Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :
Vu l'article 5 de la loi du 24 juillet 1966, l'article 1844-3 du Code civil et l'article 1649 quinquies B du Code général des Impôts, applicable en la cause ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce, et que, selon le dernier texte, les actes dissimulant la portée véritable d'une convention sous l'apparence de stipulations donnant ouverture à des droits d'enregistrement moins élevés sont inopposables à l'administration, qui supporte la charge de la preuve du caractère réel de ces actes ;
Attendu, selon le jugement déféré, que l'administration des impôts a réclamé à la Société Centre des Assurances Réunies (la Société) les droits d'enregistrement, assortis de pénalités, qu'elle estimait être dus à raison de la mutation occulte des biens composant l'actif de ladite société résultant de sa transformation de société à responsabilité limitée en société anonyme et des circonstances qui avaient accompagné celle-ci ;
Attendu que, pour rejeter l'opposition de la Société aux avis de mise en recouvrement émis, le jugement a retenu que la concomittance de la réduction du capital social, de la cession de leurs droits sociaux par certains porteurs de parts, l'absorption d'une autre société par fusion, entraînant la perte de majorité des anciens associés, ont "recouvré" la transmission pure et simple du fond social, le changement de forme de la Société manifestant la création d'un être moral nouveau ainsi que le transfert du siège social et la mise en place de moyens nouveaux ; que le jugement énonce aussi que ces transformations correspondaient au seul souci d'éluder les droits d'enregistrement ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la Société n'avait jamais cessé d'exister en tant que personne morale, que les cédants des actions n'avaient pas qualité pour disposer de l'actif social et que la transformation régulière d'une Société en une Société d'une autre forme n'entraîne pas la création d'une personne morale nouvelle, d'où il suit que l'opération invoquée comme réelle par l'administration des impôts ne pouvait être retenue, le tribunal a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la cinquième branche du moyen :
CASSE et ANNULE le jugement rendu le 3 mai 1984, entre les parties, par le tribunal de grande instance de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Nanterre.