CASSATION sur les pourvois formés par :
- X... Jean-François,
- Y... Emile,
- Z... Roland,
- A... Henri,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Papeete, Chambre correctionnelle, en date du 2 août 1984 qui, dans une poursuite exercée contre eux du chef de dénonciation calomnieuse, s'est prononcé sur les intérêts civils ;
LA COUR, Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par X..., Z... et Y..., pris de la violation des articles 49, 591 du Code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
" en ce qu'il résulte des mentions de l'arrêt attaqué que la Cour d'appel de Papeete comprenait au nombre des magistrats la composant Thierry Cathala, premier président de ladite Cour, président, et Jean Juppe, conseiller rapporteur ;
" alors que ces deux magistrats étaient intervenus avec les mêmes qualités dans la même affaire comme membres de la Chambre d'accusation qui par un arrêt en date du 28 janvier 1983 auquel se réfère expressément l'arrêt de renvoi du 18 août 1983, avait, sur l'appel de l'ordonnance de non-lieu, ordonné un supplément d'information ; qu'ayant ainsi connu du fond de l'affaire au stade de l'instruction, ni le président ni le conseiller rapporteur ne pouvaient légalement participer au jugement et statuer sur l'existence du délit " ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par A... pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde droits de l'homme et des libertés fondamentales, violation des droits de la défense, violation de l'article 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que la Cour d'appel de Papeete était composée de Thierry Cathala, premier président, et de Jean Juppe, conseiller rapporteur, ces deux magistrats ayant siégé à la Chambre d'accusation qui a rendu l'arrêt du 28 janvier 1983, ordonnant l'inculpation du docteur A... ;
" alors que ces magistrats, qui ont participé à un arrêt de la Chambre d'accusation ordonnant l'inculpation du demandeur renvoyé ultérieurement devant la Cour d'appel, ne pouvaient faire partie de cette juridiction, car ils ont nécessairement procédé à un examen préalable au fond " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que ne peuvent faire partie de la Chambre correctionnelle d'une Cour d'appel les magistrats qui, dans l'affaire soumise à cette juridiction, ont participé à un arrêt de la Chambre d'accusation dans lequel a été examinée la valeur des charges pouvant justifier le renvoi devant le tribunal correctionnel ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure qu'à la suite d'une information ouverte sur une plainte constitution de partie civile du chef de dénonciation calomnieuse déposée par le docteur B... contre les docteurs X..., A..., Z... et Y..., le juge d'instruction a rendu une ordonnance de non-lieu qui, sur appel de la partie civile, a été soumise à la juridiction du second degré ;
Que par arrêt du 28 janvier 1983, la Chambre des mises en accusation de Papeete a retenu le caractère spontané des dénonciations litigieuses, a constaté que la section disciplinaire du Conseil national de l'ordre des médecins avait prononcé des sanctions contre le docteur B... en raison de certains des faits énoncés, mais avait déclaré certains autres non établis ; qu'elle a estimé devoir ordonner un supplément d'information en vue de déterminer si les médecins mis en cause, avaient eu connaissance de la fausseté des faits imputés, au jour de la dénonciation ; qu'elle a, à cette occasion, prescrit notamment l'inculpation du docteur A... ;
Attendu que par un nouvel arrêt du 18 août 1983 la Chambre des mises en accusation infirmant l'ordonnance de non-lieu, a ordonné le renvoi des quatre inculpés devant le tribunal correctionnel ;
Que sur appel par la seule partie civile du jugement qui avait prononcé la relaxe des prévenus la Cour d'appel, par l'arrêt attaqué, se référant notamment aux motifs de l'arrêt de la Chambre des mises en accusation du 28 janvier 1983, d'une part, sursis à statuer sur l'appel de la partie civile en ce qui concerne les faits ayant donné lieu à une sanction disciplinaire prononcée par le Conseil national de l'ordre des médecins jusqu'à ce qu'il ait été statué sur le pourvoi en cassation formé devant le Conseil d'Etat contre cette décision et a, d'autre part, infirmant le jugement, déclaré le délit constitué en ce qui concerne l'un des faits dénoncés, mais a à nouveau sursis à statuer sur l'étendue et l'évaluation du préjudice tout en ordonnant la publication du dispositif de l'arrêt ;
Mais attendu que deux des magistrats ayant composé la Chambre des mises en accusation qui avait rendu l'arrêt du 28 janvier 1983 ont également fait partie de la Chambre correctionnelle dont l'arrêt est attaqué ; qu'il en résulte que la composition de cette dernière juridiction n'était pas régulière au regard du principe ci-dessus rappelé ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
Et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens proposés,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Papeete en date du 2 août 1984, et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi,
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nouméa.