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12/10/1983 | FRANCE | N°82-93569

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 12 octobre 1983, 82-93569


CASSATION sur le pourvoi de :
- X... (Jean),
contre un arrêt de la Cour d'assises du Finistère, en date du 8 octobre 1982, qui l'a condamné pour homicide volontaire à dix ans de réclusion criminelle ainsi que contre l'arrêt du même jour qui s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, de l'article 253 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense,
" en ce que la Co

ur d'assises était présidée par M. Craff, conseiller à la Cour d'appel de Re...

CASSATION sur le pourvoi de :
- X... (Jean),
contre un arrêt de la Cour d'assises du Finistère, en date du 8 octobre 1982, qui l'a condamné pour homicide volontaire à dix ans de réclusion criminelle ainsi que contre l'arrêt du même jour qui s'est prononcé sur les réparations civiles.
LA COUR,
Vu le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 6 de la Convention européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales, de l'article 253 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense,
" en ce que la Cour d'assises était présidée par M. Craff, conseiller à la Cour d'appel de Rennes ;
" alors que ce magistrat ne pouvait légalement pas faire partie de la Cour comme ayant dans l'affaire soumise à la Cour d'assises participé à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l'accusé ; qu'en effet il avait, comme membre de la Chambre d'accusation, rendu l'arrêt du 30 avril 1981 qui, pour rejeter la demande de mise en liberté présentée par X..., avait pris parti sur la valeur des preuves et indices recueillis à l'encontre de l'accusé ; que la Cour d'assises ainsi composée ne se présentait pas objectivement comme un tribunal impartial " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en application de l'article 253 du Code de procédure pénale, ne peuvent faire partie de la Cour d'assises en qualité de président ou d'assesseur, les magistrats qui dans l'affaire soumise à la Cour d'assises, ont, soit fait un acte de poursuite ou d'instruction, soit participé à l'arrêt de mise en accusation ou à une décision sur le fond relative à la culpabilité de l'accusé ;
Attendu qu'il résulte des pièces soumises à la Cour de Cassation que M. Craff, président de la Cour d'assises, avait antérieurement, en tant que conseiller à la Cour d'appel, siégé à la Chambre d'accusation, laquelle avait confirmé à une ordonnance rejetant une demande de mise en liberté présentée par X... ; Qu'ainsi ce magistrat, même s'il n'a pas participé directement à un acte ayant pour objet de rechercher les preuves d'une infraction ou celles de la culpabilité du demandeur, a nécessairement procédé à un examen préalable du fond ;
D'où il suit que la composition de la Cour d'assises était irrégulière ;
Que le moyen doit donc être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles 315, 316, 346 et 347 du Code de procédure pénale,
" en ce que la Cour a rendu avant même la lecture de l'arrêt de renvoi un arrêt incident déclarant recevable la constitution de partie civile des consorts Y... ;
" alors, d'une part, que cet arrêt incident a été rendu sans que la défense ait la parole en dernier ;
" alors, d'autre part, que cet arrêt incident viole la règle de l'oralité des débats en se fondant sur l'arrêt de renvoi qui n'avait pas encore été lu à l'audience ;
" alors, enfin, que cet arrêt, qui se borne à s'appuyer sur l'arrêt de renvoi - qui n'avait pas l'autorité de chose jugée - n'est pas motivé et ne répond pas aux conclusions qui contestaient la recevabilité de l'action civile " ;
Vu lesdits articles ;
Sur la première branche du moyen :
Attendu qu'il résulte des dispositions combinées des articles 316, 346 et 352 du Code de procédure pénale, que la règle selon laquelle l'accusé ou son conseil auront toujours la parole les derniers domine tous les débats et ne s'applique pas seulement une fois l'instruction terminée ; qu'elle concerne tous les incidents intéressant la défense qui peuvent s'élever dans le cours des débats et qui se terminent par un arrêt ;
Attendu que le procès-verbal des débats constate que, saisie de conclusions de la défense contestant la constitution des parties civiles, la Cour a rendu un arrêt incident déclarant recevable ladite constitution, après un débat au cours duquel ont été entendus le Ministère public, les conseils de l'accusé et celui des parties civiles ;
Attendu que cette mention ne permet pas à la Cour de Cassation de s'assurer que l'accusé ou ses conseils ont eu la parole les derniers ; que sur ce point l'arrêt attaqué encourt encore la cassation, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres branches du moyen ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation de l'article 379 du Code de procédure pénale, ensemble violation des droits de la défense,
" en ce que le procès-verbal des débats mentionne que " M. le Président a fait représenter à l'accusé, qui a déclaré la reconnaître, l'arme du crime " (PV page 6) et encore qu'" au cours de l'audition du témoin Y... François une paire de chaussures saisie, pièce servant à conviction, a été présentée à ce témoin qui a déclaré les reconnaître comme étant celles de son frère " (PV page 8) ;
" alors qu'à défaut d'un ordre du président, le procès-verbal des débats est entaché d'une nullité radicale pour avoir mentionné de la sorte une réponse de l'accusé et une réponse d'un témoin ayant un rapport direct avec le fond du débat " ;
Vu ledit article et ensemble l'article 333 du Code de procédure pénale ;
Attendu qu'aux termes de l'article 379 du Code de procédure pénale " à moins que le président n'en ordonne autrement d'office ou sur la demande du Ministère public ou des parties, il n'est fait mention au procès-verbal, ni des réponses des accusés, ni du contenu des dépositions, sans préjudice toutefois de l'exécution de l'article 333 concernant les additions, changements ou variations dans les déclarations des témoins " ;
Attendu que le procès-verbal des débats reproduit, sans mentionner que l'ordre en a été donné par le président, la réponse de X... et la déclaration d'un témoin lors de la présentation de pièces à conviction ; que cette réponse et cette déclaration exactement reproduites dans le moyen concernent les faits, objet de l'accusation, et sont en relation avec la culpabilité de l'accusé ;
D'où il suit qu'il y a eu violation du texte visé au moyen et que l'arrêt attaqué encourt encore de ce chef la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour du Finistère en date du 8 octobre 1982 qui a condamné X... Jean à dix ans de réclusion criminelle, ensemble la déclaration de la Cour et du jury et les débats qui l'ont précédées ;
Par voie de conséquence :
CASSE ET ANNULE l'arrêt civil rendu le même jour :
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'assises du Morbihan.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 82-93569
Date de la décision : 12/10/1983
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) COUR D'ASSISES - Composition - Président - Incompatibilités - Magistrat ayant participé à un arrêt de la chambre d'accusation sur la détention provisoire d'un accusé.

