ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Marie-Antoinette épouse Y...,
contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence (7e chambre), en date du 21 octobre 1983 qui, dans une procédure suivie contre elle et Z... Mohamed des chefs de blessures involontaires réciproques, l'a condamnée à 1 500 F d'amende avec sursis, l'a déboutée de sa constitution de partie civile après relaxe de Z... et s'est prononcé sur l'action civile de ce dernier ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 319, 320 du Code pénal, R. 10, R. 232 du Code de la route, 1382 du Code civil et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Z... des chefs de délit de blessures involontaires et de défaut de maîtrise de son véhicule, débouté Y... de son action civile et l'a en revanche déclarée coupable du délit de blessures involontaires à l'égard de Z..., la condamnant à une peine de 1 500 F d'amende avec sursis et à réparer intégralement le préjudice subi par le susnommé " ;
" aux motifs " qu'il résulte du procès-verbal établi par les services de police que le 25 novembre 1981 vers 17 h 40, Mohamed Z..., qui circulait à vélomoteur ... à La Ciotat, a heurté Marie-Antoinette Y... alors que celle-ci, débouchant d'entre deux voitures en stationnement, traversait la chaussée de droite à gauche par rapport à son sens de marche et qu'ils ont l'un et l'autre été blessés ; que la largeur de l'avenue était de sept mètres et que l'emplacement des traces de ripage relevées permet d'établir qu'au moment du choc, Mohamed Z... roulait à une distance d'un peu plus d'un mètre des véhicules en stationnement ; qu'il apparaît ainsi que Marie-Antoinette Y... a entrepris la traversée de la chaussée alors que Mohamed Z..., qui était sur le point de parvenir à sa hauteur, ne pouvait rien faire pour l'éviter ; qu'il a été constaté qu'il existait un passage pour piétons à une distance de 27 mètres 50 du lieu de l'accident ; qu'il n'est d'ailleurs pas démontré que Mohamed Z..., qui a déclaré rouler à la vitesse de 30 à 40 km / heure, roulait à une vitesse supérieure " (p. 3 in fine et 4) " ;
" alors, d'une part, que la Cour, qui relève que l'accident s'est produit sur une voie large de sept mètres, à une distance de plus d'un mètre des véhicules en stationnement, que Z... ne circulait pas à une vitesse excessive et avait freiné avant de heurter Marie-Antoinette Y..., n'a pas tiré les conséquences de ses propres constatations d'où il résultait nécessairement que ledit Z... aurait parfaitement pu éviter Marie-Antoinette Y... et qu'il avait ainsi manqué de maîtrise ou d'attention dans la conduite de son véhicule, ce qui le rendait seul auteur des blessures causées tant à lui-même qu'à Marie-Antoinette Y..., de sorte que c'était celle-ci qui aurait dû être relaxée des fins de la poursuite, que son action civile était recevable à l'encontre de Z... et que l'action civile de celui-ci était irrecevable à l'encontre de la demanderesse " ;
" et alors, d'autre part, qu'à tout le moins les constatations susénoncées de l'arrêt devaient conduire à un partage de responsabilité entre les deux accidentés, de sorte que l'action civile de la demanderesse était recevable et que Marie-Antoinette Y... ne pouvait être déclarée seule responsable du dommage causé à Z... " ;
Et sur le moyen additionnel de cassation pris de la violation des articles 320 du Code pénal, R. 10, R. 232 du Code de la route, 1382 du Code civil, 2, 593 du Code de procédure pénale, 1er, 2, 3, 4 de la loi du 5 juillet 1985, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé Z... des chefs de délit de blessures involontaires et de défaut de maîtrise de son véhicule, débouté en conséquence Marie-Antoinette Y... de son action civile, l'a déclarée elle-même coupable du délit de blessures involontaires à l'égard de Z..., l'a condamnée à une peine de 1 500 F d'amende avec sursis et à réparer intégralement le préjudice subi par le susnommé ;
" aux motifs qu'il résulte du procès-verbal établi par les services de police que le 25 novembre 1981 vers 17 h 40, Mohamed Z..., qui circulait à vélomoteur ... à La Ciotat, a heurté Marie-Antoinette Y... alors que celle-ci, débouchant d'entre deux voitures en stationnement, traversait la chaussée de droite à gauche par rapport à son sens de marche et qu'ils ont l'un et l'autre été blessés ; que la largeur de l'avenue était de sept mètres et que l'emplacement des traces de ripage relevées permet d'établir qu'au moment du choc, Mohamed Z... roulait à une distance d'un peu plus d'un mètre des véhicules en stationnement ; qu'il apparaît ainsi que Marie-Antoinette Y... a entrepris la traversée de la chaussée alors que Mohamed Z..., qui était sur le point de parvenir à sa hauteur, ne pouvait rien faire pour l'éviter ; qu'il a été constaté qu'il existait un passage pour piétons à une distance de 27,50 mètres du lieu de l'accident ; qu'il n'est d'ailleurs pas démontré que Mohamed Z..., qui a déclaré rouler à la vitesse de 30 à 40 km / heure, roulait à une vitesse supérieure (p. 3 in fine et 4) ;
