CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Jean,
- Y... Daniel,
contre un arrêt de la Cour d'appel de Paris, 13e chambre, du 27 juin 1984, qui, pour tromperie et tentative de tromperie sur la qualité substantielle d'un véhicule, les a condamnés, le premier à 25 000 F d'amende, le second à 10 000 F d'amende, et a ordonné la publication de la décision ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit, commun aux demandeurs ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation et fausse application de l'article 1er de la loi du 1er août 1905, des articles 1110 et 1641 du Code civil, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, défaut de réponse à conclusions ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean X... et Daniel Y... coupables de tentative de tromperie et de tromperie sur les qualités substantielles de la chose vendue pour avoir offert à la vente le 27 mars 1982 à Jean-Noel Z... puis pour avoir vendu à Joseph A... le 10 mai 1982 une CX en présentant ce véhicule comme étant en excellent état alors qu'il avait été l'objet d'un grave accident ;
" aux motifs propres ou repris des premiers juges qu'il est établi que la gravité de l'accident dont le véhicule avait été l'objet a été volontairement dissimulée tant à Z... qu'à A..., que X... a reconnu notamment tant au cours de l'enquête préliminaire qu'à l'audience qu'il n'avait pas cru bon d'informer A... de l'importance de l'accident car le véhicule avait été réparé selon les règles de l'art, que si Y... a soutenu avoir ignoré la réalité et la gravité de l'accident au cours de sa relation avec Z..., la Cour ne peut l'admettre en raison de sa fonction de responsable des ventes de voiture d'occasion dans la société, qu'il appartient au vendeur d'un véhicule d'occasion d'avertir l'acquéreur quand même les réparations ont été aussi importantes, que l'absence d'accident constitue pour un véhicule une qualité substantielle qui détermine le futur acheteur, que le mutisme des vendeurs sur l'accident constitue une tromperie sur l'une des qualités substantielles de la marchandise ; que la réticence qu'un grave accident a été provoqué à un véhicule automobile constitue un acte révélateur de la mauvaise foi ; que l'absence de lésions organiques, élément substantiel, motive une personne à acquérir ou non ;
" alors de première part que la simple référence à des observations d'ordre général dans les motifs de l'arrêt prive ce dernier d'une insuffisance de motifs caractérisée empêchant la Cour suprême d'exercer son contrôle ;
" alors de seconde part que les qualités réelles d'un véhicule d'occasion ne sont objectivement en rien altérées par le fait que ladite voiture précédemment accidentée, si elle a été remise en l'état dans des conditions parfaites, qu'il en résulte qu'aucun texte n'impose à un vendeur de véhicules d'occasion d'indiquer qu'un véhicule a été accidenté au stade initial de la vente, qu'ainsi que le soutenaient les prévenus dans leurs conclusions demeurées sans réponse l'expertise du véhicule jointe au dossier du service des fraudes établissait qu'il avait été parfaitement remis en état et ne restait affecté d'aucun vice à la suite de l'accident qu'il avait subi ; que les juges d'appel ont constaté que les réparations ont comporté notamment le démontage de l'ensemble et la remise en état de la caisse sur marbre et 110 heures de main d'oeuvre-ce qui signifie que le véhicule a été entièrement remis à neuf avant d'être mis en vente-et que l'acheteur du véhicule, A..., a exprimé ensuite sa satisfaction de son achat en sorte que l'arrêt attaqué qui n'a aucunement constaté que le véhicule proposé à la vente puis vendu n'ait pas été en excellent état à l'époque des faits visés à la prévention a privé sa décision de base légale ;
" alors de troisième part que l'arrêt qui n'a pas relevé que le véhicule d'occasion parfaitement réparé ait été vendu à un prix supérieur à celui pratiqué pour les véhicules du même type et de même âge, seules constatations qui seraient de nature à laisser présumer que le véhicule n'aurait subi aucun accident grave de nature à écarter certains acheteurs a violé par fausse application l'article 1er de la loi du 1er août 1905 en décidant que le mutisme des vendeurs sur l'accident constituait une tromperie sur l'une des qualités substantielles de la marchandise,
" alors enfin que si les juges du fond ont tout pouvoir pour reconnaître ou dénier l'existence de la mauvaise foi, leur appréciation n'est souveraine que si elle n'est pas contredite par les faits qu'ils ont eux mêmes constatés et par les conséquences légales que ces faits comportent ; que les juges qui ont expressément relevé que X... n'avait pas cru bon d'informer A... de l'importance de l'accident car le véhicule avait été réparé selon les règles de l'art, circonstance qui n'a été démentie par aucune constatation de l'arrêt et qui a été implicitement confirmée par le fait relevé par l'arrêt que A...- après qu'il ait eu connaissance de l'accident-ait exprimé sa satisfaction de son achat n'ont pas caractérisé l'intention frauduleuse, élément essentiel du délit de tromperie tel que défini à la prévention à l'encontre de X... ; "
Vu lesdits articles ;
Attendu que les arrêts et jugements sont déclarés nuls s'ils ne contiennent pas de motifs ou si leurs motifs sont insuffisants ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X... et Y... ont été poursuivis des chefs de tentative de tromperie et tromperie sur la qualité substantielle d'un véhicule automobile, pour avoir tenté de vendre, puis vendu un véhicule d'occasion en omettant d'indiquer qu'il aurait été réparé à la suite d'un grave accident, et l'avoir présenté comme étant une " excellente occasion en parfait état " ;
Attendu que, pour entrer en voie de condamnation, les juges, après avoir exposé et analysé les faits de la procédure, énoncent qu'il appartient au vendeur d'un véhicule d'occasion d'avertir l'acquéreur, quand même les réparations auraient été parfaites, de ce que la voiture a été accidentée ; que l'absence d'accident constitue pour un véhicule une qualité substantielle qui détermine le futur acheteur ; que X... n'a pas cru devoir informer l'acheteur de l'importance de l'accident, le véhicule ayant été réparé selon les règles de l'art et que Y..., après avoir affirmé à un client que le véhicule n'avait pas été accidenté, l'a laissé vendre à un autre client ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors qu'il n'est pas contesté que la réparation du véhicule ait été parfaite, les juges ne pouvaient, sans s'expliquer davantage, affirmer que l'absence d'accident constitue pour un véhicule une qualité substantielle ; que dès lors la Cour d'appel a méconnu le principe sus-énoncé ;
Par ces motifs, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens,
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Paris en date du 27 juin 1984, et pour être statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Versailles.