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17/01/1984 | FRANCE | N°81-16491

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 17 janvier 1984, 81-16491


Sur le premier moyen pris en ses cinq branches et sur le deuxième moyen pris en sa pemière branche :

Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 14 octobre 1981) a, à la demande de la société Tessière France (société Teisseire) et du Syndicat national des fabricants de sirops (Syndicat des fabricants), prononcé la nullité de la marque Evian, déposée par la société des Eaux minérales d'Evian (société Eaux d'Evian), en ce qu'elle protège des sirops, interdit à cette société l'emploi à l'avenir de la dénomination Sirop Evian ou du mot Evian pour désigner des s

irops, sous quelque forme que ce soit et dit que la société Eaux d'Evian s'est ...

Sur le premier moyen pris en ses cinq branches et sur le deuxième moyen pris en sa pemière branche :

Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 14 octobre 1981) a, à la demande de la société Tessière France (société Teisseire) et du Syndicat national des fabricants de sirops (Syndicat des fabricants), prononcé la nullité de la marque Evian, déposée par la société des Eaux minérales d'Evian (société Eaux d'Evian), en ce qu'elle protège des sirops, interdit à cette société l'emploi à l'avenir de la dénomination Sirop Evian ou du mot Evian pour désigner des sirops, sous quelque forme que ce soit et dit que la société Eaux d'Evian s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale en choisissant, pour désigner son sirop de fruit, l'appellation Sirop d'Evian et en effectuant une publicité illégale ;

Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que, selon le pourvoi, d'une part, l'énonciation que "la dénomination Evian ne constitue pas une indication de provenance illicite, alors que la ville d'Evian n'a pas dans le public de réputation particulière pour la fabrication de sirops ... produits autres que les eaux minérales", contredit l'affirmation que "l'appellation Evian appliquée à une boisson concentrée ou non, est pour l'acheteur d'attention moyenne indissolublement rattachée à l'eau minérale de cette provenance en raison même de la notoriété de cette dernière et que cet acheteur est ainsi conduit à penser que le sirop de fruit Evian contient de l'eau minérale d'Evian et possède en conséquence, pour une faible partie du moins, les qualités thérapeutiques de cette eau" ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, qu'ayant admis que le sirop est un produit différent de l'eau minérale, pour la fabrication duquel la ville d'Evian n'avait pas, dans le public, une réputation particulière, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans violer l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964, considérer que la dénomination Sirop Evian était déceptive pour désigner des sirops en ce qu'elle tromperait le public sur la teneur du produit en eau minérale d'Evian ; alors, de troisième part, que l'arrêt attaqué aurait dû rechercher si un sirop de fruit, produit concentré non consommable en l'état, et devant être dilué par le consommateur dans sept à dix fois son volume d'eau, pouvait être confondu avec une eau minérale ; qu'en procédant à une appréciation générale des boissons, concentrées ou non, l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale au regard de l'article 3 précité ; alors, de quatrième part, que l'arrêt attaqué ne répond pas aux conclusions de la société Eaux d'Evian faisant valoir que l'étiquetage du produit faisait apparaître la mention "ne contient pas d'eau minérale", en quoi ledit arrêt a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, alors, de cinquième part, que la Cour d'appel ne pouvait, san violer l'article 3 de la loi de 1964 précitée, annuler comme déceptiv une marque à la demande de parties en faveur desquelles elle ne constate l'existence d'aucun droit privatif sur une marque ni d'un préjudice susceptible de résulter d'une quelconque confusion ; alors, enfin, que la cassation à intervenir sur le premier moyen s'étend nécessairement au chef de l'arrêt attaqué concernant la concurrence déloyale ;

Mais attendu, sur les première et troisième branches réunies du premier moyen, que la Cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer la recherche qu'il lui est reproché d'avoir omise, a énoncé par une appréciation souveraine que, par l'appellation Evian, l'acheteur d'attention moyenne est "conduit à penser que le sirop de fruit Evian contient de l'eau minérale" ; que par ce motif, la Cour d'appel ne s'est pas limitée à une "appréciation générale" des boissons concentrées ou non et ne s'est pas contredite par l'affirmation que la ville d'Evian n'a pas de réputation particulière pour la fabrication des sirops ;

Attendu, qur la deuxième branche, que la Cour d'appel, pour statuer sur la dénomination Sirop Evian ne s'est pas fondée sur l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 qu'elle a visé et a ainsi répondu aux conclusions sur l'étiquetage ;

Attendu que, sur la cinquième branche, la société Eaux d'Evian n'ayant pas soutenu devant la Cour d'appel l'irrecevabilité de l'action en nullité pour défaut de droit privatif sur une marque ou d'existence d'un préjudice, le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

Attendu, ainsi, que le moyen, irrecevable en sa cinquième branche manque en fait pour la deuxième et n'est pas fondé pour les autres branches ; qu'en conséquence le deuxième moyen pris en sa première branche est sans objet ;

Sur le deuxième moyen pris en ses deuxième, troisième, quatrième et cinquième btanches :

Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que, selon le pourvoi, d'une part, l'arrêt attaqué ne pouvait considérer que l'appellation Sirop Evian contrevenait aux articles 1er et 2 du décret du 12 octobre 1972 sans rechercher si la mention "ne contient pas d'eau minérale" n'était pas de nature à empêcher toute confusion dans l'esprit du public ; qu'ainsi l'arrêt attaqué a privé sa décision de base légale tant au regard des textes susvisés que de l'article 1382 du Code civil ; alors encore que l'arrêt attaqué viole les mêmes textes et l'article 544 du Code civil en interdisant à un fabricant de désigner ses produits par une dénomination tirée de son nom commercial et de sa "raison" sociale ; alors, également, qu'une publicité fondée sur la garantie, la notoriété et l'image de marque du fabricant est légitime et ne contrevient pas aux dispositions de l'article 44-1 de la loi du 27 décembre 1973, violé par l'arrêt attaqué ; alors, enfin, que le préjudice étant une condition nécessaire de l'action en concurrence déloyale et constituant la limite de la réparation, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans violer l'article 1382 du Code civil énoncer que l'apposition de la mention "ne contient pas d'eau minérale" limitait dans le temps le préjudice de la société Teisseire, et interdire "pour l'avenir" à l'exposante l'utilisation de la dénomination "Sirop Evian" sous quelque forme que ce soit ;

Mais attendu, en premier lieu, que la Cour d'appel a estimé que l'appellation "Sirop Evian", en raison de la confusion créée, est en elle-même de nature à tromper le public "et ce, quels que soient le conditionnement du produit, son étiquetage et ses mentions" ;

Attendu, en deuxième lieu, que la Cour d'appel ayant considéré qu'une appellation pour désigner un produit était de nature à tromper le public, a pu interdire cet emploi même si l'appellation reprend très partiellement la dénomination sociale ou le nom commercial de la société Eaux Evian;

Attendu, en troisième lieu, que la Cour d'appel, abstraction faite de tout autre motif surabondant, analysant concrètement la publicité fondée sur la garnatie, la notoriété et l'image de marque de la société Eaux Evian n'a fait qu'user de son pouvoir souverain en retenant qu'elle était de nature à induire le consommateur en erreur sur la composition et les qualités substantielles du produit concerné ;

Attendu enfin que la Cour d'appel n'a pas énoncé que la mention sur l'absence d'eau minérale supprimait le préjudice causé par la dénomination Sirop Evian mais qu'elle a estimé que ce préjudice pouvait être modifié et, en conséquence, a précisé la mission de l'expert sur ce point ; qu'ainsi ne peut être critiquée l'interdiction pour l'avenir de la dénomination Sirop Evian ;

