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07/07/1980 | FRANCE | N°78-92608

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 juillet 1980, 78-92608


Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
SUR LE MOYEN UNIQUE PROPOSE PAR LE PROCUREUR GENERAL et rédigé comme suit : " Par son adhésion au Traité de Rome, la France, comme tous les membres de la C. E. E., a délégué sa compétence, en certains domaines, aux autorités communautaires ; les décisions de ces dernières sont considérées comme des dispositions de droit interne : c'est le cas des décisions du Conseil de la C. E. E. des 24 février, 28 juin et 30 septembre 1977 ;
Il résulte de la combinaison des articl

es 3, 4, 5 et 10 de la Convention de Londres du 9 mars 1964 et du paragraph...

Vu la connexité, joignant les pourvois ;
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
SUR LE MOYEN UNIQUE PROPOSE PAR LE PROCUREUR GENERAL et rédigé comme suit : " Par son adhésion au Traité de Rome, la France, comme tous les membres de la C. E. E., a délégué sa compétence, en certains domaines, aux autorités communautaires ; les décisions de ces dernières sont considérées comme des dispositions de droit interne : c'est le cas des décisions du Conseil de la C. E. E. des 24 février, 28 juin et 30 septembre 1977 ;
Il résulte de la combinaison des articles 3, 4, 5 et 10 de la Convention de Londres du 9 mars 1964 et du paragraphe V de l'échange de lettres franco-espagnol du 20 mars 1967, que la France a le droit de réglementer la pêche à l'égard des navires espagnols dans la zone des 6 à 12 milles. Une telle réglementation avait été précisée par le décret du 23 février 1968, qui ne fixait aucune limite aux prises. Les règlements communautaires constituent une nouvelle réglementation, qui restreint le droit des espagnols par la fixation de quotas et la délivrance de licences sans le supprimer. Elle a abrogé implicitement le décret du 23 février 1968 contrairement à ce qu'a estimé la Cour.
La non-discrimination entre les pêcheurs espagnols et ceux de la Communauté exigée par l'article 5 de la Convention de Londres contestée par l'arrêt attaqué, est cependant établie puisque les quotas sont applicables à tous. Le contrôle des navires de la Communauté est fait lors du débarquement dans les ports et le système des licences n'est qu'un contrôle a priori, seul possible. Enfin, la réglementation a été portée à la connaissance de l'Espagne, conformément à l'article 5, paragraphe 2 de la Convention de Londres, par note verbale à la Mission d'Espagne auprès de la C. E. E.
L'arrêt précité viole donc et fait une fausse application du règlement du Conseil de la Communauté Economique Européenne du 30 septembre 1977, des articles 3, 4, 5 et 10 de la Convention de Londres du 9 mars 1964, du décret du 26 mai 1966, du paragraphe V de l'échange de lettres franco-espagnol du 20 mars 1967, du décret du 23 janvier 1967, du décret du 23 février 1968, des articles 2, 3 et 4 du décret du 7 juin 1977, de la loi du 16 juillet 1976 et 2 de la loi du 1er mars 1888 ".
ET SUR LE MOYEN UNIQUE PROPOSE PAR LE SYNDICAT DES MARINS DE Saint-Jean-de-Luz et pris de la violation des articles 2 de la loi du 1er mars 1888, 55 de la Constitution de 1958, 189 paragraphe 2 du Traité de Rome, 3, 4, 5 et 10 de la Convention de Londres du 9 mars 1964, du décret du 26 mai 1966, du paragraphe V de l'échange de lettres franco-espagnol du 20 mars 1967, des articles 2, 3 et 4 du décret du 7 juin 1967, du décret du 23 septembre 1967, du décret du 23 février 1968, du règlement CEE n° 1260 / 22 du 30 septembre 1977, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu des fins de la poursuite et débouté le syndicat demandeur de sa constitution de partie civile, aux motifs que de l'étude des divers textes, réglementant ou interdisant la pêche en face des côtes françaises, il apparaît que le décret du 22 septembre 1967 portant publication des échanges de notes constituant accord général sur la pêche entre la France et l'Espagne, ainsi que le décret du 23 février 1968, n'ont été ni dénoncés, ni abrogés, que d'ailleurs la Commission des Communautés Européennes, par note verbale du 14 juillet 1977, a fait savoir au " Ministerio de Asuntos Exteriores " qu'à l'intérieur des zones côtières de 12 milles l'exercice des activités de pêche n'est pas permis aux bateaux espagnols, exception faite de la zone visée à l'accord général sur la pêche entre la France et l'Espagne du 20 mars 1967, qu'il est donc certain que, dans cette zone, la règle communautaire dans ce qu'elle a de contraire à l'accord franco-espagnol est inopposable aux pêcheurs espagnols, dont le pays bénéficie d'un accord plus ancien et n'a pas encore accepté le règlement communautaire, que ce règlement, s'il n'interdit pas totalement la pêche dans cette zone aux navires espagnols la restreint très rigoureusement par l'octroi de licences et par des mesures de contingentement et d'exclusion, qu'ainsi il viole la convention franco-espagnole du 20 mars 1967 et le décret du 23 février 1968 non abrogés, qu'au surplus les navires de pêche des pays faisant partie de la communauté n'étant pas astreints à l'obligation de posséder des licences, il en résulte une discrimination entre eux et les navires espagnols contraire à la convention de Londres,
alors d'une part que la note verbale de la Commission des Communautés Européennes est sans autorité par elle-même et ne fait pas obstacle à l'application du règlement du 30 septembre 1977 astreignant expressément des navires espagnols à certaines obligations, qu'il ne peut donc que signifier qu'il n'est pas interdit auxdits navires de se livrer à des activités de pêche dans la zone des 12 milles, mais évidemment en respectant le règlement communautaire, alors d'autre part que, le problème posé à la Cour était non de déterminer si le règlement communautaire avait violé les textes antérieurs, problème de droit international public se posant exclusivement entre Etats, mais si, en droit interne, il y a eu ou non abrogation tacite de certains traités par un texte communautaire plus récent, ayant même force obligatoire tant en vertu de l'article 55 de la Constitution de 1958 que de l'article 189 paragraphe 2 du traité de Rome, que l'abrogation tacite résulte de ce que les dispositions nouvelles sont inconciliables avec les anciennes et incompatibles avec leur maintien, alors qu'en l'espèce les dispositions nouvelles dans la mesure où elles réglementent le droit de pêche des Espagnols sans l'abolir peuvent s'appliquer cumulativement avec les traités plus anciens, qu'en tout état de cause dans la mesure où il y aurait incompatibilité entre les dispositions nouvelles et les anciennes, il en résulterait l'abrogation tacite de ces dernières en droit interne " ;
