Vu le mémoire produit ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la violation des articles 29 alinéa 1er et 31 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 1382 du Code civil, L. 121-19 du Code des communes, et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris, déclarant M... coupable du délit de diffamation publique, le condamnant à la peine de 1 500 francs d'amende et à verser 1 franc de dommages-intérêts, avec une publication dans trois journaux ;
au motif que, si les époux S..., habitants de la commune, s'étaient vu exiger une autorisation pour consulter le registre des délibérations et celui des arrêtés, il apparaissait que le maire n'avait pas interdit ces communications et que la bonne foi de M... ne pouvait être reconnue vu qu'il n'avait pas contrôlé son accusation grave, dont n'apparaissait pas la vraisemblance ; alors que, d'une part, l'article L. 121-19 ne subordonne à aucun préalable le droit de communication des habitants de la commune, de telle sorte que l'exigence illégale opposée aux époux S... suffisait à rendre vraisemblable l'accusation portée par le demandeur contre le nouveau maire et à faire ressortir sa bonne foi lorsqu'il dénonçait l'entrave apportée à l'exercice d'un droit reconnu par la loi ;
alors que, d'autre part, dans le domaine de la polémique politique, la bonne foi n'est pas nécessairement subordonnée à la prudence dans l'expression de la pensée ; que l'arrêt attaqué a perdu de vue que le tract incriminé, diffusé au cours d'une campagne électorale, mettait en garde les électeurs contre un changement de société, par référence aux pays de l'Est, et que la généralisation, fût-elle imprudente, d'une illégalité réelle commise par le nouveau maire n'excluait pas la bonne foi de M... ; "
Attendu que, par exploit du 29 mai 1978, X..., maire de Montigny Les Cormeilles, a fait assigner devant la juridiction correctionnelle M..., ancien maire de cette commune, sous la prévention de diffamation publique envers un citoyen chargé d'un mandat public, à raison de la diffusion, par celui-ci, le 2 avril 1978, d'un tract intitulé " La Facture ", dont il était l'auteur, et qui comportait notamment à l'adresse du plaignant, le passage suivant : " Alors pourquoi empêche-t-il, par tous les moyens, les habitants de prendre connaissance du registre des délibérations ? Comme dans les pays de l'Est, tenterait-il de masquer par de nobles déclarations les turpitudes de la réalité ? Ne soyons pas dupes ! " ;
Attendu que les juges ont, à bon droit, reconnu le caractère diffamatoire envers la partie civile de l'imputation qui lui était ainsi faite, par le prévenu, de violations systématiques des prescriptions de l'article L. 121-19 du Code des communes ;
Qu'ils ont constaté que le prévenu, qui n'avait fait aucune offre de preuve, dans les conditions et aux fins précisées par l'article 55 de la loi du 29 juillet 1881, a versé aux débats une attestation, datée du 11 juin 1978, et établie dans les formes légales, par laquelle deux administrés de la commune certifiaient qu'avant les élections législatives, ils n'avaient pu consulter le registre des arrêtés et délibérations de la mairie, un préposé de celle-ci leur ayant objecté qu'ils devaient indiquer l'objet de la consultation et " déposer une demande d'autorisation au secrétariat " ;
Attendu que pour écarter l'exception de bonne foi que le prévenu prétendait fonder sur cette attestation, les juges énoncent qu'il lui appartenait de contrôler l'exactitude des faits, et qu'il ne disposait pas, au moment où il a diffusé le tract incriminé, des éléments lui permettant de croire à la vraisemblance des imputations diffamatoires, l'exigence d'une demande d'autorisation n'équivalant pas à un refus de communication ;
Attendu que si, à la vérité, ces motifs sont en partie inopérants, la loi ne laissant aucun pouvoir d'appréciation à l'autorité municipale, en ce qui concerne la reconnaissance et l'exercice normal du droit de communication prévu par l'article L. 121-19 du Code des communes, la Cour de cassation est, néanmoins, en mesure de s'assurer que la décision est justifiée ; qu'en effet, les imputations diffamatoires impliquent l'intention coupable de leur auteur ; que si le prévenu peut démontrer sa bonne foi, par l'existence de circonstances particulières, c'est à lui seul qu'incombe cette preuve ; qu'il se déduit des énonciations de l'arrêt que celle-ci n'a pas été apportée, en l'espèce ; qu'au contraire, l'imputation à partir d'un fait unique, même établi, d'une pratique administrative illégale, procédait d'une amplification et d'une généralisation hâtives, et révélaient non seulement l'insuffisance des vérifications préalables, mais aussi le manque d'objectivité et de sincérité de son auteur ; que, d'autre part, c'est seulement dans le domaine de la polémique politique portant sur les opinions et les doctrines relatives au rôle et au fonctionnement des institutions fondamentales et de l'Etat que le fait justificatif de la bonne foi, propre à la diffamation, n'est pas nécessairement subordonné à la prudence dans l'expression de la pensée ; que tel n'est pas le cas en l'espèce ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE LE POURVOI.