Attendu que le moyen n'étant fondé en aucune des branches examinées, la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :

Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt d'avoir dit sans objet en l'état la demande de nullité de la marque Sirop Evian au motif qu'il n'était pas établi qu'elle était enregistrée, alors selon le pourvoi, d'une part, qu'en interdisant à l'avenir sous quelque forme que ce soit la dénomination Sirop Evian, sans réserver le cas où le dépôt de la marque serait admis, la Cour d'appel a pris une décision équivalent à une annulation pure et simple de la marque et a tranché un litige dont elle reconnaissait ne pas pouvoir être saisie en l'état, violant ainsi l'article 4 du nouveau Code de procédure civile ; que, de même, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se contredire et sans violer l'article 455 du nouveau Code de procédure civile, décider qu'il n'y avait pas lieu de se prononcer en l'état sur la marque et prononcer cependant une interdiction définitive d'usage des attributs de cette marque ; alors d'autre part, qu'en se prononçant par une interdiction générale et absolue la Cour d'appel a empiété sur la compétence de l'Institut national de la propriété industrielle dont la décision est, aux termes des articles 8 et 12 de de la loi du 31 décembre 1964, préalable à la saisine des juridictions de l'ordre judiciaire, que ce faisant l'arrêt attaqué a violé le principe de la séparation des pouvoirs et les articles 8 et 12 de la loi du 31 décembre 1964 ainsi que l'article 92 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu que par motifs propres et adoptés la Cour d'appel, qui a retenu des fautes de concurrence déloyale et avait le devoir de mettre fin au trouble en résultant, a pris soin de dire sans objet, en l'état, la demande de nullité de la marque Sirop Evian ; qu'ainsi l'interdiction ne vise pas l'emploi pour l'avenir de la marque en cause mais concerne la dénomination Sirop Evian et la marque Evian ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 14 octobre 1981 par la Cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 81-16491
Date de la décision : 17/01/1984
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

1) MARQUES DE FABRIQUE - Protection - Marque contenant des indications de nature à tromper l'acheteur (non) - Application reprenant partiellement la dénomination sociale ou le nom commercial du fabricant - Fabricant exploitant une eau minérale.

MARQUES DE FABRIQUE - Objet - Sirop de fruits "Evian".

Ayant estimé que l'appellation d'un sirop de fruit, constituée du mot "sirop" auquel était accolé une marque d'eau minérale est en elle-même de nature à tromper le public en raison de la confusion créée, et ce, quels que soient le conditionnement du produit, son étiquetage et ses mentions, les juges du fond ont pu en interdire l'emploi même si cette appellation reprend très partiellement la dénomination sociale ou le nom commercial de la société d'exploitation d'eaux minérales qui était le fabricant du sirop.

2) MARQUES DE FABRIQUE - Protection - Marque contenant des indications de nature à tromper l'acheteur (non) - Vocable faisant croire à des qualités inexactes du produit.

MARQUES DE FABRIQUE - Protection - Marque contenant des indications de nature à tromper l'acheteur (non) - Appréciation souveraine.

Ayant analysé concrètement la publicité fondée sur la garantie, la notoriété et l'image de marque de cette société d'exploitation les juges n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain en retenant qu'elle était de nature à induire le consommateur en erreur sur la composition et les qualités substantielles du sirop qu'elle fabriquait.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, Chambre 4 A, 14 octobre 1981

A Rapprocher : Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 1982-12-06 Bulletin 1982 IV N. 397 P. 332 (Rejet) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 17 jan. 1984, pourvoi n°81-16491, Bull. civ.BULLETIN 1984 IV N. 19
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles BULLETIN 1984 IV N. 19

Composition du Tribunal
Président : Pdt. M. Baudoin
Avocat général : Av.Gén. M. Cochard
Rapporteur ?: Rapp. M. Le Tallec
Avocat(s) : Av. Demandeur : Me Célice

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1984:81.16491
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