Les deux moyens étant réunis ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que le 3 novembre 1977, X... José, de nationalité espagnole, capitaine d'un navire de pêche immatriculé en Espagne, a été surpris en action de pêche au large de Bayonne dans la portion des eaux territoriales françaises s'étendant entre 6 et 12 milles nautiques au-delà des côtes ; que l'intéressé qui n'a pu produire la licence exigée par le règlement du Conseil des communautés européennes en date du 30 septembre 1977, a été poursuivi sous la prévention d'avoir pêché en zone réservée, sans licence, délit prévu et réprimé par les articles 2 de la loi du 1er mars 1888 modifiée par la loi n° 76-655 du 16 juillet 1976, des articles 2, 3 et 4 du décret du 7 juin 1967 ; qu'il a, par ailleurs, accepté d'être jugé simultanément pour la contravention visée par l'article 7-2° du décret du 9 janvier 1852 ;
Attendu que pour relaxer le prévenu et débouter en conséquence la partie civile, la Cour d'appel, confirmant le jugement à elle déféré dont elle adopte les motifs, relève que la Convention de Londres en date du 9 mars 1964, publiée par la décret du 26 mai 1966, prévoit que dans la zone des 6 à 12 milles marins, le droit de pêche ne sera exercé que par l'Etat riverain et par les autres parties dont les navires ont habituellement pratiqué la pêche dans cette zone entre le 1er janvier 1953 et le 31 décembre 1962, ce qui est le cas de l'Espagne ; qu'un échange de notes entre la France et l'Espagne en date du 20 mars 1967 publié par décret du 23 juillet 1967, et dont les termes ont été repris par un décret du 23 février 1968, prévoit que dans ladite zone, les ressortissants espagnols jouissent à titre permanent du droit de pêcher toutes les espèces sur la côte atlantique depuis l'embouchure de la Bidassoa jusqu'au parallèle de la pointe Nord de Belle-Ile ;
Qu'à la suite de la création, par un décret du 11 février 1977, pris en application de la loi du 16 juillet 1976, d'une zone économique s'étendant depuis la limite des eaux territoriales jusqu'à 188 milles au-delà de cette limite, des règlements du Conseil des communautés européennes 353-77 du 24 février 1977, 1416 / 77 du 28 juin 1977 et 2160 / 77 du 30 septembre 1977 ont adopté certaines mesures intérimaires de conservation et de gestion des ressources de pêche applicables aux navires battant pavillon de l'Espagne, en attendant le résultat de négociations avec ce pays ; Que les juges du fond, après avoir déclaré que l'accord général de pêche franco-espagnol et le décret du 23 février 1968 n'avaient été ni dénoncés ni abrogés, en ont déduit que les règlements communautaires dans ce qu'ils avaient de contraire audit accord étaient inopposables aux pêcheurs espagnols ;
Que pour rejeter les conclusions des appelants selon lesquelles le règlement communautaire dont la violation était reprochée au prévenu ne méconnaissait pas l'accord franco-espagnol, dès lors qu'il n'interdisait pas la pêche aux navires espagnols mais se bornait à en réglementer l'exercice comme le permettait la Convention de Londres, la Cour d'appel a retenu que ledit règlement, qui n'avait pas été communiqué à l'Espagne avant son établissement, restreignait très rigoureusement le droit de pêche pour les navires espagnols et créait une discrimination au détriment de ceux-ci dès lors que les navires des pays de la communauté n'étaient pas eux-mêmes astreints à la possession d'une licence ;
Attendu que si les règlements communautaires des 24 février, 28 juin et 30 septembre 1977, qui se trouvent intégrés à l'ordre juridique des Etats membres ont eu pour effet, comme le soutient le procureur général près la Cour d'appel de Pau, d'abroger implicitement les dispositions du décret du 23 février 1968 qui réglementait en droit interne les modalités d'exercice de la pêche par les navires espagnols, une contestation sérieuse s'élève sur la validité et, dans l'affirmative, sur l'opposabilité aux ressortissants espagnols des règlements communautaires au regard des engagements internationaux antérieurs précités ;
Attendu qu'aux termes de l'article 177 du Traité de Rome, la Cour de justice des communautés européennes est compétente pour statuer, à titre préjudiciel, sur la validité des actes pris par les institutions de la communauté ; que lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour de justice ;
PAR CES MOTIFS ; SURSEOIT A STATUER jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée, à titre préjudiciel, sur la validité, au regard des engagements internationaux antérieurs, et, dans l'affirmative, sur l'opposabilité aux ressortissants espagnols des règlements 353 / 77 du 24 février 1977, 746 / 77 du 5 avril 1977, 1416 / 77 du 28 juin 1977, 1709 / 77 du 26 juillet 1977 et 2160 / 77 du 30 septembre 1977, en ce que ces règlements ont fixé de nouvelles modalités d'exercice de la pêche par les navires espagnols dans la zone de pêche réservée de 6 à 12 milles nautiques ;
RENVOIE à la Cour de Justice des communautés européennes siégeant à Luxembourg.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 78-92608
Date de la décision : 07/07/1980
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer renvoi devant la cour de justice des communautés européennes
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) PECHE MARITIME - Etranger à la communauté économique européenne - Etranger pêchant sans licence dans les eaux territoriales françaises - Règlement du Conseil des communautés européennes - Validité des règlements communautaires au regard d'engagements internationaux antérieurs - Question préjudicielle devant être renvoyée à la Cour de Justice des communautés européennes.

