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03/11/1983 | FRANCE | N°82-94455

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 1983, 82-94455


STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR :
- X... BERTRAND,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE ROUEN, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, EN DATE DU 7 DECEMBRE 1982, QUI, DANS DES POURSUITES EXERCEES CONTRE LUI DU CHEF D'HOMICIDE INVOLONTAIRE ET DE CONTRAVENTION AU CODE DE LA ROUTE, L'A DECLARE ENTIEREMENT RESPONSABLE DE L'ACCIDENT ET A STATUE SUR LES REPARATIONS CIVILES ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 319 DU CODE PENAL, 1382 DU CODE CIVIL ET R. 219 DU CODE DE LA ROUTE ;
EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF

ATTAQUE A DECIDE QU'UN PIETON, HEURTE ET MORTELLEMENT BLESSE P...

STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR :
- X... BERTRAND,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE ROUEN, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, EN DATE DU 7 DECEMBRE 1982, QUI, DANS DES POURSUITES EXERCEES CONTRE LUI DU CHEF D'HOMICIDE INVOLONTAIRE ET DE CONTRAVENTION AU CODE DE LA ROUTE, L'A DECLARE ENTIEREMENT RESPONSABLE DE L'ACCIDENT ET A STATUE SUR LES REPARATIONS CIVILES ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 319 DU CODE PENAL, 1382 DU CODE CIVIL ET R. 219 DU CODE DE LA ROUTE ;
EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECIDE QU'UN PIETON, HEURTE ET MORTELLEMENT BLESSE PAR UNE VOITURE SUR UN PASSAGE PROTEGE, A LA HAUTEUR DE L'AXE MEDIAN D'UNE TRES LARGE CHAUSSEE PARCOURUE PAR UNE CIRCULATION TRES DENSE, N'AVAIT, EN S'Y AVENTURANT DANS CES CONDITIONS, AUCUNEMENT COMMIS LA FAUTE QUI AVAIT CONDUIT LES PREMIERS JUGES A LUI LAISSER UNE PART DE RESPONSABILITE ;
AU MOTIF QU'ON NE SAURAIT LUI REPROCHER D'AVOIR ENTREPRIS DE TRAVERSER LA CHAUSSEE ALORS QUE CELLE-CI N'ETAIT PAS DEGAGEE DANS LES DEUX SENS ;
ALORS QUE LES PIETONS N'ETANT AUTORISES A TRAVERSER LA CHAUSSEE QU'AUTANT QU'ILS PEUVENT LE FAIRE SANS DANGER IMMEDIAT, EN TENANT COMPTE, NOTAMMENT, DE LA VISIBILITE, LA COUR D'APPEL, QUI RELEVE POURTANT QUE L'ACCIDENT S'EST PRODUIT AU CREPUSCULE, ALORS QU'IL FAISAIT PRATIQUEMENT NUIT, ET QUE L'ECLAIRAGE PUBLIC NE FONCTIONNAIT PAS, N'A PAS TIRE LES CONSEQUENCES LEGALES DE CES CONSTATATIONS ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE, LA NUIT VENANT DE TOMBER, LA VOITURE AUTOMOBILE CONDUITE PAR BERTRAND X..., QUI ROULAIT SUR LA FILE DE GAUCHE DE SON COULOIR DE CIRCULATION, A HEURTE, ET MORTELLEMENT BLESSE, JEAN Y... QUI, TRAVERSANT LE BOULEVARD EN EMPRUNTANT UN PASSAGE POUR PIETONS, ET POUSSANT SA BICYCLETTE A LA MAIN, S'ETAIT TROUVE BLOQUE AU MILIEU DE LA CHAUSSEE PAR LES VEHICULES CIRCULANT DANS L'AUTRE COULOIR ;
QUE LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL A CONDAMNE BERTRAND X... POUR HOMICIDE INVOLONTAIRE ;
ATTENDU QUE, SAISIE UNIQUEMENT DE L'ACTION CIVILE, LA COUR D'APPEL, POUR REFORMER LE JUGEMENT QUI AVAIT LAISSE A LA CHARGE DU PIETON UNE PART DE RESPONSABILITE, ET POUR DECLARER L'AUTOMOBILISTE SEUL RESPONSABLE, CONFORMEMENT AUX CONCLUSIONS DES PARTIES CIVILES, AYANTS DROIT DE LA VICTIME, ENONCE QU'ON NE SAURAIT REPROCHER A CELLE-CI, QUI AVAIT ENTREPRIS DE TRAVERSER ALORS QUE LA MOITIE DE LA CHAUSSEE, SITUEE DE SON COTE, ETAIT LIBRE, DE NE PAS AVOIR ATTENDU QUE LA VOIE FUT DEGAGEE DANS LES DEUX SENS ;
QUE LA COUR D'APPEL OBSERVE A CET EGARD QUE LA CHAUSSEE MESURE 16,40 METRES DE LARGE ET EST FREQUENTEE PAR DE NOMBREUX VEHICULES, ET QU'IL N'EST PAS ETABLI QUE LE CYCLE AIT ENCOMBRE LE COULOIR DE MARCHE DE BERTRAND X... ;
ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS, FONDEES SUR LE POUVOIR SOUVERAIN D'APPRECIATION PAR LES JUGES DU FOND DES ELEMENTS DE PREUVE SOUMIS AU DEBAT CONTRADICTOIRE, ET DESQUELLES IL RESULTE QUE LE PIETON S'ETAIT ENGAGE SUR LA CHAUSSEE EN L'ABSENCE DE TOUT DANGER IMMEDIAT, RESPECTANT AINSI LES PRESCRIPTIONS DE L'ARTICLE R. 219 DU CODE DE LA ROUTE, ET N'AVAIT COMMIS AUCUNE FAUTE AYANT CONCOURU A LA REALISATION DE L'ACCIDENT, LA COUR D'APPEL A JUSTIFIE SA DECISION ;
QUE LE MOYEN, DES LORS, DOIT ETRE REJETE ;
SUR LE
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 520 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
