STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR :
- V..., PARTIE CIVILE,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA REUNION, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, DU 8 NOVEMBRE 1984 QUI, DANS UNE POURSUITE CONTRE E..., PREVENUE DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER, SAISIE DES SEULS INTERETS CIVILS, L'A DEBOUTE DE SA DEMANDE ;
VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29 ALINEA 1, 32 ALINEA 1, 35 ET 55 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, DES ARTICLES 485, 591 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT, INSUFFISANCE ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS ;
" EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RELAXE E... DU CHEF DE DIFFAMATION ET A REJETE PAR VOIE DE CONSEQUENCE LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS DE V... ;
" ALORS, DE PREMIERE PART, QU'EN DEDUISANT LA BONNE FOI DE LA PREVENUE DE CE QU'IL RESULTE DE L'ENSEMBLE DES DOCUMENTS VERSES AUX DEBATS PAR ELLE (DANS LE CADRE DE SA SIGNIFICATION DU ONZE JUIN 1982 TENDANT " A FAIRE LA PREUVE DE L'EXISTENCE MATERIELLE DU FAIT "), NOTAMMENT LES JOURNAUX DE L'EPOQUE RELATANT LES DEBATS DE LA COUR D'ASSISES DE LYON, QUE V... EST L'AUTEUR DE LA MORT D'ALEXIS X..., L'ARRET A VIOLE LE PRINCIPE D'ORDRE PUBLIC SELON LEQUEL L'INTERDICTION DE FAIRE LA PREUVE DE LA VERITE DES FAITS DIFFAMATOIRES REMONTANT A PLUS DE DIX ANS EST GENERALE ET ABSOLUE ET QU'IL EN EST DE MEME EN CE QUI CONCERNE, COMME EN L'ESPECE, UN FAIT CONSTITUANT UNE INFRACTION AMNISTIEE ET DATANT DE PRES DE TRENTE ANS ;
" ALORS, DE SECONDE PART, QU'IL APPARTENAIT A LA PREVENUE D'ETABLIR PAR TOUS LES MOYENS ET EN DEHORS DE LA PROCEDURE PREVUE PAR LES ARTICLE 55 ET 56 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 - CE QU'ELLE N'A PAS FAIT - L'EXISTENCE DE FAITS JUSTIFICATIFS AUTRES QUE LA VERITE DES FAITS IMPUTES SUSCEPTIBLES DE PROUVER SA BONNE FOI ;
" ALORS, DE TROISIEME PART, QUE LE FAIT QUE D'AUTRES JOURNAUX AIENT PUBLIE LES MEMES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES N'EST JAMAIS, POUR LE JOURNALISTE POURSUIVI, CONSTITUTIF DE BONNE FOI ;
QU'EN L'ESPECE LES JOURNAUX CITES PAR L'ARRET, VERSES AUX DEBATS PAR LA PREVENUE, JUDICIEUSEMENT CHOISIS PAR ELLE, ETAIENT TOUS MARQUES AU COIN D'UNE EVIDENTE PARTIALITE A L'ENCONTRE DE LA PARTIE CIVILE ET QU'EN SE FONDANT EXCLUSIVEMENT SUR " L'EVENEMENT COMMENTE " POUR EN DEDUIRE QUE V... ETAIT BIEN L'AUTEUR DE LA MORT D'ALEXIS X..., QUE CE FAIT ETAIT PUBLIC ET QUE CET ELEMENT ETABLISSAIT LA BONNE FOI DE E... QUANT A L'HISTOIRE, L'ARRET N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ;