Voir le sommaire suivant.

2) CONVENTIONS DIPLOMATIQUES - Traités ou conventions particuliers - Traité de Rome - Cour de Justice des communautés européennes - Compétence - Validité des actes pris par les institutions des communautés - Règlement du Conseil des communautés.

Dès lors qu'à l'occasion d'une poursuite exercée contre un marin espagnol pour avoir pêché dans les eaux territoriales sans être titulaire de la licence exigée par un règlement du conseil des communautés européennes se trouve débattu le problème de la validité de ce règlement au regard d'engagements internationaux antérieurs ainsi que celui de l'opposabilité de ce règlement aux ressortissants espagnols, il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur cette question préjudicielle (1).


Références :

Constitution du 04 octobre 1958 ART. 55
Décret du 09 janvier 1852 ART. 7 2°
Décret du 26 mai 1966
Décret du 07 juin 1967 ART. 2, ART. 3, ART. 4
Décret du 23 juillet 1967
Décret du 23 février 1968
LOI du 01 mars 1888
LOI 76-655 du 16 juillet 1976

Décision attaquée : Cour d'appel Pau, 27 juin 1978

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1980-07-07 Bulletin Criminel 1980 N. 216 (SURSIS A STATUER).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 jui. 1980, pourvoi n°78-92608, Bull. crim. N. 217
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 217

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Mongin
Avocat général : Av.Gén. M. Clerget
Rapporteur ?: Rpr M. Bruneau
Avocat(s) : Av. Demandeur : MM. Calon, de Grandmaison

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1980:78.92608
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