EN CE QUE LA COUR D'APPEL A EVOQUE SUR LA QUESTION DE LA DETERMINATION DU PREJUDICE PATRIMONIAL DES AYANTS DROIT DE LA VICTIME, QUI AVAIT ETE RESERVEE, JUSQU'A PRODUCTION DE JUSTIFICATIONS, PAR LES PREMIERS JUGES DONT ELLE AVAIT, DE CE CHEF, ANNULE LA DECISION ;
AU MOTIF QUE, SI LESDITS JUGES AVAIENT, DANS CES CONDITIONS, SURSIS A JUSTE TITRE A STATUER SUR CETTE QUESTION, ILS AVAIENT EU LE TORT DE NE PAS FIXER LA DATE POUR LE RETOUR DE L'AFFAIRE DEVANT EUX ;
ALORS QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE NE POUVAIENT, SANS SE CONTREDIRE, ANNULER UNE DECISION DE SURSIS A STATUER QU'ILS VENAIENT DE DECLARER JUSTIFIEE, AU SEUL MOTIF D'UNE OMISSION, AISEE A REPARER, QUI NE DESSAISISSAIT EN RIEN DES POURSUITES LA JURIDICTION DU PREMIER DEGRE ;
ATTENDU QUE LES PREMIERS JUGES, APRES AVOIR EVALUE LES PREJUDICES MORAUX ET PUREMENT MATERIELS SUBIS PAR LES PARTIES CIVILES, VEUVE ET ENFANTS DE LA VICTIME, AVAIENT SURSIS A STATUER SUR LES PREJUDICES ECONOMIQUES DANS L'ATTENTE DE LA PRODUCTION DES JUSTIFICATIONS NECESSAIRES, MAIS SANS ORDONNER DE MESURES D'INSTRUCTION ;
ATTENDU QU'APRES AVOIR CONSTATE QUE LE TRIBUNAL N'AVAIT PAS FIXE LA DATE A LAQUELLE LES DEBATS DEVRAIENT ETRE REPRIS ET QU'AINSI LE COURS DE LA JUSTICE AVAIT ETE INTERROMPU, LA COUR D'APPEL A FAIT L'EXACTE APPLICATION DE L'ARTICLE 520 DU CODE PENAL EN ANNULANT LE JUGEMENT ET EN EVOQUANT ;
QU'IL N'EXISTE, CONTRAIREMENT A CE QUE SOUTIENT LE MOYEN, AUCUNE CONTRADICTION ENTRE LE MOTIF PAR LEQUEL LA COUR D'APPEL AVAIT DECLARE JUSTIFIE LE SURSIS A STATUER, ET L'ANNULATION PRONONCEE, CELLE-CI REPOSANT SUR L'ABSENCE DE DELAI POUR LA REPRISE DES DEBATS ;
QUE LE MOYEN, DES LORS, DOIT ETRE REJETE ;
MAIS SUR LE
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 1382 DU CODE CIVIL, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
EN CE QUE LA COUR D'APPEL A FIXE LE PREJUDICE PROFESSIONNEL SUR LA BASE D'UN SALAIRE ANNUEL DE 84 000 F ;
AU MOTIF QUE LA VICTIME, ALORS PAYEE SUR LA BASE DU SMIC, POUVAIT ESPERER CE SALAIRE, CAR ELLE AURAIT PU REMPLACER, AU BOUT D'UN AN, UN CHEF DE SERVICE QUI PRENAIT SA RETRAITE ;
ALORS QUE LA PERTE DE LA CHANCE DE VOIR SE REALISER UN EVENEMENT FAVORABLE NE SAURAIT ETRE ESTIMEE EN TENANT POUR D'ORES ET DEJA ACQUISE CETTE REALISATION, DEMENTIE EN L'ESPECE PAR LA FORMULATION DUBITATIVE CITEE ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE SI LES JUGES DU FOND APPRECIENT SOUVERAINEMENT DANS LES LIMITES DES CONCLUSIONS DE LA PARTIE CIVILE LE PREJUDICE RESULTANT D'UNE INFRACTION, IL EN EST AUTREMENT LORSQUE CETTE APPRECIATION DECOULE DE MOTIFS CONTRADICTOIRES OU ERRONES ;
ATTENDU QUE POUR FIXER LE PREJUDICE ECONOMIQUE CAUSE A LA VEUVE ET AUX ENFANTS DE Y..., LA COUR D'APPEL, APRES AVOIR CONSTATE QUE LE SALAIRE MENSUEL DE LA VICTIME ETAIT A SON DECES D'ENVIRON 2 623 F PREND POUR BASE DE CALCUL DE LA PRIVATION DE RESSOURCES PAR EUX SUBIE LA SOMME DE 84 000 F REPRESENTANT LE SALAIRE ANNUEL D'UN CHEF DE SERVICE QUI DEVAIT PROCHAINEMENT PRENDRE SA RETRAITE ET QUE LA VICTIME AURAIT PU ESPERER REMPLACER ;
MAIS ATTENDU QUE SI LA COUR D'APPEL, QUI AVAIT D'AILLEURS A TORT PRIS EN CONSIDERATION DANS SON CALCUL L'AGE DE LA VEUVE, ET NON PAS L'AGE DE BERTRAND Y... LORS DE SA MORT, ETAIT EN DROIT, POUR EVALUER LE PREJUDICE, DE TENIR COMPTE DE CE QUE LESDITS AYANTS DROIT AVAIENT ETE PRIVES D'UNE CHANCE DE BENEFICIER DANS L'AVENIR DE L'AUGMENTATION DES RESSOURCES QU'AURAIT PU LEUR PROCURER L'ACCESSION DE LEUR AUTEUR A UN EMPLOI SUPERIEUR S'IL AVAIT VECU, ELLE NE POUVAIT CEPENDANT SANS CONTRADICTION ADMETTRE QUE CETTE ACCESSION N'ETAIT QUE PROBABLE ET FONDER NEANMOINS SON EVALUATION SUR L'INTEGRALITE DU SALAIRE REEL D'UN CHEF DE SERVICE, COMPTE DE SURCROIT DU JOUR DU DECES ;
QUE LA CASSATION EST DES LORS ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE ROUEN EN DATE DU 7 DECEMBRE 1982, MAIS SEULEMENT EN CELLES DE SES DISPOSITIONS RELATIVES A LA FIXATION DU PREJUDICE ECONOMIQUE SUBI PAR LES PARTIES CIVILES, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI DANS LES LIMITES DE LA CASSATION PRONONCEE, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'AMIENS, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 82-94455
Date de la décision : 03/11/1983
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) CIRCULATION ROUTIERE - Piéton - Traversée de la chaussée - Absence de danger immédiat - Faute (non).

