REJET du pourvoi formé par :
- X... (Jacques),
contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Besancon, en date du 22 novembre 1984, qui l'a condamné, pour abus de biens et de pouvoirs sociaux et complicité de faux en écritures privées, à la peine de 16 mois d'emprisonnement avec sursis, et qui a statué sur les intérêts civils ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation proposé, pris de la violation des articles 425-4° et 437-3° de la loi du 24 juillet 1966, de l'article 26-3° de la loi du 10 septembre 1947, des articles 485 et 512 du Code de procédure pénale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'abus de biens sociaux au préjudice de l'Union des coopératives d'affichage de Franche-Comté, de la S. A. Sica Franche-Comté Serum, de la S. A. Sica de collecte Franche-Comté Serum, de la S. A. R. L. Vesoul Transport, de la société Union coopéerative agricole beurrière haut-saônoise, et de la société Union des coopératives laitières de Franche-comté ;
" aux motifs que lorsqu'il a contracté en qualité de président du G. I. E. Servilait 70 avec l'agence Voyage Conseil, qu'il a fait pendant le voyage au Brésil des dépenses qu'il s'est fait rembourser correspondant pour partie à la satisfaction de ses propres besoins, et qu'il a fait souscrire à son profit, sur la base d'une information incomplète, par le G. I. E. Servilait 70, une assurance vie anormalement avantageuse, Jacques X... savait que, la G. I. E. Servilait 70 n'ayant pas de fonds propres, le prix du voyage, les dépenses faites pendant celui-ci et les primes de contrat d'assurance, seraient supportés par les adhérents dudit G. I. E. ; qu'ainsi d'une part il a abusé des pouvoirs que lui donnaient les fonctions de direction qu'il exerçait tant au sein du G. I. E. que de l'Ucafco et de la S. A. Sica Franche-Comté, d'autre part il s'est comporté en dirigeant de fait des autres sociétés et coopératives composant ledit G. I. E. pour leur avoir imposé des engagements qu'elles ne pouvaient discuter ;
" alors de première part que les dispositions des articles 425-4° et 437-3° de la loi du 24 juillet 1966 ne sont pas applicables aux dirigeants de fait d'une SARL ou d'une société anonyme ; qu'en déclarant néanmoins X... coupable d'avoir en sa qualité de dirigeant de fait de la S. A. R. L. Vesoul Transports et de la S. A. Sica de collecte Franche-Comté, commis les délits prévus par ces textes, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors de deuxième part que les dispositions de l'article 26-3° de la loi du 10 septembre 1947 ne sont pas applicables aux dirigeants de fait d'une société coopérative ; qu'en déclarant néanmoins X... coupable d'avoir, en sa qualité de dirigeant de fait de la société Union coopérative agricole beurrière haut-saônoise et de la société Union des coopératives laitières de la Franche-Comté, commis le délit prévu par ledit texte, la Cour n'a de ce chef pas légalement justifié sa décision ;
" alors de troisième part que et à tout le moins, en se bornant à affirmer, sans en justifier et sans aucunement réfuter les motifs contraires et circonstanciés du jugement, que X... était dirigeant de fait de quatre sociétés et coopératives composant le G. I. E. Servilait 70, la Cour a privé sa décision de motifs ;
" alors de quatrième part que l'article 437-2° de la loi du 24 juillet 1966, sur le fondement duquel X... était notamment poursuivi, n'incrimine pas l'abus des pouvoirs et des voix ; que dès lors, en retenant au soutien de sa déclaration de culpabilité, que X... avait abusé des pouvoirs que lui donnaient ses fonctions de direction au sein de la S. A. Sica Franche-Comté, la Cour a statué par un motif inopérant ; "
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, et du jugement dont il adopte les motifs non contraires, que Jacques X..., président d'un groupement d'intérêt économique dit G. I. E. Servilait 70, constitué sans capital propre et auquel avaient adhéré un certain nombre de sociétés commerciales et coopératives, a été condamné, des chefs d'abus des biens de ces sociétés et d'abus des pouvoirs qu'il y possédait, pour avoir engagé, à des fins personnelles, des dépenses étrangères à l'objet du groupement et dont le montant a été réglé, au prorata de leur participation, par les sociétés qui le composaient ; que tel a été le cas d'un voyage d'agrément organisé au Brésil, d'un virement d'une somme de 12 000 francs au compte bancaire personnel de l'intéressé et de la souscription, à son profit, d'un contrat d'assurance-vie assorti d'une clause de capitalisation " particulièrement avantageuse pour le bénéficiaire " ;
