nouveau Code de procédure civile, d'avoir donné mission à l'expert qu'elle a désigné de se faire représenter les livres de commerce de la société Solon-Poirier alors, selon le pourvoi, d'une part, que s'il est vrai que les mesures d'instruction visées à ce texte affranchissent des conditions habituelles et restrictives du référé, le motif légitime qui justifie une telle demande doit s'entendre de l'intérêt probatoire du demandeur ; que l'arrêt déféré, qui relevait lui-même les éléments probatoires dont disposait déjà la société Thomas et Harrison, demanderesse, à l'appui d'une éventuelle action en concurrence déloyale, devait nécessairement rechercher en quoi la production des livres de la société Solon-Poirier était de nature à améliorer la situation probatoire de la société Thomas et Harrison, le risque de dépérissement des preuves n'étant d'ailleurs pas allégué ; qu'en ne procédant pas à cette recherche, la Cour d'appel n'a pas caractérisé le motif légitime de la société demanderesse au sens de l'article 145 du Nouveau Code de procédure civile, et alors, d'autre part, que la mesure d'instruction prévue par ce texte est une mesure qui ne peut être ordonnée qu'avant tout procès ; que l'article 15 du Code de commerce prévoyant que la représentation des livres du commerçant pourra être ordonnée " dans le cours d'une contestation ", ce texte ne peut évidemment trouver application en l'absence de tout procès ; que c'est donc par une fausse application de l'article 15 du Code de
commerce que la Cour d'appel a ordonné la représentation des livres de commerce en justice d'une société commerciale dans le cadre d'une mesure d'instruction " in futurum " ;
Mais attendu, d'une part, que l'arrêt relève que M. X..., après avoir démissionné de ses fonctions de directeur du département de peintures industrielles de la société Thomas et Harrison, entreprise générale de peinture, décorations et vitrerie, avait été engagé par la société Solon, effectuant également des travaux de peinture en bâtiment, et ayant pris la dénomination " Solon-Poirier " ; qu'il ajoute que la société Solon-Poirier ne déniait pas avoir emporté les marchés énumérés par la société Thomas et Harrison dans sa requête et que cette dernière avait produit les devis et propositions en vue de soumissionner aux appels d'offre d'au moins neuf entreprises, toutes propositions établies et signées par M. X..., son directeur, pendant la période où il effectuait son préavis après sa démission ; que la Cour d'appel a ainsi caractérisé le motif légitime qui s'attachait à la conservation ou à l'établissement d'éléments de preuve dont la société Thomas et Harrison ne pouvait alors disposer et qui portaient sur des faits susceptibles de constituer une concurrence déloyale de la part de la société Solon-Poirier ;
Attendu, d'autre part, que les articles 8 à 17 du Code de commerce ont été modifiés par la loi du 30 avril 1983, qui est entrée en vigueur antérieurement à l'introduction de l'instance, et qui ne reprend pas la disposition selon laquelle c'est " dans le cours d'une contestation " que la représentation des livres de commerce peut être ordonnée par le juge ;
D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi