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22/01/1986 | FRANCE | N°84-95210

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 janvier 1986, 84-95210


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... (Pierre),
contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre correctionnelle, en date du 2 octobre 1984, qui l'a condamné à 7 000 francs d'amende pour infraction à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs, à 4 000 francs d'amende pour contravention de blessures involontaires et a ordonné l'affichage et la publication de la décision ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 et R. 40-4° du Code pénal, L. 233-1 et L. 262-2 du C

ode du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... (Pierre),
contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre correctionnelle, en date du 2 octobre 1984, qui l'a condamné à 7 000 francs d'amende pour infraction à la réglementation protectrice de la sécurité des travailleurs, à 4 000 francs d'amende pour contravention de blessures involontaires et a ordonné l'affichage et la publication de la décision ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 4 et R. 40-4° du Code pénal, L. 233-1 et L. 262-2 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable de la contravention de blessures par imprudence et du délit d'infractions aux règles édictées en matière d'hygiène et sécurité des travailleurs et l'a condamné à 4 000 francs et 7 000 francs d'amende, ordonnant en outre l'affichage et la publication du jugement ;
" aux motifs que, d'une part, il a été fait reproche à X... d'avoir laissé travailler Y... dans des conditions d'insécurité au mépris des dispositions de l'article L. 233-1 du Code du travail qui fait obligation aux établissements ou locaux mentionnés à l'article L. 231 du même Code d'être aménagés de manière à garantir la sécurité des travailleurs, ce qui est le cas dans l'espèce présente puisque Y... ne disposait pour évoluer au cours de son travail que d'un espace d'une largeur de 60 centimètres et l'accès au plateau sur lequel était placé le moteur qu'il devait vérifier n'était constitué que par un " agglo " en guise d'escabeau ;
" alors que l'article L. 233-1 du Code du travail ne vise que les installations fixes susceptibles d'un aménagement permanent et n'est pas applicable aux installations mobiles que le salarié met en place pour les besoins de son travail ; qu'ainsi l'accident ayant été provoqué par une machine qui avait été installée sur une remorque à l'extérieur d'entrepôts et à laquelle le salarié accédait en montant sur un morceau d'aggloméré mobile, la Cour d'appel en retenant à la charge du chef d'entreprise une infraction aux dispositions de ce texte a violé ledit texte et l'article 4 du Code pénal ;
" aux motifs que, d'autre part, X... est malvenu de prétendre qu'il n'avait au moment de l'accident aucun pouvoir de direction et de contrôle des conditions de travail, la responsabilité de l'atelier étant déléguée à un sieur Z... Roger, son chef d'atelier ; qu'en effet, pour se décharger de sa propre faute il aurait fallu que X... rapporte la preuve d'une totale délégation de ses pouvoirs à Z... ; que cela ne résulte pas de l'enquête effectuée par les services de police sur commission rogatoire du juge d'instruction, enquête de laquelle il ressort que la lettre recommandée avec accusé de réception adressée à Z... le 2 février 1982, soit avant l'accident litigieux, n'était qu'un rappel de ses obligations et de ses compétences sur le plan professionnel ; qu'en effet cette lettre ne se présente pas ni en la forme, ni au fond, comme une véritable délégation générale de pouvoirs donnée par X... ès qualités de président de la S. A. X... à Roger Z... pris notamment en tant que seul responsable technique des conditions de travail dans l'entreprise ; que le meilleur moyen de s'en convaincre est de se reporter à la lettre d'engagement de Z... en date du 16 mars 1981, laquelle ne parle que d'une qualification de responsable technique tenant " à la bonne marche du travail " " sous la responsabilité du chef d'entreprise " (page 2 de la lettre suscitée), ce qui contredit une totale délégation de pouvoirs de X... à Z... et met en cause a contrario la responsabilité de X... ;