CIRCULATION ROUTIERE - Piéton - Traversée de la chaussée - Faute - Danger immédiat - Nécessité.

Justifie sa décision l'arrêt qui, pour exonérer de toute responsabilité le piéton victime d'un accident de la circulation, constate que celui-ci avait entrepris de traverser la chaussée en l'absence de tout danger immédiat et qu'il n'avait ainsi nullement enfreint les prescriptions de l'article R. 219 du Code de la route (1).

2) JUGEMENTS ET ARRETS - Sursis à statuer - Conditions.

Justifie sa décision la cour d'appel qui annule un jugement et évoque, en constatant que les juges du premier degré qui n'avaient pas prescrit de mesure d'instruction, avaient sursis à statuer sur l'action civile, sans fixer la date à laquelle les débats devraient être repris, et avaient ainsi interrompu le cours de la justice (2).

3) ACTION CIVILE - Préjudice - Préjudice certain - Perte d'une chance - Modalités d'évaluation.

ACTION CIVILE - Préjudice - Evaluation - Perte d'une chance.

Si une cour d'appel est en droit de prendre en considération pour l'évaluation du préjudice économique des ayants droit de la victime d'un accident mortel la perte d'une chance de bénéficier dans l'avenir de l'augmentation des ressources que leur aurait procuré l'emploi supérieur auquel leur auteur aurait pu accéder s'il avait vécu, elle ne saurait cependant sans contradiction prendre en compte en vue de cette évaluation l'intégralité du salaire attaché à cet emploi, tenant ainsi pour acquis un fait qui, selon d'autres constatations de l'arrêt, n'était que probable (3).


Références :

(1)
(2)
(3)
Code civil 1382
Code de la route R219
Code de procédure pénale 520

Décision attaquée : Cour d'appel Rouen (Chambre correctionnelle), 07 décembre 1982

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1980-02-19 Bulletin Criminel 1980 n. 62 p. 145 (CASSATION). (1) (2) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1977-11-07 Bulletin Criminel 1977 n. 333 p. 850 (CASSATION) et l'arrêt cité. (2) (3) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1979-04-03 Bulletin Criminel 1979 n. 134 p. 380 (CASSATION) et les arrêts cités. (3)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 1983, pourvoi n°82-94455, Bull. crim. N. 275
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 275

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Bruneau CAFF
Avocat général : Av.Gén. M. de Sablet
Rapporteur ?: Rpr M. Bonneau
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Blanc, SCP Boré Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1983:82.94455
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