REJET du pourvoi formé par :
- X... (Nadesse),
contre un arrêt de la Cour d'appel de Versailles, 8e chambre, en date du 18 novembre 1983 qui, pour séjour irrégulier en France, l'a condamné à deux mois d'emprisonnement avec sursis et a ordonné sa reconduite à la frontière ;
LA COUR
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 53, 78-2, 78-3 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense ; défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler le contrôle d'identité et la procédure subséquente ;
" aux motifs que le 28 juin 1983, à 22 heures, les gardiens de la paix Y... et Z..., en patrouille de service à Guyancourt, avaient remarqué trois individus qui se trouvaient près des véhicules en stationnement sur le parking de l'INRA et, après avoir surveillé leur manège pendant près de quarante minutes, comme ces individus leur avaient paru susceptibles de s'en prendre aux véhicules en stationnement, avaient décidé de contrôler leur identité ; que ces agents étaient donc en patrouille et qu'une telle mission comportait nécessairement l'intervention préalable d'un officier de police judiciaire pour l'organiser, et l'ordre, implicite ou explicite, d'accomplir toutes opérations de nature à prévenir les infractions et à en découvrir les auteurs, de telle sorte qu'en l'espèce, le contrôle avait bien eu lieu sur l'ordre et sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire ; que d'autre part, le manège des trois individus, dont X... faisait partie, qui avaient stationné pendant plus d'une demi-heure, à la nuit tombante, sans raison apparente, à proximité d'un parking, l'un des individus s'approchant même des véhicules, constituait indiscutablement un indice faisant présumer qu'ils se préparaient à commettre un vol de voitures ou des vols dans les voitures ; qu'en effet, les parkings sont le théâtre de fréquents délits de ce genre et la sûreté des biens s'y trouve immédiatement menacée ;
" alors que d'une part, les contrôles d'identité doivent, à peine de nullité, être diligentés sur l'ordre et sous la responsabilité d'un officier de police judiciaire et qu'il n'en est pas ainsi lorsque, comme il résulte des énonciations de l'arrêt en l'espèce, l'officier de police judiciaire s'est borné à envoyer les gardiens de la paix en patrouille de routine et que ces derniers, en considération de circonstances inconnues dudit officier et sans nullement lui en référer, ont pris seuls l'initiative du contrôle critiqué ;
" alors que d'autre part, les contrôles d'identité ne peuvent légalement être fondés sur la dangerosité éventuelle, abstraite et hypothétique de certains lieux à de certains moments et qu'il résulte bien encore des énonciations mêmes de l'arrêt que si d'emblée le stationnement des trois travailleurs à la nuit tombante et près d'un parking avait pu attirer l'attention des policiers, en revanche aucun indice apparent d'un comportement délictueux ne justifiait, après plus d'une demi-heure de vaine surveillance, le contrôle d'identité effectué par eux ;
" alors qu'enfin X... n'a pas été informé, dès son arrivée dans le local de police, de son droit de faire aviser le procureur de la République de la vérification dont il faisait l'objet et de prévenir à tout moment sa famille ou toute autre personne de son choix et que, d'ailleurs, le procès-verbal produit ne rapporte pas l'octroi de ces garanties, prescrites à peine de nullité ; "
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que X..., interpellé le 28 juin 1983 à l'occasion d'un contrôle d'identité, a présenté un passeport attestant de sa nationalité mauricienne et établissant qu'entré en France le 7 mars 1982, il bénéficiait d'un visa valable pour un séjour de deux mois à compter du franchissement de la frontière ; qu'il a ainsi été poursuivi devant la juridiction correctionnelle pour avoir séjourné sur le territoire national sans se conformer aux dispositions légales, délit prévu et réprimé par l'article 19 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée par la loi du 29 octobre 1981 ;