" ALORS, DE QUATRIEME PART, QUE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 N'ADMET AU COURS DE PERIODES ELECTORALES AUCUNE DEROGATION AUX REGLES QU'ELLE A TRACEES ;
QUE LES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES SONT REPUTEES DE DROIT FAITES AVEC L'INTENTION DE NUIRE ET QUE CETTE PRESOMPTION NE PEUT DISPARAITRE QU'EN PRESENCE DE FAITS JUSTIFICATIFS SUFFISANTS POUR FAIRE ADMETTRE LA BONNE FOI ;
QU'EN L'ESPECE LES JUGES DU FOND, QUI ETAIENT SAISIS NON SEULEMENT DE LA PHRASE CONSIDEREE COMME DIFFAMATOIRE MAIS DE L'INTEGRALITE DU TEXTE INCRIMINE DANS LEQUEL IL ETAIT IMPUTE A LA PARTIE CIVILE D'ETRE " NEE DANS LA VIOLENCE ", EN SORTE QU'AINSI QUE LE SOUTENAIT LE DEMANDEUR DANS SES CONCLUSIONS, E... S'ETAIT ATTAQUEE A LA STRUCTURE ET A LA NATURE MEMES DE LA PERSONNALITE DE DE V..., PROPOS QUI NE POUVAIENT AVOIR AUCUN LIEN AVEC LA POLEMIQUE INSTITUTIONNELLE EN COURS RELATIVE A L'ASSEMBLEE UNIQUE, NE POUVAIENT DECIDER QUE E... N'AVAIT PAS OUTREPASSE LE DROIT DE SAVOIR DES CITOYENS SOUS PRETEXTE QUE QUE V... AVAIT " CHOISI D'OCCUPER UN ROLE POLITIQUE DE PREMIER PLAN " ;
" ALORS, DE CINQUIEME PART, QUE L'ARGUMENTATION DE L'ARRET, SELON LAQUELLE E... POUVAIT UTILISER LE POINT D'HISTOIRE QU'ETAIT LA MORT DE X... DANS LA POLEMIQUE POLITIQUE, SE HEURTE AU PRINCIPE SUIVANT LEQUEL LA CRITIQUE HISTORIQUE, OU QUI SE PRETEND TELLE, NE SAURAIT ECHAPPER AUX PRINCIPES DEGAGES EN MATIERE DE DROIT DE LA PRESSE ET QU'EN CONSEQUENCE ELLE DOIT RESTER DANS LES LIMITES D'UNE CRITIQUE OBJECTIVE, PRUDENTE ET EXEMPTE DE TOUTE ANIMOSITE PERSONNELLE, CE QUI N'EST EVIDEMMENT PAS LE CAS DE L'ECRIT INCRIMINE, AINSI QUE LA COUR DE CASSATION EST EN MESURE DE S'EN ASSURER ;
" ALORS ENFIN QUE C'EST PAR UN MOTIF DENUE DE PERTINENCE QUE L'ARRET ATTAQUE A ADMIS QU'EN ECRIVANT A PROPOS DE V... ;
" LE 25 MAI 1946, IL N'A PAS HESITE A ASSASSINER D'UNE BALLE DE REVOLVER ALEXIS X... DEVANT LA CATHEDRALE DE SAINT-DENIS ", E... AVAIT DE BONNE FOI FAIT USAGE DU TERME " ASSASSINER " SOUS PRETEXTE QUE LA POLEMIQUE N'ETAIT PAS INTERVENUE ENTRE JURISTES MAIS ENTRE PERSONNES ENGAGEES DANS UN COMBAT POLITIQUE ;
QU'EN EFFET, D'UNE PART, AINSI QUE LE SOUTENAIT LE DEMANDEUR DANS SES CONCLUSIONS, LA PREVENUE POSSEDANT L'ARRET DE LA COUR D'ASSISES NE POUVAIT IGNORER QUE LA COUR ET LE JURY AVAIENT ECARTE LA VOLONTE DE DONNER LA MORT, CE QUI DANS L'ESPRIT DU PUBLIC EST CARACTERISITIQUE DE L'ASSASSINAT ;
QUE, D'AUTRE PART, IL RESULTE DES PROPRES ENONCIATIONS DE L'ARRET QUE LES DOCUMENTS - MEME PARTIAUX - VERSES AUX DEBATS PAR E... FAISAIENT SEULEMENT ETAT DU FAIT QU'UNE BALLE TIREE PAR V... AVAIT MORTELLEMENT ATTEINT X... ;
