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18/03/1986 | FRANCE | N°85-94337

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mars 1986, 85-94337


CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Françoise veuve Y..., partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Rouen, Chambre correctionnelle, en date du 21 juin 1984, qui, sur renvoi après cassation, dans une procédure suivie contre Z... Gilbert des chefs d'homicide et blessures involontaires, n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 319, 320 du Code pénal, 1382, 1351 du Code civil, 593 du Code de procédure péna

le, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaq...

CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Françoise veuve Y..., partie civile,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Rouen, Chambre correctionnelle, en date du 21 juin 1984, qui, sur renvoi après cassation, dans une procédure suivie contre Z... Gilbert des chefs d'homicide et blessures involontaires, n'a pas fait entièrement droit à ses demandes ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 319, 320 du Code pénal, 1382, 1351 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, pour fixer à 300 562,20 francs le montant du préjudice corporel global de la demanderesse consécutif à l'accident du 25 janvier 1975, a évalué à la somme de 250 000 francs seulement l'incapacité permanente partielle ;
" aux motifs qu'il résultait des conclusions du rapport d'expertise, entériné par le jugement du tribunal de Chartres en date du 1er février 1977 passé en force de chose jugée, que la demanderesse demeurait atteinte d'une incapacité permanente partielle de 25 % et qu'il convenait de retenir une incidence professionnelle, la blessée avec les séquelles présentées n'étant pas en mesure de reprendre son métier de cuisinière ; qu'en ce qui concerne son préjudice économique, la demanderesse produisait des documents établissant qu'elle avait cessé, à la suite de l'accident, son activité professionnelle de cuisinière de cantine scolaire au service de la ville de Saint-Denis, et que les salaires et prestations en espèces qui lui avaient été versés, puis la pension qui lui était servie, n'étaient pas équivalents à ce qu'elle pouvait espérer toucher sans l'interruption prématurée de sa carrière ; que cependant la reconstitution de carrière qu'elle soumettait à la Cour ne tenait pas compte des aléas existant en la matière ; que ne pouvait être indemnisée au titre de l'incapacité permanente partielle, outre la gêne dans sa vie personnelle, que la perte de chance qu'elle avait de voir se terminer normalement sa carrière, préjudice qu'il y avait lieu d'évaluer à 250 000 francs comprenant les sommes versées par la ville de Saint-Denis et la Caisse des dépôts et consignations ;
" alors que, d'une part, est insuffisamment motivé l'arrêt attaqué qui ne précise pas en quoi consiste l'aléa pour un fonctionnaire municipal titularisé de voir se terminer normalement sa carrière ;
" alors que, de seconde part, constituait un préjudice actuel, direct et certain, exclusif de tout aléa, celui subi pas la demanderesse depuis le jour de l'accident jusqu'au 21 juin 1984, date à laquelle la Cour d'appel statuait, et résultant de ce que les prestations de sécurité sociale ainsi que la pension de retraite anticipée qui lui avaient été servies étaient inférieures aux salaires et traitements qu'elle aurait dû percevoir si elle n'avait été contrainte du fait de l'accident de cesser son activité professionnelle de cuisinière au service de la ville de Saint-Denis " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges du fond, s'ils apprécient souverainement le préjudice résultant d'une infraction, ne peuvent fonder cette appréciation sur des motifs contradictoires ou erronés ;
Attendu que statuant sur la réparation des conséquences dommageables d'un accident dont Z..., reconnu coupable de blessures involontaires sur la personne de Françoise Y..., avait été déclaré entièrement responsable, la Cour d'appel a fixé à 250 000 francs l'indemnité réparant le préjudice patrimonial résultant pour la partie civile du fait, qu'à la suite de l'accident, elle avait dû cesser son activité professionnelle de cuisinière de cantine scolaire au service de la ville de Saint-Denis ;
Que pour se prononcer ainsi la juridiction du second degré énonce que la reconstitution de carrière proposée par la demanderesse ne tient pas compte des aléas existant en la matière et " que ne peut être indemnisée au titre de l'incapacité permanente partielle, outre la gêne dans la vie personnelle de Mme Y..., que la perte de la chance qu'elle avait de voir se terminer normalement sa carrière " ;
Mais attendu que si, pour déterminer l'étendue du préjudice, les juges étaient fondés à tenir compte de l'espérance de vie qu'avait la victime et des aléas qui auraient pu affecter le déroulement de sa carrière si l'accident n'avait pas eu lieu, ils ne pouvaient en revanche assimiler la perte effective de l'emploi à une simple perte de chance ;
Qu'en statuant comme ils l'ont fait, ils ont privé leur décision de base légale ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Et sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 319 et 320 du Code pénal, 1382 du Code civil, des articles 1er à 5 de l'ordonnance n° 5976 du 7 janvier 1959, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, après avoir fixé à 300 562,20 francs le préjudice corporel global de la demanderesse, condamne la T. R. E. C. et Z... à lui payer la somme de 150 019,99 francs en réparation de son préjudice complémentaire, après avoir déduit du montant du préjudice global les sommes de 14 057,20 francs au profit de la Caisse primaire centrale d'assurance maladie de la région parisienne, 81 772,43 francs au profit de la ville de Saint-Denis, 54 713,58 francs au profit de la Caisse des dépôts et consignations ;
" aux motifs que la ville de Saint-Denis était bien fondée à solliciter le remboursement, non seulement des salaires, mais également des charges sociales afférentes aux salaires qu'elle avait dû verser sans avoir pour contrepartie le travail de la victime ;
" alors que les charges sociales patronales ne sont pas destinées à réparer le préjudice subi pas la victime et ne peuvent en conséquence être déduites de l'indemnité mise à la charge du tiers et qui est destinée à réparer ce préjudice " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'ordonnance du 7 janvier 1959 que lorsque le décès, l'infirmité ou la maladie d'un agent de l'Etat ou d'une collectivité locale est imputable à un tiers, le recours subrogatoire ouvert à ladite collectivité ne s'exerce que pour le remboursement des sommes ayant contribué à la réparation du préjudice subi ; que tel n'est pas le cas des charges sociales versées pendant l'indisponibilité temporaire de l'agent ;
Attendu que statuant sur le recours de la ville de Saint-Denis, partie intervenante, à la suite de l'accident dont avait été victime Françoise Y..., fonctionnaire municipale titulaire, la juridiction du second degré a accordé à ladite commune le remboursement des salaires versés à son agent après l'interruption de son service ainsi que d'une somme de 7 510,69 francs correspondant aux charges sociales afférentes audit salaire acquittées par l'employeur ;
Que pour déterminer le montant de l'indemnité complémentaire revenant à la partie civile, elle a déduit lesdites sommes du préjudice évalué selon les règles du droit commun ;
Mais attendu qu'en défalquant ainsi de ladite indemnité des dépenses qui n'avaient pas contribué à la réparation du dommage, la Cour d'appel a méconnu le principe ci-dessus rappelé et privé la victime d'une partie de la réparation qui lui était due ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Rouen en date du 21 juin 1984, sauf en celles de ses dispositions qui se prononcent sur le préjudice de caractère personnel ;
Et pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-94337
Date de la décision : 18/03/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice certain - Perte d'une chance - Victime - Perte effective de son emploi (non).

