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25/02/1986 | FRANCE | N°83-95005

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 25 février 1986, 83-95005


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1° X... Marie-Reine veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens des ses trois filles mineures, partie civile ;
2° Z... François, contre un arrêt de la Cour d'appel de Nancy (2e Chambre) en date du 18 novembre 1983 qui, dans une procédure suivie contre Z... du chef d'homicide involontaire, s'est prononcé sur les intérêts civils ;
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cass

ation proposé par Marie-Reine X..., veuve Y..., pris de la violation des articl...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1° X... Marie-Reine veuve Y..., agissant tant en son nom personnel qu'en qualité d'administratrice légale des biens des ses trois filles mineures, partie civile ;
2° Z... François, contre un arrêt de la Cour d'appel de Nancy (2e Chambre) en date du 18 novembre 1983 qui, dans une procédure suivie contre Z... du chef d'homicide involontaire, s'est prononcé sur les intérêts civils ;
LA COUR,
Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation proposé par Marie-Reine X..., veuve Y..., pris de la violation des articles 458, 460, 512, 593 du Code de procédure pénale pour vice de forme, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, s'il constate la présence du Ministère public aux deux audiences auxquelles le litige a été examiné, l'arrêt énoncé ne mentionne pas en revanche avoir été rendu après audition du Ministère public en ses réquisitions ;
" alors que la présence aux audiences d'un représentant du Parquet ne suffit pas à la régularité des débats, qu'il résulte des dispositions des articles 458, 460 et 512 susvisés qu'il doit être entendu en ses conclusions au premier comme au second degré et même, comme en l'espèce, lorsqu'à défaut d'appel de sa part, aucune peine ne peut plus être appliquée et qu'il ne s'agit plus entre les parties que de réparations civiles ;
" alors que, d'autre part, ses réquisitions constituent une formalité substantielle et que la preuve de son accomplissement doit résulter de l'arrêt " ;
Attendu que l'arrêt attaqué ne mentionne pas que le Ministère public, dont la présence à l'audience est constatée, ait été entendu en ses réquisitions ;
Attendu que, quelque substantielle que soit cette audition, l'absence de sa constatation ne saurait selon l'article 802 du Code de procédure pénale, entraîner la cassation de l'arrêt dès lors que, s'agissant d'un débat portant sur les seuls intérêts civils, il n'est pas démontré ni même allégué que cette irrégularité ait porté atteinte aux intérêts de la demanderesse ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation proposé par Marie-Reine X... veuve Y..., pris de la violation des articles 1382 du Code civil, L. 470 du Code de la sécurité sociale, 2, 3, 485, 512, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que la demanderesse tant en son nom qu'ès qualités s'est vu allouer en réparation du préjudice subi à l'occasion de l'homicide involontaire dont son mari a été victime, diverses sommes :
1. évaluées à une date antérieure à la décision qui les a fixées, à savoir au jour du décès,
2. amputées d'un chiffre indéterminé différent de celui du capital constitutif des arrérages qui lui étaient dus dans l'avenir,
" alors que, d'une part, si les juges du fond apprécient souverainement le préjudice qui résulte d'une infraction, cette appréciation cesse d'être souveraine lorsqu'elle découle de motifs insuffisants ou erronés ;
" que, d'autre part, la créance indemnitaire doit être nécessairement fixée au jour de la décision judiciaire qui l'a créée ;
" qu'enfin le capital constitutif des arrérages à venir ne saurait couvrir les arrérages échus qui sont dus directement par le tiers responsable aux caisses de sécurité sociale ;
" qu'en définitive, dans ces conditions, il est impossible d'exercer un contrôle sur le point de savoir si la réparation du préjudice n'a causé ni perte ni profit aux victimes " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que tout jugement ou arrêt doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ;
Attendu que dans la procédure suivie contre Z... du chef d'homicide involontaire sur la personne de Y..., la caisse primaire d'assurance maladie des Vosges, tout en indiquant le montant des arrérages échus des rentes servies à la veuve et à chacun de ses enfants, proposait une évaluation des capitaux " représentatifs des rentes " et non des capitaux représentatifs des seuls arrérages à échoir ;
Attendu que dans des conclusions régulièrement déposées, la partie civile demandait que seuls les capitaux ainsi calculés fussent défalqués du préjudice patrimonial subi par elle-même et ses enfants mineurs en vue de déterminer les indemnités complémentaires demeurant à la charge du prévenu ;
Attendu que sans s'expliquer sur le bien-fondé de cette prétention, la juridiction du second degré a déduit des indemnités revenant à chacun des intéressés à la fois les arrérages échus et les capitaux représentatifs des rentes tels qu'ils avaient été évalués par l'organisme social ;
Mais attendu qu'en s'abstenant de rechercher si, comme permettaient de le penser les termes employés par la caisse, lesdits capitaux avaient été évalués de manière à couvrir à la fois les arrérages échus et les arrérages à échoir, de sorte qu'une déduction cumulative du capital et des arrérages échus avait pour effet de priver les ayants droit d'une partie des réparations qui leur étaient dues, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de la décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le moyen unique de cassation proposé par Z... et pris de la violation des articles L. 454 du Code de la sécurité sociale, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de faire droit à la demande de capitalisation de la majoration de rente résultant des dispositions de l'article L. 454-c du Code de la sécurité sociale ;
" au motif que la Cour ne saurait faire droit à la prétention du prévenu en ce qui concerne la dame veuve Y..., de voir réduire la créance sociale comprenant la capitalisation de la majoration de la rente qui sera accordée à cette dernière, lorsqu'elle aura atteint l'âge de 55 ans ; qu'en effet, l'article L. 454 du Code de la sécurité sociale n'a jamais imposé de telles obligations ; que, d'autre part, la dame veuve Y... n'est âgée à ce jour que de 33 ans, que l'événement invoqué ne se produira éventuellement que dans 22 années, alors que le préjudice patrimonial de cette victime doit être défini au jour où la Cour doit statuer ;
" alors que les Caisses ne pouvant se faire rembourser par le tiers responsable le montant des prestations qu'elles ont payées du fait de l'accident, uniquement dans les limites de l'indemnité de droit commun mise à la charge du tiers, ce qui implique nécessairement pour que soit respecté ce principe, que lorsque la prestation prend la forme du versement d'une rente, le capital représentatif de celle-ci soit fixé, la Cour qui a refusé par des motifs entièrement inopérants, de faire droit à la demande de capitalisation de la majoration de rente dont bénéficiera, en application de l'article L. 454 du Code de la sécurité sociale, la veuve de la victime, passée sa 55e année, n'a pas justifié sa décision et ne permet pas à la Cour de Cassation de s'assurer que le recours de la caisse contre le tiers responsable ne s'exercera que dans les limites du montant de l'indemnité de droit commun mis à sa charge " ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 470 du Code de la sécurité sociale (devenu l'article L. 454-1 du nouveau Code annexé au décret du 17 décembre 1985) ;
Attendu qu'il résulte de ce dernier texte qu'en cas d'accident mortel du travail imputable à un tiers, les ayants droit de la victime ne peuvent demander à l'auteur de l'accident la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, que dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du Livre IV du même Code ;
Attendu, en outre, qu'aux termes de l'article L. 454-I-c ancien, dont les dispositions sont reprises dans l'article L. 434-8 du nouveau Code, inclus dans le Livre IV en question, le conjoint survivant a droit à un complément de rente lorsqu'il atteint un âge fixé par voie réglementaire ; que l'article 119 du décret du 31 décembre 1946 fixe cet âge à 55 ans ;
Attendu que pour rejeter la demande de Z... tendant à voir prendre en compte, pour déterminer l'indemnité complémentaire revenant à la veuve de la victime, le complément de rente qui devra être servi en application des textes susvisés, la Cour d'appel énonce que l'intéressée n'est âgée que de 33 ans, que l'événement invoqué ne se produira éventuellement que dans 22 années alors que le préjudice patrimonial de la victime doit être défini au jour de la décision ;
Mais attendu qu'en refusant ainsi de prendre en considération l'ensemble des prestations dont la charge incombe légalement à la Caisse et dont cet organisme est fondé à obtenir le remboursement dans la limite de l'indemnité due par le responsable et en omettant d'imputer sur cette indemnité une somme forfaitairement évaluée de manière à tenir compte des chances qu'a la veuve de voir son préjudice réparé par le versement de ce complément de pension, les juges ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est également encourue de ce chef ;
Et attendu que les juges du fond devant évaluer à la date où ils statuent tant le préjudice résultant de l'infraction que la mesure dans laquelle ledit préjudice est réparé par les prestations sociales, la cassation doit s'étendre à toutes les dispositions de l'arrêt à la seule exclusion de celles qui concernent la réparation du préjudice moral ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Nancy en date du 18 novembre 1983, sauf en celle de ses dispositions relatives à la réparation du préjudice moral ;
Et pour être statué à nouveau, conformément à la loi, dans la limite de la cassation prononcée ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Colmar.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 83-95005
Date de la décision : 25/02/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° SECURITE SOCIALE - Accident du travail - Tiers responsable - Recours des ayants droit de la victime - Indemnité complémentaire - Evaluation - Capital constitutif de la rente - Calcul.