QUE LE COMBAT POLITIQUE N'EXCUSE EN RIEN L'INEXACTITUDE DES INFORMATIONS QU'ELLE PUBLIE, NE SAURAIT EXCIPER DU FAIT QU'ELLE NE CONNAIT PAS LE SENS ET LA PORTEE DE L'EXPRESSION " NE PAS HESITER A ASSASSINER " QUI CARACTERISE LA DETERMINATION DE TUER, ET QU'ENFIN, EN DIFFUSANT UNE TELLE INFORMATION, ELLE PREND LE RISQUE DE PROVOQUER CHEZ CERTAINS DE SES LECTEURS L'IDEE D'ATTENTER A LA VIE DE SON ADVERSAIRE POLITIQUE ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 35 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, LA VERITE DES FAITS DIFFAMATOIRES NE PEUT PAS ETRE PROUVEE LORSQUE L'IMPUTATION CONCERNE DES FAITS REMONTANT A PLUS DE DIX ANS OU UNE INFRACTION AMNISTIEE OU PRESCRITE OU QUI A DONNE LIEU A UNE CONDAMNATION EFFACEE PAR LA REHABILITATION OU LA REVISION ;
QUE CETTE DISPOSITION EST D'ORDRE PUBLIC ET QU'IL EST DU DEVOIR DES TRIBUNAUX D'EN ASSURER L'APPLICATION, MEME D'OFFICE ;
QU'IL S'EN DEDUIT QUE LE PREVENU NE SAURAIT, DANS UNE TELLE HYPOTHESE, FAIRE LA PREUVE DE SA BONNE FOI EN ETABLISSANT QU'IL N'A PAS MENTI ;
ATTENDU QUE LES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES SONT REPUTEES DE DROIT FAITES AVEC L'INTENTION DE NUIRE ;
QUE CETTE PRESOMPTION NE PEUT DISPARAITRE QU'EN PRESENCE DE FAITS JUSTIFICATIFS DE NATURE A FAIRE ADMETTRE LA BONNE FOI ;
QUE LA CRITIQUE QUI SE PRETEND HISTORIQUE N'ECHAPPE PAS PLUS A CETTE REGLE QUE LA CONTROVERSE POLITIQUE ;
ATTENDU QUE NI LA CROYANCE, POUR QUELQUE RAISON QUE CE SOIT, EN L'INEXACTITUDE DES FAITS ALLEGUES FUT-ELLE DEMONTREE, NI LA PRETENDUE INTENTION DE RENSEIGNER LE PUBLIC ALORS QUE L'ARTICLE INCRIMINE NE CONTIENT PAS TOUTES LES PRECISIONS QUE LE DEVOIR D'OBJECTIVITE DU JOURNALISTE COMMANDAIT D'Y INSERER, NI L'AFFIRMATION MEME ETABLIE QUE D'AUTRES PUBLICATIONS AVAIENT FAIT ETAT DES FAITS DIFFAMATOIRES, LEQUELS SE TROUVENT AINSI NOTOIREMENT CONNUS, NE SONT DE NATURE A JUSTIFIER LE BENEFICE DE LA BONNE FOI ;
ATTENDU QUE DANS LE CADRE D'UNE POLEMIQUE OPPOSANT PARTISANS ET ADVERSAIRES DE LA MISE EN PLACE DANS LE DEPARTEMENT DE LA REUNION D'UNE ASSEMBLEE UNIQUE, LE PERIODIQUE " 97-4 OUEST " A FAIT PARAITRE DANS SON NUMERO 18 DE MARS-AVRIL 1982, SOUS LE TITRE " VOICI LES ULTRA SOCIALO-COMMUNISTES-PREMIERE SERIE " LES PHOTOGRAPHIES, ACCOMPAGNEES CHACUNE D'UNE BREVE LEGENDE, DE HUIT PERSONNALITES POLITIQUES, DONT V... ;
QUE LA LEGENDE CONCERNANT CE DERNIER ETAIT AINSI REDIGEE : " ULTRA SEPARATISTE NE DANS LA VIOLENCE. AGITATEUR PROFESSIONNEL AU SERVICE DE L'IMPERIALISME SOVIETIQUE DANS LE SUD DE L'OCEAN INDIEN ET PREMIER DE GACHETTE. LE 25 MAI 1946, IL N'A PAS HESITE A ASSASSINER D'UNE BALLE DE REVOLVER ALEXIS X... DEVANT LA CATHEDRALE DE SAINT-DENIS ;
