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15/04/1986 | FRANCE | N°84-11258

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 15 avril 1986, 84-11258


Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M.Jean Vitrant, agent général de la compagnie d'assurances Rhin et Moselle, devenue la compagnie Rhin et Moselle Assurances Françaises (la compagnie R.M.A.F.), a donné sa démission le 15 octobre 1976 avec effet au 1er décembre 1976 ; que son fils, M.Michel Vitrant a travaillé comme employé de celui-ci du 1er janvier au 1er septembre 1975, date à laquelle il est devenu agent général de la compagnie d'assurances S.A.V.A.G. ; qu'alléguant que les consorts X... avaient commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice en

raison de la confusion existant entre leurs deux installations...

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que M.Jean Vitrant, agent général de la compagnie d'assurances Rhin et Moselle, devenue la compagnie Rhin et Moselle Assurances Françaises (la compagnie R.M.A.F.), a donné sa démission le 15 octobre 1976 avec effet au 1er décembre 1976 ; que son fils, M.Michel Vitrant a travaillé comme employé de celui-ci du 1er janvier au 1er septembre 1975, date à laquelle il est devenu agent général de la compagnie d'assurances S.A.V.A.G. ; qu'alléguant que les consorts X... avaient commis des actes de concurrence déloyale à son préjudice en raison de la confusion existant entre leurs deux installations, la compagnie R.M.A.F. les a assignés, ainsi que la compagnie S.A.V.A.G., en paiement de dommages-intérêts ; que M.Jean Vitrant s'est opposé à cette demande, en soutenant qu'en toute hypothèse il n'avait pas d'obligation d'exclusivité à l'égard de la compagnie R.M.A.F., celle-ci ne lui ayant pas accordé d'exclusivité territoriale contrairement à ses obligations légales ; qu'il a présenté une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts et d'une indemnité compensatrice ; que M.Michel Vitrant a également conclu au rejet de la demande dirigée contre lui ;

Sur le premier moyen, pris en ses deux branches :

Attendu que les consorts X... reprochent à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir décidé que M.Jean Vitrant avait une obligation d'exclusivité à l'égard de la compagnie R.M.A.F., alors selon le moyen, d'une part, que l'exclusivité garantie par l'agent à la compagnie est la contrepartie de l'exclusivité que celle-ci lui consent ; qu'un traité de nomination d'agent général qui ne prévoit pas en sa faveur d'exclusivité territoriale ne constitue, en fait, qu'un contrat de courtage ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé les articles 4, 7 et 14 du statut des agents généraux d'assurances tel qu'il résulte du décret du 5 mars 1949 ; et alors, d'autre part, que, contrairement à ce qu'a décidé la Cour d'appel, l'article 14 de ce statut, s'il prévoit la possibilité de dérogations, au nombre desquelles ne figure pas expressément le cas de fusion entre deux compagnies, précise que ces dérogations doivent faire l'objet d'un règlement distinct établi par le Conseil national des assurances, de sorte qu'en ne précisant pas si ce règlement a été établi et quelles en sont les dispositions, les juges du second degré ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 14 précité ;

Mais attendu qu'après avoir justement estimé que la clause du traité de nomination qui ne reconnaissait pas à M.Jean Vitrant une exclusivité territoriale devait être réputée non écrite comme contraire aux dispositions de l'article 14 du statut, la Cour d'appel a relevé que la compagnie R.M.A.F. avait, en fait, réservé à son agent général l'exclusivité de souscription dans son secteur ; qu'elle a, en outre, énoncé qu'après la fusion de la compagnie Rhin et Moselle avec la Compagnie d'assurances générales M.Jean Vitrant avait été autorisé à présenter le risque " auto-kilomètres " dans des conditions identiques à celles pratiquées par l'agent de la seconde compagnie ; que de ces constatations et énonciations les juges du second degré ont pu déduire que M.Jean Vitrant n'était pas fondé à prétendre qu'il était dispensé de respecter l'obligation d'exclusivité à l'égard de la compagnie R.M.A.F. ; qu'ainsi, abstraction faite des motifs critiqués par la seconde branche du moyen qui sont surabondants, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches, le moyen n'est fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, d'une part, alloué à la compagnie R.M.A.F. une indemnité de 86.678 francs pour perte sur la cession du portefeuille à M.Philippard et, d'autre part, privé M.Jean Vitrant du paiement d'une indemnité compensatrice au motif qu'il n'avait pas respecté l'article 26 du statut, alors, selon le moyen, d'une part, qu'il résulte du rapport de l'expert dont la Cour d'appel s'est approprié les motifs, que ce chef de préjudice résulterait de ce que la compagnie R.M.A.F. aurait versé une indemnité compensatrice de 227.372,26 francs à M.Jean Vitrant et de ce qu'elle n'aurait cédé le portefeuille de celui-ci à M.Philippard que pour une somme de 140.494,04 francs ; qu'ayant décidé que M.Jean Vitrant n'avait pas droit à une indemnité compensatrice, les juges du second degré ne pouvaient, et ce sans tenir compte des conséquences résultant de leur décision, condamner les consorts X... à payer à la compagnie R.M.A.F. une somme qui, en raison de l'absence de toute condamnation de cette compagnie à payer à son ancien agent une indemnité, correspondait à un préjudice qu'elle n'avait pas subi, de sorte que la Cour d'appel a violé l'article 1147 du Code civil en ce qui concerne M.Jean Vitrant, et alors, d'autre part, qu'en condamnant solidairement M.Michel Vitrant à payer la même somme que son père, les juges du second degré ont violé l'article 1382 du même code ;

