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29/04/1986 | FRANCE | N°85-93942

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 29 avril 1986, 85-93942


CASSATION sur le pourvoi de :
- la commune de Damblain, partie civile,
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nancy, en date du 18 juin 1985, qui a dit qu'il n'y avait lieu à suivre contre X... Jean, poursuivi pour faux en écriture publique, usage de faux, ingérence et escroquerie ;
LA COUR,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 8 janvier 1981 portant désignation de juridiction en application de l'article 681 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du pourvoi au reg

ard de l'article 568 du Code de procédure pénale ;
Attendu que de la combin...

CASSATION sur le pourvoi de :
- la commune de Damblain, partie civile,
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nancy, en date du 18 juin 1985, qui a dit qu'il n'y avait lieu à suivre contre X... Jean, poursuivi pour faux en écriture publique, usage de faux, ingérence et escroquerie ;
LA COUR,
Vu l'arrêt de la Cour de Cassation en date du 8 janvier 1981 portant désignation de juridiction en application de l'article 681 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur la recevabilité du pourvoi au regard de l'article 568 du Code de procédure pénale ;
Attendu que de la combinaison des articles 217 alinéa 3 (dans sa rédaction antérieure à la loi du 30 décembre 1985) et 568 alinéa 2, 1°, du Code de procédure pénale, il résulte que le délai de pourvoi de la partie civile contre les arrêts de la Chambre d'accusation ne court que du jour de la signification desdits arrêts à la partie intéressée, soit au domicile élu, soit au domicile réel, suivant les distinctions établies par l'article 83 du même Code (dans sa rédaction antérieure à la loi précitée) ;
D'où il suit que le pourvoi formé le 26 juin 1985, par la commune de Damblain (située dans le ressort de la Chambre d'accusation) contre l'arrêt du 18 juin 1985 avant la signification de cette décision, faite le 3 juillet 1985, est recevable ;
Sur la recevabilité du pourvoi au regard de la régularité de la constitution de partie civile de la demanderesse ;
Attendu que, pour écarter la contestation élevée par l'inculpé contre la validité de la constitution de partie civile de la commune de Damblain, la Chambre d'accusation énonce que devant la juridiction d'instruction il suffit que les circonstances sur lesquelles cette partie civile s'appuie permettent au juge d'admettre comme possible l'existence du préjudice allégué et que tel est le cas en l'espèce ;
Que dès lors c'est à bon droit que l'arrêt attaqué a rejeté la contestation de l'inculpé, lequel aura, s'il y a lieu, la faculté de contester devant la juridiction de jugement le bien-fondé de l'action civile ; qu'il s'ensuit que la partie civile pouvait valablement former son pourvoi ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 575-2° et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a dit n'y avoir lieu à suivre contre Jean X... des chefs d'ingérence, escroquerie, faux en écritures publiques et usage de faux en écritures publiques ;
" aux motifs que l'information n'avait pas permis d'établir que X... eût commis des actes d'escroquerie ou d'ingérence ; que la commune confiait chaque année les travaux de voirie à Sodemo ; que tous les conseillers municipaux entendus avaient déclaré que les travaux avaient fait l'objet de délibérations régulières non inscrites au cahier des délibérations ; que X... bénéficiait donc d'un accord pour les confier à la société Sodemo et qu'en établissant de faux extraits, il avait voulu gagner du temps et n'avait pas agi dans l'intention de nuire ; que les conseillers municipaux entendus reconnaissaient que les décisions relatives aux emprunts étaient prises chaque année lors de la réunion du conseil ; et que s'agissant d'un fait automatique, la délibération n'était pas inscrite au registre des délibérations ; qu'en fabriquant une fausse délibération, X... avait agi dans l'intérêt de la commune, le montant des emprunts étant affecté à l'objet auquel ils étaient destinés et n'avait pas agi avec intention de nuire ; que les conseillers municipaux reconnaissaient, y compris Y... mais sauf Z..., que l'emprunt de 150 000 francs souscrit auprès du Crédit Agricole était destiné aussi bien à l'achat qu'à la viabilisation du terrain ; qu'il était douteux que l'autorisation n'eût porté que sur la viabilisation puisqu'avant de réaliser celle-ci, il était nécessaire de l'acquérir ; qu'en ajoutant sur l'extrait le mot " achat ", X... n'avait fait que traduire l'intention du conseil municipal et n'avait pas agi avec intention de nuire ; qu'en remplaçant sur les délibérations du 28 décembre 1977 la parcelle 414 par les parcelles 417 et 418, conformément aux documents établis par le géomètre, X... avait voulu rectifier une erreur matérielle et n'avait pas agi avec intention de nuire et qu'en fabriquant une nouvelle fausse délibération autorisant la commune à acquérir la parcelle n° 420, X... avait encore voulu réparer l'erreur ayant consisté à ne pas inclure cette parcelle dans les délibérations du 28 décembre 1977 bien qu'elle eût figuré parmi les terrains compris dans les différents plans de lotissement sur l'achat desquels le conseil municipal avait donné son accord ; qu'il n'était pas établi qu'il ait agi avec l'intention de nuire et qu'ainsi les faux reprochés à l'inculpé avaient pour but de régulariser de façon formelle des décisions informelles du conseil munipal ou de prendre, dans un but de simplification et de rapidité, des décisions urgentes qui avaient toujours été confirmées ou ratifiées par le conseil municipal ; que ces décisions avaient été prises dans l'intérêt de la commune et non dans l'intérêt personnel de X... ; qu'il n'avait pas conscience que son altération volontaire de la vérité était susceptible de nuire soit matériellement, soit même moralement à un tiers, ou à la société ; qu'il n'y avait pas dès lors intention frauduleuse au sens de l'article 146 du Code pénal ;