" alors, d'une première part, qu'aux termes des articles 1er et 2 de la loi du 5 juillet 1985 (applicables aux instances pendantes devant la Cour de cassation en vertu de l'article 47 de cette loi), la victime d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ne peut se voir opposer la force majeure par le conducteur ou le gardien d'un tel véhicule ; qu'en l'espèce, pour relaxer Z... tant du délit de blessures involontaires de l'article 320 du Code pénal que de la contravention de défaut de maîtrise de l'article R. 10 du Code de la route, la Cour d'Aix-en-Provence a invoqué la force majeure au bénéfice dudit Z... puisqu'elle a estimé que " Marie-Antoinette Y... a entrepris la traversée de la chaussée alors que Mohamed Z..., qui était sur le point de parvenir à sa hauteur, ne pouvait rien faire pour l'éviter " ; qu'en se fondant sur un tel motif pour écarter la responsabilité pénale du susnommé, la Cour a violé les articles 1er et 2 de la loi du 5 juillet 1985 et n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 320 du Code pénal, R. 10 et R. 232 du Code de la route ;
" alors, d'une deuxième part, que le manque de base légale au regard de l'article 320 du Code pénal, c'est-à-dire du délit de blessures involontaires reproché à Z..., entraîne un manque de base légale au regard des articles 1382 du Code civil et 2 du Code de procédure pénale puisque le rejet de l'action civile de la demanderesse est fondé sur l'absence d'infraction dudit Z... ;
" alors, d'une troisième part, qu'aux termes de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985 (également applicable aux instances pendantes devant la Cour de cassation en vertu de l'article 47 de cette loi), " la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages qu'il a subis " ; que le manque de base légale au regard de la faute pénale et civile de Z... (articles 320 du Code pénal et 1382 du Code civil) entraîne la cassation du chef de l'arrêt condamnant la demanderesse à réparer l'entier dommage du susnommé, et cela à supposer même qu'elle ait commis à son égard le délit de blessures involontaires, puisque l'indemnisation du conducteur du véhicule à moteur était fonction de la faute qu'il avait lui-même commise ; qu'en condamnant la demanderesse à l'indemniser, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard dudit article 4 de la loi du 5 juillet 1985 ;
" et alors, d'une quatrième part et subsidiairement, qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 (encore applicable aux instances pendantes devant la Cour de cassation en vertu de l'article 47 de cette loi), la victime de plus de 70 ans d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur est indemnisée dans tous les cas du dommage résultant des atteintes à sa personne qu'elle a subi, sauf si elle a volontairement recherché ce dommage ; que ce texte implique que l'action civile est ouverte devant la juridiction répressive à une telle victime même si le conducteur du véhicule à moteur impliqué dans l'accident n'a pas commis de faute pénale ou civile au sens des articles 320 du Code pénal et 1382 du Code civil ; que ledit texte écarte implicitement mais nécessairement, dans ce cas, l'article 2 du Code de procédure pénale qui n'ouvre l'action civile devant la juridiction répressive que lorque le dommage subi par la victime découle directement d'une infraction ; qu'ainsi, en l'espèce, Marie-Antoinette Y... née le 30 janvier 1905 et donc âgée de plus de 70 ans lors de l'accident du 25 novembre 1981, devait être indemnisée du dommage résultant des atteintes à sa personne même si Z... n'avait pas commis d'infraction et dès lors qu'il résulte implicitement des motifs de l'arrêt attaqué qu'elle n'a évidemment pas recherché le dommage qu'elle a subi ; que le rejet de son action civile encourt donc la cassation pour violation de l'article 3 de la loi du 5 juillet 1985 et fausse application de l'article 2 du Code de procédure pénale ; "
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que, selon les articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985, applicables aux termes de l'article 47 de la même loi aux affaires pendantes devant la Cour de cassation dès la publication de la loi, les personnes âgées de plus de 70 ans, victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur, sont dans tous les cas indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme qu'un heurt s'est produit, de nuit le 25 novembre 1981, entre le piéton X... Marie-Antoinette épouse Y..., née le 30 janvier 1905, et le vélomotoriste Z... Mohamed ; que l'un et l'autre ont été blessés ;
Attendu que pour déclarer X... épouse Y... coupable de blessures involontaires et la déclarer seule responsable des conséquences pour ce dernier de l'accident, les juges relèvent que le piéton négligeant d'emprunter un passage protégé situé à 27,50 mètres, s'est engagé sur la chaussée où la visibilité est mauvaise en " débouchant " d'entre deux voitures en stationnement ; qu'ils ajoutent qu'après avoir franchi un mètre en largeur il est entré en collision avec le vélomotoriste qui circulait normalement ; qu'ils estiment que ce dernier, qui ne pouvait éviter le choc, n'a connu aucune faute ;
Mais attendu que si la Cour d'appel n'encourt aucune censure pour avoir statué ainsi qu'elle l'a fait au jour de sa décision, et si celle-ci, sans encourir les griefs des moyens, reste justifiée en ce qui concerne tant l'action publique que l'action civile de Z... Mohamed dès lors que les dispositions de la loi du 5 juillet 1985 concernent seulement les droits à indemnisation des victimes d'un accident de la circulation et non leur responsabilité pénale et leurs obligations en cas de faute personnelle, l'arrêt attaqué doit cependant être annulé pour permettre un nouvel examen de l'action civile écartée de la demanderesse au vu des principes de la loi actuellement vigueur ;
Par ces motifs :
ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 21 octobre 1983, mais en ses seules dispositions concernant l'action civile de X... Marie-Antoinette épouse Y..., et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée.