LA COUR, Vu les mémoires produits, en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 7 et 9 du Code de procédure pénale, 593 du Code de procédure pénale, L. 122-25-2 et R. 152-3 du Code du travail,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Me X... et Me Y... coupables, étant employeurs, d'avoir licencié leur employée, la dame Z..., qui était en état de grossesse médicalement constaté, sans justifier d'une faute grave de l'intéressée ;
" aux motifs qu'en ce qui concerne la date des poursuites, si la date du 19 mars est mentionnée sur le procès-verbal au moment où il a commencé à être rédigé, la date à laquelle il a été signé par le contrôleur est le 9 décembre, sans précision de l'année ; que cette date est nécessairement celle du 9 décembre 1982, antérieure à la transmission au procureur de la République qui, le 18 mars 1983, a fait entendre la dame Z..., après avoir reçu le procès-verbal ;
" alors qu'il résulte par ailleurs du jugement entrepris que ce n'est que le 26 septembre 1983 que le Parquet a fait citer les prévenus à l'audience pour répondre de la contravention incriminée commise le 31 décembre 1981, soit plus d'un an avant la citation ; que, dès lors, en l'absence de tout acte d'instruction ou de poursuite (le procès-verbal de l'inspection du Travail, fût-il daté du 19 mars ou du 9 décembre 1982, n'étant pas accompli au cours d'une procédure administrative, avant transmission au Parquet) pendant le délai de la prescription d'un an, l'action publique était éteinte, ce que l'arrêt devait au besoin relever d'office " ;
Attendu que, contrairement à ce qui est allégué au moyen, la Cour d'appel n'a commis aucune erreur de droit en s'abstenant de constater la prescription de l'action publique à l'occasion des poursuites engagées contre les prévenus, après une enquête préliminaire par le procureur de la République, suivant assignation en date du 26 septembre 1983, pour contravention à l'article L. 122-25-2 du Code du travail, commise le 31 décembre 1981 et constatée par un procès-verbal de l'inspecteur du Travail ouvert le 29 mars 1981 et clôturé le 9 décembre de la même année ; Qu'en effet, les procès-verbaux dressés par les inspecteurs du Travail dans l'exercice de leurs attributions de police judiciaire conformément aux dispositions des articles L. 611-1 et L. 611-10 du Code du travail, à l'effet de constater les infractions, doivent être regardés au sens de l'article 7 du Code de procédure pénale, comme des actes d'instruction ou de poursuite par lesquels, en vertu de ce texte et des articles 8 et 9 du même Code, se trouve interrompue la prescription ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 122-25-2 et R. 152-3 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et défaut de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Me X... et Me Y... coupables, étant employeurs, d'avoir licencié leur employée, la dame Z..., qui était en état de grossesse médicalement constaté, sans justifier d'une faute grave de l'intéressée ;
" aux motifs que le formalisme de l'article L. 122-25-2 du Code du travail - qui prévoit que le licenciement est annulé si dans les quinze jours qui suivent sa notification la salariée envoie à son employeur un certificat de grossesse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception -, est prescrit comme moyen de preuve et n'est pas une règle de fond privant la bénéficiaire de toute protection ; que l'expiration de ce délai de quinze jours ne peut entraîner l'impossibilité pour la salariée de se prévaloir de son état si l'employeur avait connaissance de la grossesse avant la notification du licenciement ; qu'au cas d'espèce, la preuve est rapportée que les deux employeurs avaient bien connaissance avant le licenciement que la dame Z... était en état de grossesse, lequel avait été " médicalement constaté " ; " alors que l'envoi, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à l'employeur d'un certificat médical justifiant de l'état de grossesse constitue en la matière le seul mode de preuve admissible de la réalité de l'état de grossesse allégué et la condition nécessaire du bénéfice de la protection spéciale instituée par l'article L. 122-25-2 du Code du travail " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte des dispositions de l'article R. 122-9 du Code du travail que, pour bénéficier des articles L. 122-25 et suivants du Code du travail relatifs à la maternité et à l'éducation des enfants, l'employée dont l'état de grossesse a été médicalement constaté doit, soit remettre à son employeur, qui est tenu de lui en délivrer un récépissé, soit lui envoyer par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement ;
Attendu que l'article L. 122-25-2 du Code précité, qui, sauf en des cas expressément prévus, interdit le licenciement d'une salariée, lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté, précise que le licenciement d'une telle salariée est annulé si, dans le délai de quinze jours, à compter de sa notification, l'intéressée envoie à son employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, un certificat médical justifiant de son état ; que ce délai est impératif, son expiration entraînant la déchéance de la salariée de la faculté de se prévaloir dudit état ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, le 6 novembre 1981, la dame Z..., employée en qualité de secrétaire aide-comptable au cabinet d'avocats tenu par X... et Y..., a fait constater, par un médecin, qu'elle se trouvait en état de grossesse ; que, toutefois, elle n'a envoyé ou remis aucun certificat médical à ses employeurs qu'elle n'a avisés de son état qu'incidemment, dans les derniers jours du mois de novembre 1981 ; qu'invoquant à son encontre des fautes graves dans l'exécution de son travail, ses employeurs lui ont notifié son licenciement par lettre du 31 décembre 1981 ;
Attendu que, saisie des poursuites engagées contre X... et Y..., du chef de licenciement abusif d'une salariée en état de grossesse médicalement constaté, la Cour d'appel, réformant la décision de relaxe du premier juge, a, pour déclarer l'infraction établie, énoncé que le formalisme institué, en la matière, par le Code du travail, ne constitue qu'un moyen de recours lorsqu'elle omet de s'y conformer ; qu'elle en a déduit que, si, comme en l'espèce, l'employeur avait connaissance de l'état de grossesse de l'intéressée lorsqu'il a procédé à son licenciement, la protection légale ne saurait, pour autant, disparaître ; qu'écartant le moyen de défense des prévenus qui invoquaient l'existence de graves négligences dans le comportement professionnel de la dame Z..., les juges ont, en définitive, estimé que le licenciement n'avait d'autre cause que l'état de grossesse de la salariée ;
Attendu cependant qu'en l'état de ces motifs, la Cour d'appel a méconnu les dispositions légales et réglementaires ci-dessus rappelées, lesquelles sont, en matière pénale, d'interprétation stricte ; que l'article R. 152-3 du Code du travail ne réprime les infractions aux articles L. 122-25 et suivants dudit Code que dans la mesure où les conditions requises pour leur application ont été respectées, ce qui n'était pas le cas en l'espèce ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le troisième moyen de cassation :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel de Poitiers, en date du 29 juin 1984, et pour être à nouveau statué conformément à la loi, RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Limoges.