Attendu que la Cour d'appel, pour déclarer le prévenu coupable des délits poursuivis, non seulement en sa qualité de dirigeant légal de deux des sociétés faisant partie du G. I. E. Servilait 70, mais également en celle de dirigeant de fait des autres sociétés adhérentes, dans lesquelles il n'exerçait pas de fonctions statutaires, énonce qu'il assurait la gestion du groupement " pratiquement sans contrôle ", notamment sans avoir jamais réuni son conseil d'administration, et qu'il a imposé aux diverses sociétés de ce groupement " des engagements qu'elles ne pouvaient discuter " ;
Attendu que de telles énonciations sont sans doute insuffisantes pour caractériser une gestion de fait, telle qu'elle est prévue - contrairement aux affirmations du moyen - par les articles 431 et 463 de la loi du 24 juillet 1966 qui étendent les dispositions réprimant les délits d'abus de biens ou de pouvoirs sociaux à tous ceux qui, directement ou par personne interposée, exercent en fait la gestion de sociétés à responsabilité limitée ou de sociétés par actions, qu'elles soient commerciales ou, selon l'article 2 de la loi du 10 septembre 1947, à forme coopérative ;
Attendu, cependant, qu'il résulte des constatations souveraines des juges du fond que Jacques X..., compte tenu de ses pouvoirs de président du G. I. E. Servilait 70 et de la liberté de décision qu'il possédait à ce titre, était mandataire des diverses sociétés membres de ce groupement d'intérêt économique, pour les questions relevant de son objet et dans les conditions prévues par l'ordonnance du 23 septembre 1967 modifiée ; que l'usage qu'il a fait des fonds de ces sociétés, en les détournant en connaissance de cause des fins auxquelles ils étaient destinés, s'analyse en conséquence en un abus de confiance au sens de l'article 408 du Code pénal ; que dès lors, la peine prononcée, qui entre dans les prévisions de ce dernier texte, est justifiée au regard de l'article 598 du Code de procédure pénale et qu'il en est de même des réparations civiles, celles-ci étant indépendantes de la qualification donnée aux faits poursuivis et n'étant liées qu'au préjudice qui en est résulté ;
D'où il suit que le moyen proposé ne saurait être retenu ;
Sur le second moyen de cassation, pris de la violation des articles 59, 60 et 150 du Code pénal, 485 et 512 du Code de procédure pénale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de complicité du délit de faux en écriture privée commis par Y... ;
" aux motifs propres et adoptés des premiers juges que les procès-verbaux des réunions du conseil d'administration et de l'assemblée générale du G. I. E. Servilait 70 tenues avant 1980, constituant des faux réalisés sur les instructions de Jacques X..., il est contestable qu'en ne respectant pas les formalités prévues par la législation en vigueur, puis en faisant établir a posteriori les procès-verbaux de réunions qui ne se sont jamais tenues, les sieurs X... et Y... ont occasionné un préjudice certain au G. I. E. Servilait 70 et à travers lui à ses adhérents qui n'ont pu être légitimement informés des dernières opérations traitées et de l'état des comptes ;
" alors d'une part que le préjudice résultant pour le G. I. E. Servilait 70 et ses adhérents, de ce qu'ils n'avaient pas été informés de la situation sociale, trouvait sa cause dans l'absence de réunion régulière des conseils d'administration et des assemblées générales et non dans l'établissement de procès-verbaux faisant faussement état de la tenue régulière de ces réunions ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour n'a pas légalement justifié du caractère préjudiciable des faux réalisés avec la complicité de X... ;
" alors d'autre part qu'en ne recherchant pas si X... savait que les faux dont s'agit étaient susceptibles d'occasionner un préjudice à autrui, la Cour a privé sa décision de base légale ; "
Attendu que les motifs de l'arrêt attaqué, tels que reproduits au moyen lui-même, mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la Cour d'appel, pour déclarer Jacques X... coupable de complicité, par instructions données, des délits de faux en écritures privées retenus à la charge de Jean-Marie Y..., a caractérisé en tous ses éléments constitutifs l'infraction poursuivie, sans encourir les griefs allégués par le demandeur ;
Que, dès lors, le moyen ne peut qu'être également écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.