REJET du pourvoi formé par :
- X... François,
contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 5e chambre, en date du 12 décembre 1983, qui pour exercice illégal de la médecine, l'a condamné à 15 000 F d'amende ainsi qu'à des réparations civiles ;
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 372-1°, L. 505 à L. 508 du Code de la santé publique, 2-7° de l'arrêté pris le 6 janvier 1962 par le ministre de la santé publique, du principe de la liberté du commerce et de l'industrie, du principe de l'égalité entre les citoyens, des articles 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,
" en ce que la Cour d'appel déclare X... coupable du délit d'exercice illégal de la médecine et le condamne au paiement d'une peine d'amende ainsi qu'à des dommages-intérêts à l'Ordre des médecins,
" aux motifs que le prévenu utilise un réfractomètre qui permet d'établir un diagnostic et de traiter l'affection constatée au moyen de verres correcteurs ; que l'emploi de cet appareil constitue donc un acte médical, même si l'opticien continue d'utiliser conjointement la méthode subjective dans la détermination de la réfraction oculaire ; que le prévenu, en procédant à des examens gratuits de la vue à l'aide d'un appareil sophistiqué, après avoir fait passer des annonces publicitaires dans la presse, a nécessairement porté atteinte au monopole des médecins ophtalmologues, puisque ses clients, dont certains n'étaient pas assurés sociaux selon lui, pouvaient penser légitimement que cette machine des plus perfectionnées les dispensait d'aller consulter un médecin ; que le ministre de la santé, sur délégation du législateur et après avis de l'Académie nationale de médecine, pouvait dès lors, sans porter atteinte à la profession d'opticien, fixer la liste des actes médicaux interdits à cette profession ; que ce ministre n'a donc pas commis un excès de pouvoir ou porté atteinte à la liberté du commerce et qu'en conséquence, l'exception d'illégalité doit être rejetée ; que, par ailleurs, une expertise médicale ne s'impose pas non plus en l'espèce ; qu'il n'y a pas lieu de rechercher notamment si l'autorefractor 6600 type Accuity peut être utilisé seul en vue de déterminer la réfraction oculaire d'un individu, sans avoir recours à la méthode dite subjective, puisque l'arrêté du 6 janvier 1962 a prohibé formellement ce genre d'appareil en ce qui concerne les opticiens (v. arrêt attaqué, p. 8),
" alors que, ainsi que l'avait soutenu X... dans ses conclusions d'appel, il appartient au juge pénal d'interpréter et d'apprécier la légalité des actes réglementaires sur tous les points dont dépend l'application ou la non-application des peines ; que, dans l'exercice de ce pouvoir, la Cour d'appel devait déclarer illégal l'article 2-7° de l'arrêté pris le 6 janvier 1962 par le ministre de la santé ; d'une part, parce que cet arrêté est contraire à l'article L. 508-3 du Code de la santé publique autorisant l'opticien-lunetier à délivrer des verres correcteurs à toute personne âgée de plus de 16 ans sans prescription médicale préalable et nécessairement, pour ce faire, à mesurer la réfraction oculaire au moyen des méthodes subjective et objective, sans que ledit arrêté ait pu légalement réserver cette dernière méthode aux docteurs en médecine ; d'autre part, parce que le ministre de la santé était incompétent pour limiter la liberté d'exercice de la profession d'opticien-lunetier que seuls les articles L. 508-2 et L. 508-3 ont légalement restreinte ; de troisième part, parce qu'en interdisant à l'opticien-lunetier de mesurer la réfraction oculaire au moyen d'une méthode objective fondée sur les données actuelles de la science et de la technique, sans justifier cette interdiction par une exigence tirée de la protection de la santé publique, l'arrêté du 6 janvier 1962 a violé le principe constitutionnel de la liberté du commerce et de l'industrie ; de quatrième part, parce qu'en insérant dans la nomenclature des actes médicaux entrant dans le champ d'application de l'article L. 372-1° du Code de la santé publique, la détermination de la réfraction oculaire au moyen d'un autoréfracteur électronique, alors qu'il ne s'agit là que d'une mesure d'optique physique exclusive d'un diagnostic et d'un traitement, le Ministre de la santé a violé le texte susvisé ; enfin, parce qu'en interdisant à l'opticien-lunetier non titulaire du diplôme de docteur en médecine, l'utilisation d'un autoréfracteur électronique, le Ministre de la santé a commis une erreur manifeste d'appréciation, au regard des seuls actes médicaux susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article L. 372-1° du Code de la santé publique ; "
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X..., opticien-lunetier, a, afin de déterminer la nature des verres destinés à corriger la vue de ses clients, utilisé habituellement un appareil destiné à mesurer la réfraction oculaire ; qu'en raison de ce fait il a été poursuivi devant le tribunal correctionnel du chef d'exercice illégal de la médecine ;
Attendu qu'avant de confirmer le jugement qui avait déclaré le prévenu coupable de ce délit, la Cour d'appel a rejeté les conclusions dont elle avait été régulièrement saisie, et dans lesquelles le demandeur soulevait l'illégalité de l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962 qui a réservé aux seuls docteurs en médecine notamment " le maniement des appareils servant à déterminer la réfraction oculaire " ; qu'à l'appui de leur décision sur ce point, les juges d'appel énoncent que " le réfractomètre dont il s'agit permet, contrairement à l'opinion de X..., d'établir indirectement un diagnostic (myopie, hypermétropie, presbytie) et de traiter l'affection constatée au moyen de verres correcteurs " ; qu'ils en concluent que l'emploi de cet appareil constitue bien un acte médical et que dès lors le Ministre de la santé, sur délégation du législateur et après avis de l'Académie Nationale de médecine, pouvait sans commettre d'excès de pouvoir et sans porter atteinte à la profession d'opticien ou au principe de la liberté du commerce, fixer la liste des actes médicaux interdits à cette profession ;
Attendu qu'en cet état l'arrêt attaqué n'a nullement encouru les griefs allégués au moyen ;
Qu'en effet l'arrêté ministériel du 6 janvier 1962, pris dans les conditions prévues par l'article L. 372 du Code de la santé publique, ne fait nullement échec aux dispositions des articles L. 508-2 et L. 508-3 du même Code qui permettent aux opticiens-lunetiers de délivrer sans prescription médicale des verres correcteurs à toute personne âgée de plus de seize ans mais se borne à exclure pour le choix des verres correcteurs l'utilisation de méthodes relevant de la compétence des médecins ; qu'une telle interdiction, qui trouve son fondement dans un souci de protection de la santé publique, ne peut être considérée comme contraire au principe de la liberté du commerce et de l'industrie ; qu'enfin le ministre de la santé n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation en insérant dans la liste des actes réservés aux personnes autorisées à exercer la profession de médecin l'utilisation d'un appareil destiné à déceler certaines anomalies de la vision et, ainsi, à faciliter un diagnostic ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.