Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu le principe de l'immunité de juridiction des Etats étrangers ;
Attendu qu'au mois de mars 1979, la société de droit libyen Ras et Hilal Z... a sous-affrété à la société Marseille Fret le navire " Astor " pour un transport d'armes de guerre de Benghazi à Mombassa, via Gibraltar ; qu'il n'a pas été établi de connaissement ou de document justificatif de la cargaison ; que celle-ci a été saisie en raison de cette carence au cours d'une escale du navire à Durban ; que la société Ras et Hilal Z..., rendant la société Marseille Fret responsable de cette saisie, a, le 17 octobre 1979, saisi dans le port de Benghazi le navire " Rove ", appartenant au même armement ; que la société Marseille Fret a porté le litige devant la Chambre arbitrale de Londres mais qu'entre-temps, la Cour d'appel de Benghazi, par arrêt du 19 avril 1982, a condamné cette société de droit français à payer à la société libyenne la valeur de la cargaison, évaluée à 1.184.903 dinars ; que la société Marseille Fret, invoquant une créance de 7.300.000 dollars, qui résulterait de la rétention arbitraire du "Rove" par l'Etat libyen et la société Ras et Hilal agissant pour le compte dudit Etat - rétention arbitraire tenant à l'absence de responsabilité de l'affréteur à temps dans la gestion commerciale du navire " Astor " - , a, par ordonnance rendue sur requête le 21 août 1984, été autorisée à procéder dans le port de Marseille à la saisie du navire "Ghat", lequel, selon la requérante, appartenait à l'Etat libyen ; que la General National Y...
A...
X... (G.N.M.T.C.), de nationalité libyenne, déclarant agir en qualité d'armateur du " Ghat ", a assigné la société Marseille Fret en référé, en mainlevée de la saisie conservatoire ; que l'arrêt attaqué a rejeté cette demande en retenant que la société Marseille Fret " paraît disposer d'une créance fondée en son principe " contre l'Etat libyen, dont la G.N.M.T.C. doit être tenue comme étant une émanation dudit Etat ;
Attendu, dès lors, que les conditions nécessaires pour le jeu de l'immunité de juridiction existant au profit d'un Etat étranger ou d'un organisme agissant sur son ordre ou pour son compte se trouvent remplies, le juge français perd -sauf renonciation à ce privilège- son pouvoir de juger et le moyen tiré de cette immunité doit être relevé d'office, même devant la Cour de cassation ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel qui, pour statuer sur la demande de mainlevée de saisie conservatoire d'un navire, s'est prononcée sur l'existence d'un principe de créance à l'encontre de l'Etat libyen, qui résulterait du préjudice occasionné par un acte de puissance publique émanant de cet Etat, a violé les règles du droit international public gouvernant les relations entre les Etats ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deux autres branches du moyen et sur les deuxième et troisième moyens :
CASSE et ANNULE l'arrêt rendu, le 20 septembre 1984, entre les parties, par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Lyon