" alors que, d'une part, est dépourvu de motifs l'arrêt attaqué qui prononce un non-lieu du chef d'escroquerie et d'ingérence sans exposer les faits de la poursuite ni donner les raisons pour lesquelles il estime n'y avoir lieu à suivre, en sorte que l'arrêt attaqué ne satisfait pas aux conditions essentielles de son existence légale ;
" alors que, de seconde part, est insuffisamment motivé l'arrêt attaqué qui affirme que les conseillers municipaux entendus au cours de la poursuite avaient admis l'existence de délibérations régulières non inscrites au registre des délibérations en ce qui concerne les travaux confiés à Sodemo et en ce qui concerne les emprunts sans préciser de quels conseillers municipaux il s'agissait ni dans quelles conditions ils auraient fait de telles déclarations, précisions indispensables dès lors que, lors de son audition le 1er février 1983, et de la confrontation du 3 novembre 1983, Monsieur Léon Y..., l'un des conseillers municipaux en exercice au moment des faits et représentant le maire de la commune de Damblain, partie civile, contestait formellement l'existence de ces délibérations informelles non inscrites sur le registre des délibérations ; que, dès lors, en l'état de ces énonciations imprécises, l'arrêt attaqué ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle et ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
" alors que, de troisième part, l'arrêt attaqué qui juge qu'en substituant à la parcelle 414 les parcelles 417 et 418, X... n'aurait fait que rectifier une erreur matérielle, tout en constatant par ailleurs que sur les deux délibérations du 28 décembre 1977 portant autorisation d'acquérir des terrains, aucun numéro de cadastre n'avait été précisé, en sorte qu'il n'était pas possible d'affirmer qu'une erreur avait été commise sur le numéro des parcelles, se trouve insuffisamment motivé et partant ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
" alors que, de quatrième part, est entaché de contradiction l'arrêt attaqué qui, pour déclarer que X... n'avait fait que réparer une erreur matérielle en ajoutant une parcelle numéro 420 qui ne figurait pas dans les délibérations du 28 décembre 1977, tout en constatant, par ailleurs, que ces délibérations ne comprenaient aucune indication quant aux parcelles ; qu'ainsi l'arrêt attaqué ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ;
" alors que, de cinquième part, est insuffisamment motivé l'arrêt attaqué qui ne précise pas dans quelles conditions les fausses délibérations établies par X... auraient été confirmées puis ratifiées par le conseil municipal et qui ne précise pas davantage si ces confirmations et ratifications avaient été effectuées en connaissance des irrégularités commises ; que, dès lors, l'arrêt attaqué ne permet pas à la Cour de Cassation d'exercer son contrôle sur ce point et ne satisfait pas, en la forme, aux conditions essentielles de son existence légale ; "
Ce moyen étant pris en sa première branche ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon l'article 575 alinéa 2, 5° et 6° du Code de procédure pénale, la partie civile est admise à se pourvoir seule en cassation contre un arrêt de non-lieu de la Chambre d'accusation lorsque celui-ci a omis de statuer sur un chef d'inculpation ou lorsqu'il ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale ;
Attendu que l'arrêt attaqué, sans avoir rapporté ou analysé l'ensemble des faits reprochés à X..., commis dans l'exercice de ses fonctions de maire de la commune de Damblain, sous les qualifications de faux en écriture publique, usage de faux, ingérence et escroquerie, se borne à déclarer que l'information n'a pas permis d'établir que l'inculpé ait commis des actes d'escroquerie ou d'ingérence puis, après avoir énoncé les conditions dans lesquelles celui-ci aurait rédigé un certain nombre de faux extraits de délibérations du conseil municipal, qui n'auraient pas eu lieu, expose les motifs pour lesquels les juges considèrent que les crimes de faux en écriture publique et usage de faux ne sont pas caractérisés ;
Mais attendu qu'en cet état l'arrêt attaqué, qui prononce non-lieu des chefs d'ingérence et d'escroquerie sans avoir exposé les faits imputés à X... sous ces qualifications et s'explique uniquement sur des faits qualifiés faux en écriture publique et usage, ne satisfait pas en la forme aux conditions essentielles de son existence légale et ne met pas la Cour de Cassation en mesure de s'assurer qu'il a été statué sur tous les chefs d'inculpation ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
Et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen proposé,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nancy en date du 18 juin 1985,
Et pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi,
RENVOIE la cause et les parties devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Dijon.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-93942
Date de la décision : 29/04/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° CASSATION - Pourvoi - Délai - Point de départ - Arrêt de la chambre d'accusation - Arrêt de non-lieu - Pourvoi de la partie civile - Signification à domicile.

