CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- Le musée Rodin, établissement public national représenté par son conservateur en exercice, partie civile,
contre l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris, en date du 15 mai 1985, qui, dans la procédure suivie sur sa plainte contre X... Ange, pour infraction à la loi du 28 juillet 1824 relative aux altérations ou suppositions de noms sur les produits fabriqués, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction faisant droit à la demande de restitution d'un buste en bronze saisi, présentée par l'inculpé ;
LA COUR,
Vu l'ordonnance du président de la Chambre criminelle du 19 août 1985 prescrivant l'examen immédiat du pourvoi, en application des articles 570 et 571 du Code de procédure pénale ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation relevé d'office, pris de la violation des articles 97, 99, 177, 212 du Code de procédure pénale ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que l'article 99 du Code de procédure pénale, en donnant compétence aux juridictions d'instruction, avant clôture de l'information, pour connaître des demandes de restitution d'objets placés sous la main de la justice, institue une procédure exceptionnelle qui n'autorise pas ces juridictions à statuer, à cette occasion, sur le bien-fondé de la poursuite en cours ;
Attendu que Ange X..., inculpé du chef de la loi du 28 juillet 1824 pour avoir fait apposer la signature d'Auguste Rodin sur un buste en bronze qu'il a fait couler à partir d'un plâtre dont l'origine est contestée par le musée Rodin, héritier du droit moral du sculpteur, a sollicité du juge d'instruction la restitution de ce bronze, saisi alors qu'il allait être exporté à Londres afin d'y être vendu aux enchères ;
Attendu que la Chambre d'accusation, pour confirmer l'ordonnance entreprise et faire droit à cette demande de restitution, énonce que " le texte visé à la prévention apparaît ne pouvoir s'appliquer aux faits de la cause " et " qu'en l'absence de fondement légal des poursuites, le maintien sous main de justice du bronze dénommé " L'Extase " et portant la numéro 10 / 12 ne saurait être ordonné ; "
Mais attendu qu'en prononçant comme ils l'ont fait, par une décision qui anticipe sur les résultats de l'information encore en cours et dont les motifs, en ce qu'ils portent sur le fond du litige, relèveraient des articles 177 ou 212 du Code de procédure pénale, les juges ont excédé leur pouvoir et méconnu le sens et la portée des textes visés au moyen ; que la cassation est ainsi encourue ;
Attendu, cependant, que cette Cour trouve, dans les circonstances de la cause telles qu'elles résultent de l'arrêt attaqué, les éléments lui permettant d'appliquer la règle de droit appropriée, ainsi que le prévoit l'article L. 131-5 du Code de l'organisation judiciaire, et de juger que les dispositions des articles 6 et 15 de la loi du 1er août 1905 - dans la mesure où il en résulte que la juridiction de jugement devra ordonner la confiscation de l'objet saisi, en cas d'infraction constatée à la loi du 28 juillet 1824 - font obstacle, en l'état, à la restitution sollicitée par Ange X... ;
Par ces motifs, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen de cassation proposé par le demandeur ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Paris du 15 mai 1985,
DIT qu'est rejetée la demande de restitution présentée par Ange X... et portant sur le bronze signé " Rodin ", scellé 1, déposé au greffe du tribunal de grande instance de Paris sous le numéro 431, dossier 156-83 ;
DIT, en conséquence, qu'il n'y a lieu à renvoi.