1° Encourt la cassation l'arrêt qui pour évaluer le préjudice résultant de la cessation d'activité professionnelle provoquée par un accident, assimile la perte effective de l'emploi à une simple perte de chance (1).

2° ACTION CIVILE - Préjudice - Réparation - Victime agent d'une collectivité locale - Tiers responsable - Recours de la collectivité locale - Assiette.

2° Lorsque l'infirmité ou la maladie de l'agent d'une collectivité locale est imputable à un tiers, le recours subrogatoire ouvert à ladite collectivité ne s'exerce que pour le remboursement des sommes ayant contribué à la réparation du préjudice subi ; tel n'est pas le cas des charges sociales versées pendant l'indisponibilité temporaire l'agent (2).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rouen, 21 juin 1984

(1) A RAPPROCHER : Cour de cassation, chambre civile 2, 1985-01-16, bullletin 1985 II N° 13 p. 10 (cassation). (2) A RAPPROCHER : Cour de cassation, chambre criminelle, 1977-01-20, bulletin criminel 1977 N° 27 p. 65 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mar. 1986, pourvoi n°85-94337, Bull. crim. criminel 1986 N° 108 p. 280
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 108 p. 280

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bruneau, conseiller le plus ancien faisant fonctions -
Avocat général : Avocat général : M. de Sablet -
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Leydet -
Avocat(s) : Avocats : la société civile professionnelle Nicolas, Massé-Dessen et Georges et la société civile professionnelle Boré et Xavier et M. Gauzès.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.94337
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