Mais attendu que -contrairement à ce que soutient inexactement le moyen- la Cour d'appel n'a pas fait sienne l'affirmation erronée du rapport d'expertise selon laquelle M.Jean Vitrant avait perçu de la compagnie R.M.A.F. une indemnité compensatrice de 227.372,76 francs ; qu'elle a seulement énoncé que la valeur du portefeuille s'établissait à cette somme lors du départ de M.Jean Vitrant et à celle de 140.494,04 lors de sa cession à M.Philippard ; qu'appréciant souverainement le préjudice qu'avait subi la compagnie R.M.A.F. du chef de la perte de valeur du portefeuille due aux actes de concurrence déloyale retenus à l'encontre des consorts X..., c'est, sans violer les textes invoqués au moyen, que les juges du second degré ont condamné ceux-ci au paiement de la somme de 86.678,32 francs ; d'où il suit qu'en aucune de ses deux branches le moyen n'est fondé ;

Sur le troisième moyen :

Attendu qu'il est enfin reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M.Jean Vitrant de sa demande en paiement d'une indemnité compensatrice au motif essentiel qu'il a contrevenu aux stipulations de l'article 26 du statut des agents généraux d'assurances, alors, selon le moyen, qu'il ne résulte pas des motifs de l'arrêt que M.Jean Vitrant ait présenté directement ou indirectement au public des polices de même nature que celles du portefeuille de son ancienne agence ; que le fait, à le supposer constant, qu'il ait été l'auteur de certains lettres de résiliation et que ces résiliations aient été suivies de la souscription de nouvelles polices auprès d'autres compagnies ou de la S.A.V.A.G. ne suffit pas à établir qu'il ait présenté personnellement des polices aux auteurs de lettres de résiliation et que ce soit pour ce motif que des résiliations soient intervenues, de sorte que la Cour d'appel a violé l'article 26 susvisé ;

Mais attendu que l'article 26 du statut des agents généraux d'assurances ne prohibe pas uniquement la présentation personnelle par l'agent général d'opérations d'assurances dans son ancienne circonscription, puisque l'interdiction qui lui est faite par ce texte concerne à la fois la présentation directe et la présentation indirecte de telles opérations ; que la Cour d'appel, qui a relevé que, postérieurement à sa démission, M.Jean Vitrant avait lui-même rédigé vingt et une lettres de résiliation de polices souscrites à la compagnie R.M.A.F. et qu'un certain nombre de ces polices résiliées avaient été reprises par la S.A.V.A.G., dont M.Michel Vitrant était l'agent général, a pu déduire de ces énonciations que M.Jean Vitrant avait présenté au public, d'une manière indirecte, des opérations d'assurances dans la circonscription de son ancienne agence et avait ainsi contrevenu aux dispositions de l'article 26 susvisé ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-11258
Date de la décision : 15/04/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° ASSURANCE (règles générales) - Personnel - Agent général - Traité de nomination - Clause ne reconnaissant pas à l'agent général l'exclusivité territoriale - Clause réputée non écrite.

1° . La clause du traité de nomination d'un agent général d'assurances, qui ne lui reconnaît pas une exclusivité territoriale, doit être réputée non écrite comme contraire aux dispositions de l'article 14 du statut des agents généraux d'assurances.

2° ASSURANCE (règles générales) - Personnel - Agent général - Cessation des fonctions - Indemnité compensatrice - Déchéance - Rétablissement - Rétablissement dans son ancienne circonscription - Présentation au public d'opérations d'assurances appartenant aux mêmes catégories que celles de son ancienne agence - Présentation indirecte.

2° . L'article 26 du statut des agents généraux d'assurances ne prohibe pas uniquement la présentation personnelle par l'agent général d'opérations d'assurances dans son ancienne circonscription, puisque l'interdiction, qui lui est faite par ce texte, concerne à la fois la présentation directe et la présentation indirecte de telles opérations.


Références :

Décret du 05 mars 1949 règlement n° 1 portant statut des agents généraux d'assurance art. 14, 26

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 18 octobre 1983

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1968-10-28, bulletin 1968 I N° 247 (2) p. 188 (Cassation). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1986-03-04, bulletin 1986 I N° 43 p. 41 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 15 avr. 1986, pourvoi n°84-11258, Bull. civ. 1986 I N° 86 p. 86
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 86 p. 86

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ponsard, Conseiller doyen faisant fonctions.
Avocat général : Avocat général :M. Rocca
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Viennois
Avocat(s) : Avocats :M. Ryziger, la Société civile professionnelle Labbé et Delaporte et M. Célice

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.11258
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