LA COUR ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme en en adoptant les motifs et des procès-verbaux, base de la poursuite, qu'ont été poursuivis pour participation à des ententes illicites Jack X... et 38 autres, à la suite d'"interventions" des agents de la Direction de la concurrence et des prix, toutes effectuées le 16 juin 1976 et comportant perquisitions et saisies de documents comptables aux sièges des entreprises dirigées par les prévenus ; qu'en ce qui concerne les autres prévenus sus-nommés, les procès-verbaux de certains d'entre eux ont été rédigés à des dates allant du 25 août 1977 au 3 mars 1978 ;
Attendu que, pour prononcer la nullité des procès-verbaux ainsi établis et celle de la procédure de poursuites subséquentes et, pour relaxer les prévenus des fins de cette poursuite, l'arrêt énonce que le temps écoulé entre la constatation des infractions et la rédaction des procès-verbaux, étant, pour tous les cas, supérieur à un an, ne pouvait être considéré comme "le plus court délai", au sens des dispositions de l'article 7 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ; que, par suite de ce retard, les personnes entendues lors de la rédaction des procès-verbaux ne pouvaient plus se souvenir avec une précision suffisante des faits sur lesquels portaient leur interrogatoire ; qu'il avait ainsi été porté atteinte à leus intérêts ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations et alors d'ailleurs que l'administration de la concurrence et des prix et le ministère public n'ont ni justifié, ni offert de justifier le retard apporté à la rédaction des procès-verbaux, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; Qu'en effet, d'une part, aux termes de l'article 5 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, les infractions visées au livre 1er de cette ordonnance sont constatées par procès-verbaux ; que, d'autre part, selon les dispositions de l'article 7 de ladite ordonnance, les procès-verbaux constatant les infractions économiques "sont rédigés dans les meilleurs délais", l'inobservation de cette prescription impérative emportant nullité du procès-verbal lorsqu'elle a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne, à moins qu'il ne soit constaté par les juges que la complexité de l'affaire justifiait le retard apporté à la rédaction du procès-verbal ; D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le second moyen de cassation, pris de la violation de l'article 59 quater de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ; Vu lesdits articles ; Ensemble les articles 50 et suivants de ladite ordonnance modifiée par les dispositions de la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 52, 5e alinéa, de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 ; résultant des dispositions de la loi n° 77-806 du 19 juillet 1977, qui reprennent sur ce point celles de l'ancien article 59 quater de ladite ordonnance, les "parties intéressées", auxquelles sont communiqués les rapports contenant "l'exposé des faits et des griefs relevés à la charge des entreprises", établis par les agents de la commission de la concurrence, sont les entreprises concernées, à l'exclusion des personnes physiques susceptibles d'être inculpées ;
Attendu que, statuant sur les poursuites contre Bertin C..., Y... Jean, Dubreuil A..., Z... Christian, B... Francis, D... René, Sale Claude et E... Pierre, lesquels ont été entendus par procès-verbaux établis sans délai, du chef de participation à des ententes illicites, l'arrêt attaqué, pour prononcer la nullité de la procédure pénale et justifier la décision de relaxe, énonce que cette nullité découle de celle de la procédure suivie devant la commission de la concurrence ; que cette commission avait, le 22 juin 1978, donné au Ministre un avis favorable aux poursuites pénales, après que le rapport établi par Weber ait été, régulièrement en la forme, communiqué aux entreprises concernées que l'arrêt énumère, alors que la communication aurait dû être faite aux personnes physiques dirigeantes des entreprises en cause ; que lesdites personnes physiques devaient être considérées comme "personnes intéressées" au sens dudit article 54 ter, dès lors qu'"ayant fait l'objet de procès-verbaux et d'auditions de la part des commissaires et des contrôleurs de la direction de la concurrence" et des prix, elles étaient identifiées et mentionnées dans les pièces transmises par le Ministre à la commission ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés ; Que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
Casse et annule l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Bourges, en date du 28 janvier 1982, mais seulement en celles de ses dispositions ayant prononcé relaxe de Bertin, Y..., Dubreuil, Z..., B..., D..., Sale et E..., toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel d'Orléans.