1° En ce qui concerne un arrêt de la chambre d'accusation prononçant un non-lieu, seule la signification de l'arrêt, effectuée conformément aux prescriptions de l'article 217 alinéa 3 du code de procédure pénale, fait courir le délai de pourvoi envers la partie civile qui est domiciliée dans le ressort de la juridiction où se fait l'information (1).

2° ACTION CIVILE - Partie civile - Constitution - Constitution à l'instruction - Recevabilité - Préjudice - Possibilité.

2° Est recevable devant la juridiction d'instruction la constitution de partie civile d'une commune des chefs d'ingérence, faux en écritures authentiques et usage, escroquerie dès lors que la demanderesse invoque la possibilité de l'existence d'un préjudice résultant des infractions dénoncées (2).

3° CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêts - Arrêt de non-lieu - Pourvoi de la partie civile - Recevabilité - Cas - Omission de statuer sur un chef d'inculpation.

3° Encourt la cassation sur le seul pourvoi de la partie civile un arrêt de la chambre d'accusation qui, sans exposer les faits d'ingérence et d'escroquerie invoqués à l'appui de la plainte avec constitution de partie civile se borne à déclarer que ces délits ne sont pas établis (3).


Références :

(1)
Code de procédure pénale 217 al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 18 juin 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1970-04-14, bulletin criminel 1970 N° 123 p. 283 (Irrecevabilité). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1981-02-24, bulletin criminel 1981 N° 70 p. 197 (Irrecevabilité). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1972-10-17, bulletin criminel 1972 N° 289 p. 754 (Cassation partielle). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1974-07-23, bulletin criminel 1974 N° 263 p. 668 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1982-10-21, bulletin criminel 1982 N° 231 p. 628 (Rejet). (3) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1982-11-09, bulletin criminel 1982 N° 247 p. 668 (Cassation) et les arrêts cités. Cour de Cassation, chambre criminelle, 1983-06-20, bulletin criminel 1983 N° 188 p. 469 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1984-05-29, bulletin criminel 1984 N° 193 p. 501 (Cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 29 avr. 1986, pourvoi n°85-93942, Bull. crim. criminel 1986 N° 144 p. 367
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 144 p. 367

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Berthiau, conseiller le plus ancien faisant fonctions.
Avocat général : Avocat général : M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Zambeaux -
Avocat(s) : Avocats : La société civile professionnelle Nicolas, Massé-Dessen et Georges et la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.93942
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