LORS D'UNE CONFERENCE-DEBAT A SAINT-ANDRE, LE 8 JUILLET 1978, IL A DECLARE " NOUS N'AVONS PAS ACTUELLEMENT LA POSSIBILITE DE CRIER A L'AUTONOMIE, A L'INDEPENDANCE, NOUS NE SERIONS PAS ENTENDUS " ;
QUE S'ESTIMANT ATTEINT DANS SON HONNEUR ET SA CONSIDERATION, V... A REGULIEREMENT CITE A COMPARAITRE DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, E..., DIRECTRICE DE LA PUBLICATION DE " 97-4 OUEST " POUR Y REPONDRE DU DELIT DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER EN VISANT LA LEGENDE PRECITEE ET PLUS SPECIALEMENT LE PASSAGE SUIVANT : " LE 25 MAI 1946, IL N'A PAS HESITE A ASSASSINER D'UNE BALLE DE REVOLVER ALEXIS X... DEVANT LA CATHEDRALE DE SAINT-DENIS ;
ATTENDU QUE STATUANT SUR LE SEUL APPEL DE LA PARTIE CIVILE DU JUGEMENT QUI AVAIT RELAXE LA PREVENUE, LA COUR, APRES AVOIR CONSTATE QUE LES PROPOS INCRIMINES CONSTITUAIENT EFFECTIVEMENT UNE DIFFAMATION PUBLIQUE, A DEBOUTE V... DE SA DEMANDE EN REPARATION, AU MOTIF QUE E... AVAIT RAPPORTE LA PREUVE DE SA BONNE FOI ;
QUE, POUR CE FAIRE ET ALORS QUE LA PARTIE CIVILE AVAIT DEPOSE DES CONCLUSIONS AUX FINS DE VOIR APPLIQUEES LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 35 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, LES FAITS DIFFAMATOIRES REMONTANT A PLUS DE 10 ANS ET ETANT AMINISTIES, LES JUGES DU FOND ONT ENONCE D'UNE PART QU'IL RESULTAIT " DE L'ENSEMBLE DES DOCUMENTS VERSES AUX DEBATS QUE V... ETAIT L'AUTEUR DE LA MORT D'ALEXIS X... " CE QUI ETABLISSAIT QUE " LES FAITS RELATES PAR E... N'ETAIENT PAS MENSONGERS " ;
D'AUTRE PART QU'EN ECRIVANT QUE LA PARTIE CIVILE AVAIT " ASSASSINE " ALEXIS X..., LA PREVENUE AVAIT EN REALITE VOULU DIRE " QU'IL AVAIT VOLONTAIREMENT DONNE LA MORT A CELUI-CI ", AFFIRMATION QU'ILS ONT CONSIDEREE COMME " LEGITIME " ;
QU'ENFIN L'ARTICLE INCRIMINE S'INSERAIT DANS UNE POLEMIQUE POLITIQUE, CE QUI RENDAIT LICITE " LA RADIOGRAPHIE DU PASSE DE CEUX QUI ONT CHOISI D'OCCUPER UN ROLE POLITIQUE DE PREMIER PLAN " ET QUE L'ARTICLE 35 DE LA LOI SUR LA PRESSE NE SAURAIT ETRE OPPOSE A CELUI QUI RAPPELLE DES FAITS HISTORIQUES NOTOIREMENT CONNUS ;
MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A MECONNU LE SENS ET LA PORTEE DES PRINCIPES CI-DESSUS RAPPELES ;
QU'IL S'EN SUIT QUE L'ARRET ATTAQUE ENCOURT LA CASSATION ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS DE LA REUNION DU 8 NOVEMBRE 1984 ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE PARIS, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.