STATUANT SUR LE POURVOI FORME PAR :
- X... JEAN, PARTIE CIVILE,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, ONZIEME CHAMBRE, EN DATE DU 10 JANVIER 1980, QUI, DANS UNE POURSUITE EXERCEE CONTRE Y... RENE ET Z... CLAUDE DU CHEF DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER, A STATUE SUR LES INTERETS CIVILS ;
VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
ATTENDU QUE PAR EXPLOITS DU 27 AVRIL 1978, X... A FAIT ASSIGNER DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE, Y... ET Z..., AUXQUELS IL REPROCHAIT CERTAINS PROPOS TENUS PAR EUX, LE 27 JANVIER PRECEDENT, AU COURS D'UNE EMISSION DE TELEVISION " APOSTROPHES " DIFFUSEE EN DIRECT PAR LA SOCIETE " ANTENNE 2 ", QUE LA CITATION ARTICULAIT LES PROPOS INCRIMINES, LES QUALIFIAIT DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER ET VISAIT LES ARTICLES 29 ET 32 ALINEA 1ER DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, QUE LES PREVENUS AYANT ETE RELAXES PAR LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL, LA COUR D'APPEL, SAISIE DU SEUL APPEL DE LA PARTIE CIVILE, A DEBOUTE CELLE-CI DE SON ACTION ;
EN CET ETAT :
SUR LE
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 29 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ET DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A JUGE QUE Z... CLAUDE N'AVAIT PAS COMMIS LE DELIT DE DIFFAMATION EN FAISANT, AU COURS DE L'EMISSION TELEVISEE INTITULEE " APOSTROPHES ", A PROPOS D'UN LIVRE DE X..., LES DECLARATIONS SUIVANTES, " C'EST UNE ENQUETE FONDEE SUR DES RAPPORTS DE POLICE " ET A PROPOS D'UNE OPINION EXPRIMEE PAR X... : " JE DIRAIS QUE SI LA POLICE EST PESSIMISTE, C'EST PLUTOT BON SIGNE " ;
AUX MOTIFS QUE LE PREMIER DE CES PROPOS ETAIT UN SIMPLE JUGEMENT DE VALEUR SUR LA METHODE UTILISEE PAR X..., QUE LE SECOND ETAIT UNE SIMPLE BOUTADE ET QUE SI SON AUTEUR COMPARE LES OPINIONS DE X... A CELLES D'UN FIDELE COLLABORATEUR DE LA POLICE, CE QUI MET EN CAUSE SON INDEPENDANCE PROFESSIONNELLE, UNE TELLE REMARQUE NE DEPASSE PAS LA MESURE ADMISE DANS LE CADRE D'UNE POLEMIQUE ;
ALORS, D'UNE PART, QUE LA PRESENTATION D'UN JOURNALISTE COMME COLLABORATEUR DE LA POLICE PORTE ATTEINTE A SON HONNEUR ET A SA CONSIDERATION PROFESSIONNELLE ET CONSTITUE LE DELIT DE DIFFAMATION, MEME SI ELLE EST FAITE DANS LE CADRE D'UNE POLEMIQUE ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE LA PRESENTATION DU LIVRE DE CE JOURNALISTE COMME UNE ENQUETE FONDEE SUR DES RAPPORTS DE POLICE CONSTITUE UNE INSINUATION QUI PARTICIPE A CETTE DIFFAMATION, DES LORS QUE CETTE AFFIRMATION A ETE FAITE DANS LE CADRE D'UNE EMISSION AU COURS DE LAQUELLE LE JOURNALISTE A ETE TRAITE TANT PAR L'AUTEUR DE CES PROPOS QUE PAR UN TIERS DE POLICIER ET D'AGENT DU MINISTERE DE L'INTERIEUR ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE ET DU JUGEMENT DONT IL ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES QUE L'EMISSION EN CAUSE AVAIT POUR THEME : " POURQUOI ECRIVEZ-VOUS DES LIVRES POLITIQUES ? ", QUE X...A PRESENTE COMME DES ENQUETES DE JOURNALISTE DEUX OUVRAGES DONT IL ETAIT L'AUTEUR, " LES FINANCES DU PARTI COMMUNISTE FRANCAIS " ET " LA FRANCE COMMUNISTE ", QU'IL A FAIT GRIEF A Z... D'AVOIR DECLARE, D'UNE PART, " C'EST UNE ENQUETE FONDEE SUR DES RAPPORTS DE POLICE ", D'AUTRE PART, " JE DISAIS QUE SI LA POLICE EST PESSIMISTE C'EST PLUTOT BON SIGNE " ;
ATTENDU QU'EN CE QUI CONCERNE LE PREMIER PROPOS INCRIMINE, LES JUGES ONT ESTIME A JUSTE RAISON QU'IL S'AGISSAIT " D'UN SIMPLE JUGEMENT DE VALEUR SUR LA METHODE UTILISEE PAR X...", ET QUE L'IMPUTATION INCRIMINEE NE COMPORTAIT EN ELLE-MEME AUCUNE ATTEINTE A L'HONNEUR OU A LA CONSIDERATION PROFESSIONNELLE DU JOURNALISTE ;
ATTENDU QUE POUR DENIER EGALEMENT UN CARACTERE DIFFAMATOIRE AU SECOND PROPOS INCRIMINE, L'ARRET ATTAQUE RELEVE QUE CES PAROLES ONT ETE PROFEREES A LA FIN DE L'EMISSION, ALORS QUE CHAQUE PARTICIPANT DE CELLE-CI AVAIT ETE INVITE A RESUMER SON ETAT D'ESPRIT, A L'APPROCHE D'ELECTIONS IMPORTANTES, QUE L'ARRET PRECISE QUE LEDIT PROPOS FAIT SUITE A UNE DECLARATION PESSIMISTE DE X..., QUE L'ARRET ENONCE QUE L'ALLEGATION INCRIMINEE CONSTITUE UNE " BOUTADE-COMME IL PEUT S'EN ECHANGER ENTRE PARTICIPANTS D'UNE TELLE EMISSION TELEVISEE OU L'ON S'EXPRIME GENERALEMENT TRES LIBREMENT " ;
ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL A PU APPRECIER COMME ELLE L'A FAIT LE SENS ET LA PORTEE DES PAROLES INCRIMINEES SANS ENCOURIR LES GRIEFS FORMULES AU MOYEN, LEQUEL DOIT ETRE ECARTE ;
MAIS SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
, PRIS DE LA VIOLATION DE L'ARTICLE 29 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A JUGE QUE RENE Y... N'AVAIT PAS COMMIS LE DELIT DE DIFFAMATION EN TENANT LES PROPOS SUIVANTS, AU COURS DE L'EMISSION TELEVISEE INTITULEE " APOSTROPHES ", A L'ENCONTRE DE X...JEAN : " JE NE DEBATS PAS AVEC LA POLICE - JE VOUS PRENDS POUR UN POLICIER ET JE LE REDIS - JE NE REPONDS PAS A UN AGENT DU MINISTERE DE L'INTERIEUR " ;
AUX MOTIFS, ET CEUX NON CONTRAIRES DES PREMIERS JUGES, QUI SI CES PROPOS ONT UN CARACTERE DIFFAMATOIRE, ILS ONT ETE TENUS DANS LE CADRE D'UNE POLEMIQUE POLITIQUE A QUELQUES SEMAINES DES ELECTIONS LEGISLATIVES, QUE Y... RENE N'AVAIT FAIT QUE REPONDRE A DE VIGOUREUSES CRITIQUES DE L'ACTION DU PARTI COMMUNISTE PAR X... ET QUE CE DERNIER A PU LARGEMENT S'EXPLIQUER ET REPONDRE AUX ATTAQUES DONT IL ETAIT L'OBJET, QUE LE PREVENU POUVAIT DONC BENEFICIER DU FAIT JUSTIFICATIF DE LA BONNE FOI ;
