La société Plastiques Duval s'est pourvue en cassation contre un jugement du Tribunal d'instance de Redon, en date du 23 avril 1981. Ce jugement a été cassé le 21 juillet 1981 par la Chambre sociale de la Cour de cassation. La cause et les parties ont été renvoyées devant le Tribunal d'instance de Rennes qui, par jugement du 24 mars 1982, prononçant dans la même affaire a statué dans le même sens que le Tribunal d'instance de Redon, par des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation.
Un pourvoi ayant été formé contre le jugement du Tribunal d'instance de Rennes, l'attaquant par le même moyen que celui ayant provoqué la cassation du jugement du Tribunal d'instance de Redon, M. le Premier Président, constatant que le pourvoi pose une question de principe et révèle l'existence d'une divergence entre le jugement du Tribunal d'instance de Rennes et la jurisprudence de la Chambre Sociale de la Cour de cassation en cette matière, a, par ordonnance du 20 décembre 1982, renvoyé la cause et les parties devant l'Assemblée Plénière.
La demanderesse invoque, devant l'Assemblée Plénière, le moyen unique de cassation suivant :
"Il est fait grief au jugement d'avoir déclaré élue à l'issue du premier tour de scrutin organisé le 20 mars 1981 au sein de l'entreprise Duval la liste syndicale unique qui s'était présentée à l'élection des représentants du personnel au comité d'entreprise, aux motifs qu'il ressort du procès-verbal du dépouillement de vote du 20 mars 1981 que 123 électeurs sur 126 inscrits ont participé au scrutin ; qu'il convient en conséquence de dire que le nombre des votants étant supérieur à la moitié du nombre des électeurs inscrits, la liste syndicale unique présentée au premier tour de scrutin a été élue, alors que si, au premier tour de scrutin pour l'élection des membres du Comité d'Entreprise ou d'Etablissement, le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé, dans un délai de quinze jours, à un second tour de scrutin ; que dans l'article visé, l'expression "le nombre des votants" doit être entendue en ce sens qu'il y a lieu à un nouveau tour de scrutin si le nombre des électeurs qui se sont prononcés en faveur des candidats valablement présentés est inférieur à la moitié des électeurs inscrits ; qu'en statuant, comme il l'a fait, alors qu'il n'était pas contesté que sur les 136 électeurs inscrits, 123 avaient voté et 67 seulement s'étaient prononcés en faveur des candidats présentés et qu'il en résultait que le quorum n'était pas atteint, le tribunal d'instance a violé l'article L 433-9 du Code du travail";
Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au secrétariat-greffe de la Cour de cassation par Me Gauzès, avocat de la Société Plastiques Duval.
Sur quoi, LA COUR, statuant en Assemblée Plénière,
Sur le moyen unique :
Vu l'article L 433-9 du Code du travail, dans sa rédaction applicable en la cause, Attendu que si, au premier tour de scrutin pour l'élection des membres du comité d'entreprise, le nombre des votants est inférieur à la moitié des électeurs inscrits, il est procédé dans un délai de quinze jours à un second tour de scrutin ;
Attendu que dans le texte précité l'expression "nombre des votants" doit être entendue en ce sens qu'il y a lieu à un nouveau tour de scrutin si le nombre des électeurs qui se sont prononcés en faveur des candidats valablement présentés au premier tour est inférieur à la moitié du nombre des électeurs inscrits ;
Attendu que le jugement attaqué, rendu sur renvoi après cassation a déclaré élus au premier tour comme membres du Comité d'entreprise de la société Plastiques Duval des candidats figurant sur une seule liste présentée par une organisation syndicale au motif, que, compte tenu des bulletins blancs ou nuls, le nombre des votants dépassait la moitié de celui des électeurs inscrits ; Qu'en statuant ainsi, alors que les bulletins blancs ou nuls n'exprimaient pas de vote en faveur de ces candidats, le tribunal d'instance a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, le jugement rendu le 24 mars 1982, entre les parties, par le Tribunal d'instance de Rennes ; remet, en conséquence la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit jugement, et, pour être fait droit, les renvoie devant le Tribunal d'instance de Nantes, à ce désigné par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil ;