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18/03/1986 | FRANCE | N°84-11846

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 18 mars 1986, 84-11846


Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les époux Y... ont vendu aux époux X..., par acte notarié du 31 août 1954, un fonds de commerce de décolletage, moyennant le prix de 12.005.015 anciens francs, une partie payée comptant, le surplus étant converti en une rente viagère annuelle de 770.000 anciens francs, entièrement reversible sur la tête du survivant ; que cette rente était indexée sur le salaire minimum vital du manoeuvre de la région parisienne, un mois de rente correspondant au salaire de 558 heures de travail ; que, par un aut

re acte du 19 janvier 1973, le nombre d'heures servant au calcul du...

Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les époux Y... ont vendu aux époux X..., par acte notarié du 31 août 1954, un fonds de commerce de décolletage, moyennant le prix de 12.005.015 anciens francs, une partie payée comptant, le surplus étant converti en une rente viagère annuelle de 770.000 anciens francs, entièrement reversible sur la tête du survivant ; que cette rente était indexée sur le salaire minimum vital du manoeuvre de la région parisienne, un mois de rente correspondant au salaire de 558 heures de travail ; que, par un autre acte du 19 janvier 1973, le nombre d'heures servant au calcul du montant mensuel de la rente a été ramené de 558 à 450 ; que, le 18 avril 1975, les consorts X... ont assigné Mme veuve Y... en réduction de la rente viagère, sur le fondement de l'article 4 de la loi du 25 mars 1949, en faisant valoir que le chiffre d'affaires de l'entreprise cédée avait considérablement diminué en raison des circonstances économiques et que la rente dépassait en capital la valeur du bien cédé ; qu'une expertise a évalué à la somme de 117.532 francs la valeur du fonds de commerce, alors qu'était versée une rente annuelle de 35.000 francs correspondant à un capital de 516.834 francs ; que, par arrêt du 8 février 1980, la Cour d'appel a fixé à 11.178 francs le montant annuel de la rente à compter du 18 avril 1975, compte tenu de ce que celle-ci ne pouvait, en vertu de l'article 4 de la loi du 25 mars 1949, être inférieure au montant d'une rente fixe constituée à la même époque que la rente indexée et ayant bénéficié des majorations légales ; que, par arrêt du 25 mai 1981, la première chambre civile de la Cour de cassation a cassé cette décision en ce que, pour comparer la valeur de la rente en capital à la valeur du bien cédé, à la date de la demande en réduction, la Cour d'appel avait capitalisé la rente en tenant compte de l'âge de la crédirentière à la date de la constitution de la rente, alors que, selon l'article 4, premier alinéa, de la loi du 25 mars 1949, la capitalisation de la rente devant être faite au moment de l'échéance, il en résulte que c'est à la fois le montant de la rente et l'âge du crédirentier à cette échéance qui doivent être pris en considération ; que, par arrêt du 25 janvier 1984, la Cour d'appel de renvoi a fixé le montant de la rente à la somme de 19.459 francs à compter du 18 avril 1975 ;

Attendu que les consorts X... reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué alors, selon le moyen, que si la capitalisation de la rente au moment de l'échéance nécessite de prendre en considération à la fois le montant de la rente et l'âge du crédirentier, c'est uniquement dans le cadre de l'ouverture d'une demande en réduction de la rente ; qu'après admission de cette réduction, le calcul de la rente doit se faire en fonction de la valeur du bien à l'échéance et en fonction de l'âge du crédirentier à la date de la constitution de la rente afin de conserver l'équivalence des prestations réciproques initiales ; qu'en calculant le montant de la rente en fonction de l'âge de la crédirentière à la date du 18 avril 1975, l'arrêt attaqué a violé l'article 4 de la loi du 25 mars 1949 ;

Mais attendu qu'en prenant en considération, pour calculer le montant de la rente à la date du 18 avril 1975, l'âge de Mme Y... à cette échéance, soit 82 ans, et le prix du franc de rente correspondant, la Cour d'appel de renvoi a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie ; d'où il suit que le moyen, qui appelle la Cour de cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son précédent arrêt, est irrecevable ;

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir porté la rente viagère à 22.100 francs, 25.424 francs, 27.300 francs, 32.893 francs, 38.337 francs et 41.841 francs aux dates respectives des 18 avril 1976, 1977, 1978, 1979, 1980 et 1981, alors, selon le moyen, que la Cour d'appel, qui a relevé des irrégularités d'ordre public concernant la mise en oeuvre de la clause d'indexation, ne pouvait légalement compenser ces irrégularités ayant entraîné une diminution de la rente à l'échéance de 1975 tant par le maintien du jeu de cette clause après cette date que par une revalorisation du fonds de commerce, ce qui aboutit à une double indexation, de sorte qu'a été violé l'article 4 de la loi du 25 mars 1949 ;