1° et 2° Ne justifie pas sa décision la Cour d'appel qui, pour calculer l'indemnité complémentaire revenant à l'ayant droit de la victime d'un accident déduit de l'indemnité mise à la charge du tiers les arrérages échus de la rente servie par la Caisse et un capital représentatif de cette rente sans vérifier, comme le lui demandait la partie civile, si ledit capital n'avait pas été calculé de manière à couvrir à la fois les arrérages échus et les arrérages à échoir (1).

2° SECURITE SOCIALE - Accident du travail - Tiers responsable - Recours des ayants droit de la victime - Indemnité complémentaire - Evaluation - Déduction des arrérages échus de la rente.

3° SECURITE SOCIALE - Accident du travail - Tiers responsable - Recours des ayants droit de la victime - Indemnité complémentaire - Evaluation - Déduction du complément de rente prévu à l'âge de 55 ans.

3° Le même arrêt encourt également la censure pour avoir refusé de prendre en considération l'ensemble des prestations dont la charge incombe légalement à la Caisse et, en particulier, le complément de rente qui doit être servi à la date où la veuve de la victime atteindra l'âge de 55 ans (2).


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 18 novembre 1983

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1986-02-25, bulletin criminel 1986 N° 76 p. 186 (Cassation). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1981-04-01, bulletin criminel 1981 N° 114 (2) p. 313 (Rejet) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 25 fév. 1986, pourvoi n°83-95005, Bull. crim. criminel 1986 N° 77 p. 188
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 77 p. 188

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Bruneau, Conseiller le plus ancien faisant fonctions -
Avocat général : Avocat général : M. Méfort -
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Leydet -
Avocat(s) : Avocats : M. Célice et la Société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:83.95005
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