" alors qu'une délégation de pouvoirs, dès lors qu'elle confère au salarié concerné l'autorité et les moyens nécessaires pour veiller au respect des dispositions en vigueur sur la sécurité des travailleurs, peut être limitée ; qu'ainsi en se bornant à relever qu'il n'était pas établi que le sieur Z... était seul responsable technique des conditions de travail dans l'entreprise sans rechercher si les lettres qui lui avaient été adressées les 2 et 25 février 1982 n'apportaient pas la preuve de l'existence d'une délégation limitée de pouvoirs en matière de sécurité, suffisante pour exonérer le chef d'entreprise de toute responsabilité, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 263-2 du Code du travail ; "
Sur la seconde branche du moyen ;
Vu lesdits articles, ensemble l'article L. 263-2 du Code du travail ;
Attendu que si le chef d'entreprise est tenu de veiller personnellement à la stricte et constante exécution des dispositions édictées en vue d'assurer la sécurité des travailleurs, il peut être exonéré de sa responsabilité pénale s'il est prouvé qu'il a délégué ses pouvoirs à un préposé investi par lui et pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaires pour veiller efficacement à l'observation des dispositions en vigueur ; que si pour être exonératoire une telle délégation doit être certaine et exempte d'ambiguïté, il n'est nullement exigé qu'elle porte sur la totalité des pouvoirs propres au chef d'entreprise ;
Attendu qu'un salarié de l'entreprise qu'il dirigeait ayant été victime d'un accident du travail, X..., qui a été poursuivi des chefs de blessures involontaires et infraction à la législation du travail a soutenu, pour s'exonérer de sa responsabilité pénale, qu'il avait donné une délégation de pouvoirs à son préposé Z... ;
Attendu que pour retenir la culpabilité du prévenu, l'arrêt énonce que " pour se décharger de sa propre faute il aurait fallu que X... rapporte la preuve d'une totale délégation de ses pouvoirs à Z... " ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi la Cour a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Et sur le moyen relevé d'office, pris de la violation des articles 4 et R. 40-4° du Code pénal ;
Attendu qu'aucune peine, autre que celle appliquée par la loi à la nature de l'infraction, ne peut être prononcée ;
Attendu que l'article R. 40-4° du Code pénal ne punissait au moment où les faits ont été commis la contravention de blessures involontaires que d'un emprisonnement de 10 jours à un mois et d'une amende de 1 200 francs à 3 000 francs ;
Attendu que l'arrêt attaqué a reconnu X... coupable de ladite contravention et, en l'absence de toute constatation d'un état de récidive légale, l'a condamné de ce chef à 4 000 francs d'amende ;
Attendu qu'en prononçant ainsi une peine supérieure au maximum prévu par la loi, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encore encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 2 octobre 1984, et, pour qu'il soit statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nîmes.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 84-95210
Date de la décision : 22/01/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs - Etendue.

* HOMICIDE ET BLESSURES INVOLONTAIRES - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs - Etendue.

* TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Responsabilité pénale - Chef d'entreprise - Exonération - Cas - Délégation de pouvoirs - Etendue.

Si le chef d'entreprise est tenu de veiller personnellement à la stricte observation des règles protectrices de la sécurité des travailleurs il peut dégager sa responsabilité en établissant qu'il a donné à cet effet une délégation de pouvoirs à un préposé pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaires. Si pour être exonératoire une telle délégation doit être certaine et exempte d'ambiguïté il n'est pas exigé qu'elle porte sur la totalité des pouvoirs propres aux chefs d'entreprise.


Références :

Code pénal 4, R40-4

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, chambre correctionnelle, 02 octobre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jan. 1986, pourvoi n°84-95210, Bull. crim. criminel 1986 N° 30 p. 69
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 30 p. 69

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Ledoux
Avocat général : Av.Gén. M. Méfort
Rapporteur ?: Rapp. M. Suquet
Avocat(s) : Av. demandeur : SCP Guiguet Bachellier Potier de la Varde

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.95210
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