Attendu que pour écarter les conclusions du prévenu faisant valoir l'irrégularité du contrôle d'identité et tendant à la nullité de la procédure subséquente, la Cour d'appel relève que le 28 juin 1983, des gardiens de la paix en patrouille de service, remarquant trois individus leur paraissant susceptibles de s'en prendre à des véhicules en stationnement sur le parking de l'Institut National de la Recherche agronomique à Guyancourt, ont décidé, après avoir surveillé leur " manège " de contrôler leur identité ; que selon l'arrêt, ces agents étaient " en patrouille ", mission qui comporte à l'évidence l'intervention préalable d'un officier de police judiciaire pour l'organiser et l'ordre implicite ou explicite, d'accomplir toutes opérations de nature à prévenir les infractions ou à en découvrir les auteurs ; que les juges constatent encore que X... a été présenté à un officier de police judiciaire aussitôt qu'à été constatée l'infraction de séjour irrégulier ;
Attendu par ailleurs que pour justifier la légalité du contrôle d'identité, la Cour d'appel énonce que le " manège ", expression utilisée par les agents, de trois individus qui, à la nuit tombante, stationnent sans raison apparente à proximité d'un parking où sont garés des véhicules automobiles, et cela pendant plus d'une demi-heure, l'un d'entre eux s'approchant même des voitures en stationnement, constitue un indice faisant présumer qu'ils se préparaient à commettre un vol de voiture ou des vols dans les voitures ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations qui caractérisent, sans insuffisance ni contradiction, au regard des prescriptions de l'article 78-2 du Code de procédure pénale, la régularité du contrôle d'identité ainsi opéré et alors que les garanties prévues par l'article 78-3 du même Code ne s'appliquent que dans le cas où la personne interpellée ne peut ou ne veut justifier de son identité et fait l'objet d'une rétention pour vérification, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, la Cour d'appel a, sans encourir les griefs du moyen, donné une base légale à sa décision ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le deuxieme moyen de cassation, pris de la violation des articles 56 et 59 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la procédure de saisie du passeport de X... et la procédure subséquente ;
" aux motifs que l'article 56 était inapplicable dès lors que la saisie n'avait pas eu lieu au domicile du prévenu et que ce dernier ne prouvait pas ou n'offrait de prouver que l'irrégularité prétendue lui ait fait grief ;
" alors que lors de l'enquête préliminaire, les objets et documents saisis doivent être immédiatement inventoriés et placés sous scellés quel que soit le lieu où intervient la perquisition ou la fouille à corps et que pourtant en l'espèce il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le passeport du prévenu n'a pas été placé sous scellé ;
" alors que d'autre part les dispositions de l'article 802 du Code de procédure pénale sont inapplicables aux prescriptions résultant des articles 53 et 56 du même Code, dont la violation méconnaît par définition les droits de la défense ; "
Attendu qu'il résulte des pièces de la procédure que le passeport de X... a été annexé au procès-verbal dressé le 28 juin 1983 dans le cadre d'une enquête de flagrant délit diligentée contre lui du chef d'infraction à la législation sur les étrangers ; que pour ce faire, l'officier de police judiciaire compétent s'est conformé aux prescriptions de l'article 54 alinéa 2 du Code de procédure pénale ;
Attendu dès lors que c'est en vain que le demandeur invoque une prétendue irrégularité de procédure ;
Que le moyen ne saurait dès lors être accueilli ;
Sur le troisieme moyen de cassation, pris de la violation de l'article 19 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la reconduite à la frontière de X... ;
" aux motifs que le prévenu ne pouvait légalement trouver aucun emploi en France ;
" alors que X... invoquait une relation de travail au sens de l'article L. 341-6-1 du Code du travail et que le juge répressif devait donc consulter l'inspection du travail et ajourner six mois le prononcé de la peine ; "
Attendu que contrairement à ce qui est soutenu au moyen, le prévenu n'a pas allégué l'existence d'une relation de travail au sens de l'article L. 341-6-1 du Code du travail, mais la simple éventualité d'un emploi en cas de régularisation de sa situation administrative ;
D'où il suit que le moyen qui manque par le fait sur lequel il prétend se fonder ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.