Mais attendu que la réduction opérée par la Cour d'appel sur la rente viagère payée jusqu'en 1975, par l'application combinée des premier, deuxième et troisième alinéas de l'article 4 de la loi du 25 mars 1949, n'a pas pu avoir pour effet de mettre obstacle pour l'avenir au jeu de la clause d'indexation choisie par les parties, l'application des dispositions de la loi précitée impliquant nécessairement l'absence d'une double indexation ;

D'où il suit que le moyen, pris en cette branche, n'est pas fondé ;

Rejette le premier moyen et la seconde branche du second moyen ;

Mais sur la première branche du même moyen :

Vu l'article 1315 du Code civil ;

Attendu que, pour revaloriser la rente viagère pour les années 1976, 1977, 1978, 1979, 1980 et 1981, la Cour d'appel énonce que Mme Y... présente un calcul qui doit être retenu, prenant en considération la réévaluation du fonds de commerce pour les années postérieures à 1975 en utilisant à titre de paramètres, comme l'avait fait l'expert, la valeur du bail en fonction de la variation du coût de la construction et celle du stock marchandises en fonction de la variation des prix de gros, ainsi que le calcul de la rente contractuelle en fonction du salaire du manoeuvre ;

Attendu qu'en procédant ainsi au calcul de la rente pour les années postérieures à l'année 1975 en actualisant les données, nécessairements variables dans le temps, figurant dans le rapport de l'expert dont les énonciations se référaient à la seule année 1975, sans s'assurer que la preuve était apportée d'une augmentation effective de la valeur du fonds de commerce au cours des années postérieures à celle-ci, la Cour d'appel n'a pas donné, sur ce point, de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a fixé le montant de la rente viagère pour les années 1976, 1977, 1978, 1979, 1980 et 1981, l'arrêt rendu, le 25 janvier 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Besançon ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nancy


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-11846
Date de la décision : 18/03/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° CASSATION - Moyen - Décision d'une juridiction de renvoi - Doctrine conforme à celle de l'arrêt de la Cour de Cassation - Moyen la critiquant de ce chef - Irrecevabilité.

1° CASSATION - Juridiction de renvoi - Décision - Pourvoi contre cette décision - Moyen critiquant sa conformité à l'arrêt de cassation - Irrecevabilité.

1° Dès lors qu'une Cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation, a statué en conformité de l'arrêt de cassation qui l'avait saisie, le moyen appelant la Cour de Cassation à revenir sur la doctrine affirmée par son premier arrêt est irrecevable.

2° RENTE VIAGERE - Révision (loi du 25 mars 1949 modifiée) - Rente indexée - Révision judiciaire - Réduction - Effet - Obstacle pour l'avenir au jeu de la clause d'indexation (non).

2° Le fait que le montant d'une rente viagère indexée ait été réduit par application des 1° , 2° et 3° alinéas de l'article 4 de la loi du 25 mars 1949 n'a pas pour effet de mettre obstacle pour l'avenir au jeu d'une clause d'indexation choisie par les parties, l'application des dispositions de la loi précitée impliquant nécessairement l'absence d'une double indexation.

3° RENTE VIAGERE - Révision (loi du 25 mars 1949 modifiée) - Rente indexée - Révision judiciaire - Limitation de la valeur en capital à celle du bien vendu - Revalorisation postérieure - Augmentation de la valeur du bien au cours des années suivant la fixation - Preuve - Nécessité.

3° Une Cour d'appel, qui, en application de l'article 4 de la loi du 25 mars 1949, fixe, après expertise, à compter d'une certaine date le montant d'une rente viagère représentant le prix de vente d'un fonds de commerce, ne peut, pour revaloriser le montant de la rente, après la date précitée, se borner à prendre en considération la réévaluation du fonds de commerce en fonction d'éléments retenus par l'expert et tirés des variations du coût de la construction, des prix de gros et du salaire d'une catégorie professionnelle. Il appartient, en effet, à la juridiction du second degré de s'assurer que la preuve est rapportée d'une augmentation effective de la valeur du fonds de commerce au cours des années suivant la fixation de la rente.


Références :

Loi du 25 mars 1949 art. 4 al. 1, al. 2, al. 3

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 25 janvier 1984

A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1981-05-25, bulletin 1981 I N° 182 (2) p. 149 (Cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 18 mar. 1986, pourvoi n°84-11846, Bull. civ. 1986 I N° 69 p. 66
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 69 p. 66

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Joubrel -
Avocat général : Avocat général : M. Gulphe -
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Viennois -
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy et la Société civile professionnelle Desaché et Gatineau.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.11846
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