ALORS QUE LE CARACTERE DIFFAMATOIRE DES PROPOS TENDANT A PRESENTER UN JOURNALISTE COMME UN POLICIER ET UN AGENT DU MINISTERE DE L'INTERIEUR ETANT CERTAIN ET RECONNU PAR LES JUGES DU FOND, AUCUNE DES CIRCONSTANCES RELEVEES PAR LA COUR N'ETAIT PAR AILLEURS DE NATURE A JUSTIFIER LEUR AUTEUR ET A FAIRE DISPARAITRE L'INFRACTION ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE LES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES IMPLIQUENT L'INTENTION COUPABLE DE LEUR AUTEUR, QUE SI LE PREVENU PEUT DEMONTRER SA BONNE FOI PAR L'EXISTENCE DE CIRCONSTANCES PARTICULIERES, C'EST A LUI SEUL QU'INCOMBE CETTE PREUVE, QUE L'EXCEPTION DE BONNE FOI NE SAURAIT ETRE LEGALEMENT ACCUEILLIE PAR LES JUGES QU'AUTANT QU'ILS ENONCENT LES FAITS SUR LESQUELS ILS SE FONDENT ET QUE CES FAITS JUSTIFIENT CETTE EXCEPTION, QUE C'EST SEULEMENT DANS LE DOMAINE DE LA POLEMIQUE POLITIQUE PORTANT SUR LES OPINIONS ET LES DOCTRINES RELATIVES AU ROLE ET AU FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS FONDAMENTALES DE L'ETAT QUE LE FAIT JUSTIFICATIF DE LA BONNE FOI, PROPRE A LA DIFFAMATION, N'EST PAS NECESSAIREMENT SUBORDONNE A LA PRUDENCE DANS L'EXPRESSION DE LA PENSEE ;
ATTENDU QUE Y... ETAIT POURSUIVI A RAISON DES PROPOS SUIVANTS RELEVES PAR LA CITATION : " JE NE DEBATS PAS AVEC LA POLICE - OUI JE VOUS PRENDS POUR UN POLICIER ET JE LE REDIS - IL EST FOU, IL EST FOU, JE VOUS L'AVAIS DIT QUE VOUS AVIEZ INVITE UN CINGLE - JE NE REPONDS PAS A UN AGENT DU MINISTERE DE L'INTERIEUR " ;
ATTENDU QUE LES JUGES ONT A BON DROIT RETENU LE CARACTERE DIFFAMATOIRE ENVERS LA PARTIE CIVILE DE L'IMPUTATION D'ETRE UN JOURNALISTE DEPOURVU D'INDEPENDANCE PROFESSIONNELLE, PLACE AU SERVICE DE LA POLICE, PRENANT SES ORDRES AU MINISTERE DE L'INTERIEUR, QUE C'EST EGALEMENT A JUSTE TITRE QUE LES JUGES ONT DETACHE DE CETTE IMPUTATION LES EPITHETES INJURIEUSES RELEVES PAR LA CITATION ET ONT ESTIME QUE CES INJURES NE SE TROUVAIENT PAS ABSORBEES PAR LA DIFFAMATION ;
ATTENDU QUE POUR ACCUEILLIR L'EXCEPTION DE BONNE FOI INVOQUEE PAR LE PREVENU, LES JUGES ENONCENT QUE LES TERMES UTILISES PAR Y... NE DEPASSAIENT PAS LES LIMITES ADMISSIBLES EN MATIERE DE POLEMIQUE POLITIQUE, QU'ILS EN DEDUISENT QUE LE PREVENU POUVAIT BENEFICIER DU FAIT JUSTIFICATIF DE LA BONNE FOI, CELUI-CI N'ETANT PAS NECESSAIREMENT SUBORDONNE A LA PRUDENCE DANS L'EXPRESSION DE LA PENSEE ;
MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, ALORS QUE LA POLEMIQUE EN CAUSE AVAIT TRAIT A UN PARTI POLITIQUE, ET ALORS QU'UN TEL GROUPEMENT, MEME S'IL PEUT BENEFICIER DES PREROGATIVES QUI LUI SONT RECONNUES PAR L'ARTICLE 4 DE LA CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958, NE DETIENT AUCUNE PARCELLE DE PUISSANCE PUBLIQUE, ET NE SAURAIT DES LORS ETRE REGARDE COMME UNE INSTITUTION FONDAMENTALE DE L'ETAT, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ;
QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 10 JANVIER 1980, MAIS SEULEMENT EN CELLES DE SES DISPOSITIONS CONCERNANT Y... RENE, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES ;
ET POUR QU'IL SOIT A NOUVEAU STATUE CONFORMEMENT A LA LOI DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'AMIENS, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.