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22/04/1986 | FRANCE | N°84-10288

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 22 avril 1986, 84-10288


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M.Trait, président de la société Anaro, admise au règlement judiciaire, a, par lettre du 3 juin 1971, confirmé à M.Bosernitan son accord pour lui consentir, tant en son nom personnel qu'au nom d'autres actionnaires dont il se portait fort, une option sur la vente des actions de cette société, option qui devait être levée dans les quinze jours de l'homologation du concordat, M.Trait s'engageant également à céder à M.Bosernitan, pour le prix d'un franc, le montant de son compte courant créditeur dans la société ; que, par l

ettre du même jour, M.Bosernitan s'est porté fort de ce que la so...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M.Trait, président de la société Anaro, admise au règlement judiciaire, a, par lettre du 3 juin 1971, confirmé à M.Bosernitan son accord pour lui consentir, tant en son nom personnel qu'au nom d'autres actionnaires dont il se portait fort, une option sur la vente des actions de cette société, option qui devait être levée dans les quinze jours de l'homologation du concordat, M.Trait s'engageant également à céder à M.Bosernitan, pour le prix d'un franc, le montant de son compte courant créditeur dans la société ; que, par lettre du même jour, M.Bosernitan s'est porté fort de ce que la société continuerait à s'assurer la collaboration de M.Trait jusqu'à la fin de l'année 1971 avec une rémunération égale à celle qui lui était allouée ; qu'il était également convenu que, le 1er janvier 1972, M.Trait percevrait une somme de 120.000 francs, diminuée des sommes déjà perçues à titre de rémunération mensuelle du jour de l'homologation du concordat à celle de son départ, à titre d'indemnité forfaitaire ; qu'enfin, M.Bosernitan s'est engagé à faire ratifier ces engagements lors de la réunion du premier conseil d'administration qui se tiendrait après l'homologation du concordat ; que M.Trait, n'ayant pas perçu la somme de 120.000 francs, a assigné en paiement la société Anaro et M.Bosernitan devant le Conseil de prud'hommes ; que cette juridiction s'est déclarée incompétente au profit du Tribunal de commerce ; que devant ce tribunal M.Trait s'est désisté de son instance et de son action à l'encontre de la société et s'est vu donner acte de ce que " l'instance n'avait plus lieu à l'encontre de M.Bosernitan " ; qu'entre-temps, M.Trait avait assigné M.Bosernitan devant le tribunal de grande instance en paiement de la somme de 120.000 francs et de dommages-intérêts ; que M.Bosernitan s'est, reconventionnellement, porté demandeur en paiement de la somme de 132.360 francs, représentant le montant du compte courant cédé par M.Trait, ainsi que de dommages-intérêts ; Sur le premier moyen :

Attendu que M.Trait reproche à l'arrêt confirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande, alors, selon le moyen, qu'il résulte de la lettre de M.Bosernitan du 3 juin 1971 que celui-ci, en se portant fort de la ratification de la promesse faite au nom de la société, avait également " formé un contrat pour lui-même ", dès lors qu'il était clairement précisé que l'engagement de payer l'indemnité faisait suite à l'option consentie par M.Trait relative à l'acquisition des actions et du compte courant, de sorte que cet acte a été dénaturé ;

Mais attendu que la Cour d'appel a estimé, sans le dénaturer, tant par motifs propres qu'adoptés des premiers juges, que le seul engagement personnel contracté par M.Bosernitan, outre celui de faire maintenir la collaboration de M.Trait jusqu'à la fin de l'année 1971, était celui de faire ratifier par la société l'octroi de l'indemnité convenue ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué, aux motifs qu'en raison du désistement d'instance et d'action de M.Trait à l'égard de la société dans une procédure concernant l'indemnité, celui-ci ne pouvait plus rien réclamer à la société et n'est pas davantage fondé en sa demande contre M.Bosernitan qui n'a aucun engagement personnel envers lui, d'autant que M.Trait n'avait pas, avant son désistement, réclamé à M.Bosernitan des dommages-intérêts pour le préjudice résultant du défaut de ratification, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions par lesquelles M.Trait faisait valoir qu'à défaut de ratification de la convention par la société, il ne pouvait que renoncer à sa demande à l'égard de celle-ci, non partie à la convention, et demander au porte-fort réparation de son préjudice qui ne pourraît être inférieur au montant de l'indemnité convenue ; alors, d'autre part, que la promesse de porte-fort étant inopposable à la société, qui ne l'avait pas ratifiée, le désistement d'instance et d'action de M.Trait à l'égard de la société ne faisait pas obstacle à la reprise de la procédure contre M.Bosernitan dès lors qu'il résulte du jugement du tribunal de commerce qu'il avait été donné acte à M.Trait du seul désistement d'instance à l'égard de M.Bosernitan et de ce qu'il se réservait de reprendre l'action contre celui-ci devant le tribunal de grande instance, de sorte que la Cour d'appel a violé les articles 384 et 385 du nouveau code de procédure civile ; alors, de troisième part, que M.Trait ayant la faculté de modifier le fondement de sa demande dès lors qu'elle tendait aux mêmes fins que celle soumise aux premiers juges, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans violer l'article 565 du nouveau code de procédure civile, se fonder sur le fait que M.Trait n'avait pas, avant son désistement, réclamé des dommages-intérêts à M.Bosernitan, et alors, enfin, qu'en ne précisant pas en quoi les faits reprochés à M.Trait à l'égard de la société, " tiers au contrat ", ont pu dispenser M.Bosernitan de ses obligations envers M.Trait, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale ;

Mais attendu qu'en énonçant que le désistement d'instance et d'action de M.Trait à l'égard de la société dans une procédure qui concernait précisément le paiement de l'indemnité litigieuse - quelle que soit la cause de ce désistement - avait eu pour effet d'éteindre la créance qu'il avait sur cette société et, par voie de conséquence, contre quiconque de ce chef, la Cour d'appel a implicitement mais nécessairement estimé que, M.Trait ayant renoncé au paiement de l'indemnité, M.Bosernitan se trouvait, dès lors, dégagé de sa promesse et qu'aucune réparation ne pouvait être exigée de lui sur le fondement de l'article 1120 du Code civil ; que par ces motifs, abstraction faite de ceux critiqués par les troisième et quatrième branches du moyen qui sont surabondants, les juges du second degré ont, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié leur décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses quatre branches, le moyen n'est fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est également reproché à la Cour d'appel d'avoir condamné M.Trait à payer la somme de 132.360 francs, montant du compte courant cédé par lui, alors, selon le moyen, d'une part, que la cassation à intervenir sur le premier moyen entraînera, par voie de conséquence, celle du chef relatif à cette condamnation et alors, d'autre part, que M.Bosernitan n'ayant pas tenu son engagement de faire ratifier la convention relative au paiement de l'indemnité, la Cour d'appel ne pouvait pas condamner M.Trait à exécuter sa propre obligation, sans déterminer pourquoi l'inexécution de son obligation par M.Bosernitan ne pouvait pas affranchir M.Trait de la sienne ;

Mais attendu, d'abord, que le rejet du premier moyen rend sans objet la première branche du troisième moyen ;

Attendu, ensuite, qu'après avoir énoncé que M.Trait ne pouvait invoquer " l'interdépendance d'obligations réciproques " en ce qui concerne le paiement de l'indemnité de 120.000 francs, la Cour d'appel relève que M.Bosernitan, ayant rempli sa propre obligation d'acquérir les actions que M.Trait s'était engagé à lui céder, par lettre du 3 juin 1971, était fondé à exiger le paiement du montant du compte courant créditeur de M.Trait ; que par ces motifs, elle a légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le quatrième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que l'arrêt est encore critiqué pour avoir condamné M.Trait à payer la somme de 8.000 francs à titre de dommages-intérêts par des motifs adoptés des premiers juges, alors, selon le moyen, d'une part, que de tels motifs, " parfaitement incompréhensibles ", sont insusceptibles de caractériser l'abus par M.Trait de l'exercice de son droit d'ester en justice, et alors, d'autre part, que la Cour d'appel ne pouvait se dispenser de préciser en quoi l'abandon de son action à l'encontre de la société rendait abusive la poursuite de celle dirigée contre M.Bosernitan ;

Mais attendu qu'en énonçant, par des motifs parfaitement intelligibles, que M.Trait avait agi de mauvaise foi et dans une intention malicieuse en poursuivant son action contre M.Bosernitan, après avoir renoncé à agir à l'encontre de la société, la Cour d'appel a caractérisé la faute qui a fait dégénérer en abus le droit d'agir en justice de celui-ci ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches le moyen n'est fondé ;

Sur le cinquième moyen :

Attendu qu'il est enfin prétendu que les motifs énoncés pour condamner M.Trait à payer la somme complémentaire de 5.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ne caractérisaient pas une faute dans l'exercice d'une voie de recours et n'établissaient pas que l'appel a été interjeté dans une intention malveillante et dilatoire, de sorte que l'arrêt n'est pas légalement justifié de ce chef ;

Mais attendu qu'en relevant que M.Trait avait poursuivi une procédure sur le mal fondé de laquelle il était suffisamment éclairé par les motifs de la décision de première instance, la Cour d'appel a caractérisé l'abus commis par celui-ci dans l'exercice de son droit d'appel ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-10288
Date de la décision : 22/04/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PORTE-FORT - Inexécution - Dommages-intérêts - Action du bénéficiaire contre le tiers - Désistement - Extinction de l'action à l'égard du promettant

En énonçant que le désistement d'instance et d'action du bénéficiaire d'une promesse de porte-fort à l'égard de la société au nom de laquelle la promesse avait été faite dans une procédure qui concernait le paiement de l'indemnité, objet de la promesse, avait eu pour effet d'éteindre la créance du bénéficiaire sur la société et par voie de conséquence, contre quiconque de ce chef, une cour d'appel a implicitement mais nécessairement estimé que le promettant se trouvait, dès lors, dégagé de sa promesse et qu'aucune réparation ne pouvait être exigée de lui sur le fondement de l'article 1120 du code civil.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 13 décembre 1983


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 22 avr. 1986, pourvoi n°84-10288, Bull. civ. 1986 I N° 99 p. 101
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 99 p. 101

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Joubrel
Avocat général : Avocat général :M. Gulphe
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Viennois
Avocat(s) : Avocats :La société civile professionnelle Guiguet, Bachellier et Potier de la Varde et la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.10288
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