Sur le moyen unique :
Vu l'article L. 468 du Code de la Sécurité Sociale,
Attendu que la faute inexcusable prévue par ce texte est une faute d'une exceptionnelle gravité, dérivant d'un acte ou d'une omission volontaire, de la conscience que devait avoir son auteur du danger qui pouvait en résulter et de l'absence de toute cause justificative ;
Attendu que le 1er avril 1971, un train, circulant dans l'enceinte de l'usine de la Société Usinor à Denain, a accroché la voiture de Boitiaux, ouvrier de cette société, qui, s'étant engagé pour quitter l'usine sur un étroit passage situé entre un atelier et la voie ferrée, s'était arrêté près de cette dernière à la vue du convoi ; Que cette voiture, entraînée contre le mur de l'atelier, heurta et blessa mortellement Drecq, ouvrier mouleur également au service de cette entreprise, lequel gagnait à pied, par le même chemin, la sortie de l'usine ;
Attendu que pour dire que cet accident du travail était dû à la faute inexcusable de l'employeur, l'arrêt attaqué a essentiellement retenu que si la Société Usinor avait interdit la circulation des trains aux heures d'entrée ou de sortie des ouvriers, elle n'avait cependant pris aucune des mesures qui eussent été en pratique indispensables pour faire observer ces prescriptions ; qu'à cette faute grave s'ajoutait celle que constituait, nonobstant les consignes générales de prudence, l'autorisation donnée aux voitures de circuler dans le passage dangereux où avait eu lieu l'accident ; qu'ayant noté que, sans cette méconnaissance par la Société Usinor des règles élémentaires de sécurité, l'imprudence commise par Boitiaux en suivant sans précaution cet itinéraire et en arrêtant sa voiture trop près de la voie ferrée n'aurait eu aucune conséquence, la Cour d'appel a estimé que les fautes ainsi commises par la Société Usinor avaient été la cause déterminante de l'accident ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les faits ainsi constatés n'étaient pas constitutifs d'une faute inexcusable de la Société Usinor, compte tenu de leur absence de gravité exceptionnelle ainsi que des agissements relevés à l'encontre de Boitiaux sans lesquels l'accident n'aurait pu avoir lieu, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
Casse et annule l'arrêt rendu le 6 mars 1978, entre les parties, par la Cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles.