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04/06/1985 | FRANCE | N°83-17446

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 04 juin 1985, 83-17446


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les époux X... étaient gérants de la SCI Le Séquoïa qui avait contracté des emprunts importants en vue de la réalisation d'un programme de construction ; qu'en 1972, la Caisse de Crédit Agricole des Pyrénées Atlantiques leur a consenti un prêt de 200.000 francs pour lequel des sûretés devaient être constituées par la suite ; qu'après défaillance d'un tiers qui avait promis de fournir sa caution hypothécaire, la Caisse a demandé au notaire Y... d'exiger, en place d

e cette sûreté, un nantissement sur les parts que possédaient les époux X...

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que les époux X... étaient gérants de la SCI Le Séquoïa qui avait contracté des emprunts importants en vue de la réalisation d'un programme de construction ; qu'en 1972, la Caisse de Crédit Agricole des Pyrénées Atlantiques leur a consenti un prêt de 200.000 francs pour lequel des sûretés devaient être constituées par la suite ; qu'après défaillance d'un tiers qui avait promis de fournir sa caution hypothécaire, la Caisse a demandé au notaire Y... d'exiger, en place de cette sûreté, un nantissement sur les parts que possédaient les époux X... dans la SCI Sequoïa ; que le notaire, se fondant sur les seuls statuts d'origine et les déclarations des époux X..., a, lorsqu'il a reçu l'acte de prêt le 17 octobre 1974, pris nantissement pour le Crédit Agricole sur les seules 275 parts dont ils étaient réputés propriétaires aux termes de ces statuts et non sur les 1737 parts qu'ils détenaient en réalité, après une augmentation de capital, de telle sorte que 1462 parts, sur lesquelles il aurait dû également porter, échappaient au gage du créancier ; qu'au surplus, à cette époque, et sans que le notaire eût pris la précaution de se renseigner sur la situation de la SCI auprès d'autres personnes que les emprunteurs eux-mêmes et du notaire ayant établi ses statuts à l'origine, celle-ci, - qui devait être mise en règlement judiciaire un peu plus d'un mois plus tard, - était déjà en état de cessation de paiement ;

Attendu que dans l'espoir de ne pas perdre totalement leurs créances, deux entrepreneurs envers lesquels la Société Le Sequoïa était débitrice, ainsi que quelques autres apporteurs d'argent, ont créé, après concordat, une société de gestion et ont acquis pour un prix symbolique les parts de la SCI à l'exception des 275 parts nanties du Crédit Agricole ; que cette société est parvenue à rembourser les créanciers et à rétablir sa situation ;

Attendu que le Crédit Agricole, qui n'a pu obtenir des époux X... remboursement de ce qu'ils lui devaient et dont le nantissement sur un nombre de parts limité ne lui permettait de récupérer que très partiellement sa dette, a assigné le notaire en faisant valoir que faute par lui de s'être renseigné suffisamment et d'avoir de ce fait, pris nantissement comme il en avait instruction sur la totalité des parts de M. X..., il lui avait causé un préjudice dont il lui demandait réparation ; que la Cour d'appel a condamné le notaire à rembourser au Crédit Agricole les 1462/1737 des sommes qu'il ne pourrait récupérer auprès des époux X... ;

Attendu que M. Y... fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué alors, en premier lieu, que la Cour d'appel aurait accordé la réparation d'un préjudice indirect dès lors qu'au moment du nantissement, la société était sur le point d'être mise en règlement judiciaire ; que les parts étant sans valeur, peu importait que le nantissement eût porté sur plus ou moins d'entre elles et que le redressement de la situation apparaissait à l'époque comme un élément aléatoire ; qu'il n'y avait donc aucun lien entre la faute et le préjudice allégué ; alors, en second lieu, qu'en faisant état de l'impossibilité dans laquelle s'était trouvé le crédit agricole, faute d'avoir la majorité des parts que lui aurait procurée un nantissement plus étendu, de jouer un rôle dans le redressement de la société et de réaliser une plus value, la Cour d'appel aurait ordonné la réparation d'un préjudice hypothétique, donc incertain ; alors, en troisième lieu, qu'à supposer que le Crédit Agricole ait été en mesure de bénéficier, après le concordat, de l'amélioration de la situation de la société, le préjudice subi du fait de la faute du notaire serait non d'une fraction de la totalité de la créance irrecouvrée mais de la valeur actuelle des parts ayant échappé au nantissement ;

Mais attendu que la Cour d'appel a confirmé la décision du Tribunal ; que celui-ci avait relevé qu'il résultait du rapport d'expertise qu'après le règlement judiciaire qui avait été suivi d'un concordat, et du fait de l'activité de la Société de Gestion, la Société Civile Immobilière Le Sequoïa se trouvait, - toutes dettes payées, - à la tête d'un capital immobilier déjà évalué quelques années plus tôt à 1.750.000 francs ; qu'il découlait de cette constatation - comme aussi de la constatation selon laquelle le nombre total de parts de la société était de 3000,- que la réalisation du gage, s'il avait porté sur 1737 parts, aurait couvert intégralement la créance du Crédit Agricole, ce que ne permettait pas celle des 275 parts auxquelles se limitait le nantissement par la faute du notaire ; que l'étendue du préjudice engendré par la faute est à apprécier au moment où elle produit ses effets dommageables qui n'est pas nécessairement celui où elle a été commise ; que les juges du fond ont donc, indépendamment de la motivation critiquée par les 2ème et 3ème branches du moyen, justifié leur décision ; qu'il s'ensuit que ledit moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi. Condamne le demandeur aux dépens, y compris les frais d'exécution ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 83-17446
Date de la décision : 04/06/1985
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE civile - Dommage - Etendue - Appréciation - Moment.

L'étendue du préjudice engendré par une faute doit être apprécié au moment où celle-ci produit ses effets dommageables, moment qui ne correspond pas nécessairement avec celui où elle a été commise.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, chambre 1, 12 octobre 1983


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 04 jui. 1985, pourvoi n°83-17446


Composition du Tribunal
Président : Pdt. M. Ponsard, conseiller faisant fonctions
Avocat général : P.Av.Gén. M. Sadon
Rapporteur ?: Rapp. M. Jouhaud
Avocat(s) : Av. SCP Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1985:83.17446
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