M. Jean Joseph Y... s'est pourvu en cassation contre un arrêt de la Cour d'appel de Lyon du 4 mai 1976 rendu au profit de M. X..., syndic. Cet arrêt a été cassé le 28 avril 1978 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation. La cause et les parties ont été renvoyées devant la Cour d'appel de Dijon, qui, par arrêt du 3 avril 1980, prononçant dans la même affaire et contre les mêmes parties, procédant en la même qualité, s'est fondée sur des motifs qui sont en opposition avec la doctrine de l'arrêt de cassation.
Un pourvoi ayant été formé contre cet arrêt, l'attaquant par le même moyen que celui qui a provoqué la cassation de la première décision, M. le Premier Président de la Cour de cassation, par ordonnance du 20 décembre 1982, a renvoyé la cause et les parties devant l'assemblée plénière.
M. Y... invoque, devant cette assemblée, le moyen unique de cassation suivant :
"Moyen de cassation tiré de ce que l'arrêt attaqué a décidé que les indemnités versées à l'exposant, déclaré en liquidation des biens en réparation du préjudice qu'il avait subi à la suite d'un accident dont il avait été victime, devaient être versées à la masse des créanciers représentée par le syndic, aux motifs que seules échappent à la règle du dessaisissement les biens que la loi déclare insaisissables ou les sommes à caractère indemnitaire, ce qui n'était pas le cas des indemnités dont s'agit, sans qu'il y ait lieu de rechercher si lesdites indemnités sont ou non en raison de leur nature exclusivement attachées à la personne du débiteur, un tel critère n'étant pas admis en l'état actuel de la législation sur la liquidation des biens, et qu'au demeurant si même une assimilation pourrait être faite entre les indemnités de caractère personnel, telles que prévues par la loi du 27 décembre 1973 et les indemnités exclusivement attachées à la personne de la victime, l'exposant ne pourrait prétendre qu'aux indemnités réparatrices du prix de la douleur, du préjudice esthétique et du préjudice d'agrément soit une somme inférieure à la provision par lui perçue ;
Alors, sur le premier point, qu'en refusant d'admettre que les indemnités attachées exclusivement à la personne du débiteur puissent échapper à la règle du dessaisissement et en s'abstenant de rechercher si les indemnités allouées à l'exposant avaient ou non ce caractère, la Cour a procédé d'une violation de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 ; et alors, sur le second point, qu'en assimilant les indemnités exclusivement attachées à la personne de la victime aux indemnités de caractère personnel telles que prévues par la loi du 27 décembre 1973, et qu'en s'abstenant de rechercher si les indemnités allouées à la victime autres que celles tendant à la réparation du préjudice esthétique, du préjudice d'agrément et du prix de la douleur, étaient ou non, en raison de leur nature, exclusivement attachées à la personne de la victime, la Cour a également méconnu les dispositions de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967" ; Ce moyen a été formulé dans un mémoire déposé au greffe de la Cour de cassation par Me de Ségogne, avocat de M. Y....
Sur quoi, la Cour, en l'audience publique de ce jour ; Donne défaut contre M. Seignol et la S.C.P.A. Jeantet-Verrière,
Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :
Attendu que l'arrêt confirmatif attaqué, rendu sur renvoi après cassation, a dit que les indemnités allouées à M. Y..., en liquidation des biens, pour réparer le préjudice résultant de l'accident corporel dont il a été victime par le fait d'un tiers, devaient être versées à la masse des créanciers ;
Attendu que M. Y... fait grief à la Cour d'appel d'avoir ainsi statué, alors que, selon le moyen, d'une part, en refusant d'admettre que les indemnités exclusivement attachées à la personne du débiteur puissent échapper à la règle du dessaisissement et en s'abstenant de rechercher si ces indemnités avaient un tel caractère, elle a violé les dispositions de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967, alors que, d'autre part, en assimilant les indemnités exclusivement attachées à la personne aux indemnités de caractère personnel telles que prévues par la loi du 27 décembre 1973 et en s'abstenant de rechercher si les indemnités autres que celles tendant à la réparation du préjudice esthétique et d'agrément et du prix de la douleur étaient ou non en raison de leur nature, exclusivement attachées à la personne de la victime, la Cour d'appel a également méconnu les dispositions de l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 ;
Mais attendu qu'après avoir relevé que l'article 15 de la loi du 13 juillet 1967 pose le principe du dessaisissement du débiteur quant à l'administration et à la disposition de ses biens "même de ceux qu'il peut acquérir à quelque titre que ce soit tant qu'il est en état de liquidation des biens" et exactement observé qu'il en résulte que le dessaisissement est général et embrasse l'intégralité du patrimoine sans considération de l'origine des biens, la Cour d'appel énonce à bon droit que la seule exception à ce principe est contenue dans l'article 2092-2 du Code civil qui précise quels sont les biens exclus du droit de gage général du créancier dont le dessaisissement édicté au profit de la masse n'est qu'une application ; qu'en statuant comme elle l'a fait la Cour d'appel a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Par ces motifs :
Rejette le pourvoi formé contre l'arrêt rendu, par la Cour d'appel de Dijon, le 3 avril 1980 ;