La Société Nova-Services s'est pourvue en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Douai en date du 22 novembre 1977 ; cet arrêt a été cassé le 7 mars 1979 par la Chambre sociale de la Cour de cassation.
La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel d'Amiens qui, par arrêt du 19 janvier 1981, prononçant dans la même affaire a statué dans le même sens que la Cour d'appel de Douai par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation.
Un pourvoi ayant été formé contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens l'attaquant par le même moyen que celui ayant provoqué la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel de Douai, Mme le Premier président, constatant que ce pourvoi pose une question de principe et révèle l'existence d'une divergence entre l'arrêt de la Cour d'appel d'Amiens et la jurisprudence de la Chambre sociale de la Cour de Cassation, a, par ordonnance du 9 juillet 1985, renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière.
La demanderesse invoque devant l'assemblée plénière, le moyen unique de cassation suivant :
"Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la Société Nova-Services qui cessait, à partir du 1er janvier 1975, d'assurer le nettoyage des locaux de la Société Fives Cail Babcok, laquelle confiait désormais cette tâche à la Société Groupe Services France, avait rompu le contrat de travail de sept salariés à qui elle avait précisé que leur contrat se poursuivrait avec cette dernière société et de l'avoir condamnée à leur verser des indemnités à raison de licenciement, au motif essentiel que l'article L 122-12 du Code du travail ne concerne nullement la situation dans laquelle se trouve un employeur qui perd un marché au profit d'un concurrent et ne cesse pas pour autant ses activités, la perte d'un marché ne constituant pas une modification de la situation juridique d'un employeur et l'exécution d'un marché ne pouvant être assimilée à une entreprise, alors que l'article L 122-12 du Code du travail, violé par la cour, est destiné à garantir aux salariés la stabilité de leur emploi et doit recevoir application dans tous les cas où la même activité se poursuit sous une direction nouvelle, qu'il importait peu que, du point de vue des entreprises prestataires de services, l'activité de nettoyage des locaux en cause ait eu le caractère d'un marché perdu ou conquis, qu'il suffisait qu'elle subsiste pour que, par le seul effet de la loi, le transfert des contrats de travail en cours ait lieu" ;
Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par Me Delvolvé, avocat de la Société Nova-Services, un mémoire en défense a été produit par Me Cossa, avocat de la Société Groupe Services France (G.S.F.).
Sur quoi, LA COUR, statuant en assemblée plénière,
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que la Société Groupe Services France (G.S.F.), à qui la Société Fives Cail Babcok avait confié le nettoyage de ses locaux en remplacement de la Société Nova-Services dont le contrat avait été résilié, a refusé de poursuivre les contrats de travail des salariés de la Société Nova-Services précédemment affectés à ce chantier ; que ceux-ci ont demandé le paiement des indemnités légales à cette dernière société, qui a appelé en cause la Société G.S.F. ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir déclaré la Société Nova-Services responsable de la rupture en écartant l'application de l'article L 122-12, alinéa 2, du Code du travail, alors que les dispositions de ce texte devraient recevoir application dans tous les cas où une même activité se poursuit sous une direction nouvelle ;
Mais attendu que l'article L 122-12, alinéa 2, du Code du travail ne reçoit application qu'en cas de modification dans la situation juridique de l'employeur ; qu'une telle modification ne peut résulter de la seule perte d'un marché ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS ;
REJETTE le pourvoi.