Le magistrat qui a participé à un arrêt de la chambre d'accusation rendu sur la détention provisoire d'un inculpé renvoyé ultérieurement devant la cour d'assises, ne peut faire partie de cette juridiction, car il a nécessairement procédé à un examen préalable du fond (1).

2) COUR D'ASSISES - Arrêts - Arrêt incident - Accusé - Audition le dernier - Nécessité.

COUR D'ASSISES - Débats - Arrêt incident - Accusé - Audition le dernier - Nécessité - * DROITS DE LA DEFENSE - Cour d'assises - Débats - Arrêt incident - Accusé - Audition le dernier - Nécessité.

La règle selon laquelle l'accusé ou son conseil auront toujours la parole les derniers n'est pas applicable seulement une fois l'instruction à l'audience terminée, mais également lors de tout incident contentieux intéressant la défense qui est réglé par un arrêt (2).

3) COUR D'ASSISES - Débats - Procès-verbal - Présentation des pièces à conviction - Mentions - Réponse de l'accusé - Déclaration des témoins - Nullité.

Les réponses des accusés et les déclarations des témoins faites lors de la présentation des pièces à conviction ne peuvent être insérées au procès-verbal des débats sans l'ordre exprès du président (3).


Références :

(2)
Code de procédure pénale 253
Code de procédure pénale 316
Code de procédure pénale 346
Code de procédure pénale 352

Décision attaquée : Cour d'Assises Finistère, 08 octobre 1982

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1968-05-08 Bulletin Criminel 1968 n. 175 p. 422 (REJET). (1) (1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1982-03-18 Bulletin Criminel 1982 n. 79 p. 213 (CASSATION). (1) (2) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1983-02-17 Bulletin Criminel 1983 n. 62 p. 133 (CASSATION). (2) (3) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1971-12-02 Bulletin Criminel 1971 n. 335 p. 841 (CASSATION) pour accusé. (3) (3) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1975-10-02 Bulletin Criminel 1975 n. 200 p. 541 (CASSATION) pour témoin. (3)


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 12 oct. 1983, pourvoi n°82-93569, Bull. crim. N. 243
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 243

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Braunschweig
Avocat général : Av.Gén. M. de Sablet
Rapporteur ?: Rpr M. Petit
Avocat(s) : Av. Demandeur : SCP Waquet

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1983:82.93569
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