La Cour, Vu l'ordonnance du Président de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, en date du 9 février 1979, prescrivant l'admission des pourvois et la transmission de la procédure à ladite chambre, compétente pour statuer ; Vu la connexité, joignant les pourvois ; Vu les mémoires produits en demande ;
Sur le moyen unique de cassation, proposé par Me Waquet pour X... Arlette, Y... Henri, Z... André, et pris de la violation des articles 156, 158, 159, 161, 166, 172, 173 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale, ensemble violation des droits de la défense,
en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a refusé de prononcer la nullité de l'expertise en date du 10 février 1977 ;
alors que la règle d'ordre public selon laquelle les experts commis doivent être au moins au nombre de deux lorsque la question soumise à l'expertise porte sur le fond de l'affaire, a pour corollaire nécessaire que toutes les opérations d'expertise doivent être accomplies ensemble par les deux experts ; qu'en l'espèce la mission confiée aux experts par le juge d'instruction comportait notamment d'accompagner les services du SRPJ de Marseille à Ajaccio pour y procéder sur le véhicule Land Rover à tout prélèvement utile ; que dès lors qu'il est constant, et constaté par l'arrêt attaqué, que cette opération de prélèvement, essentielle au regard des droits de la défense, n'a été accomplie que par un seul des deux experts, la nullité du rapport d'expertise ne peut faire de doute et devait être constatée par les juges du fond ;
Sur le moyen unique de cassation proposé par la société civile professionnelle Lyon-Caen, Fabiani et Liard, pour A... Jean-Baptiste, et pris de la violation des articles 158, 166, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a infirmé la décision des premiers juges prononçant la nullité de l'expertise en date du 10 février 1977 ;
" aux motifs que les prélèvements qui pour la suite doivent faire l'objet d'une expertise sont distincts des opérations d'expertise, qu'il résulte des textes régissant l'expertise que des opérations de prélèvement effectuées aux fins de service par les officiers de police judiciaire d'abord et d'examen technique ensuite aux fins d'en déterminer la nature chimique exacte, comme dans le cas présent, ne constituent pas une expertise au sens légal du terme ;
" alors que la Cour en affirmant sans le moindre motif que les opérations de prélèvement d'échantillons confiées par le juge d'instruction aux deux experts les sieurs B... et C... ne constituaient pas des opérations d'expertise et par conséquent ne devaient pas nécessairement être effectuées par les deux experts conjointement, opère ainsi une distinction entre la deuxième étape d'une expertise qui ne repose sur aucun fondement légal et par ailleurs méconnaît les dispositions de l'article 166 du Code de procédure pénale selon lesquelles les experts doivent accomplir personnellement les opérations qui leur ont été confiées ; "
Les moyens étant réunis ; Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 159 du Code de procédure pénale, lorsque la question soumise à l'expertise porte sur le fond de l'affaire, les experts commis sont au moins au nombre de deux, sauf si des circonstances exceptionnelles justifient la désignation d'un expert unique ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué qu'au cours de l'information suivie contre X... Arlette, Y... Henri, Z... André et A... Jean-Baptiste, des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants, le juge d'instruction a commis deux experts chimistes pour procéder à deux opérations : accompagner d'une part le service régional de police judiciaire de Marseille à Ajaccio pour opérer sur un véhicule tous prélèvements utiles ; procéder d'autre part à toutes analyses susceptibles de relever la présence de substances qualifiées stupéfiants ou de tout dérivé ;
Attendu que selon l'arrêt, les demandeurs ont soulevé avant toute défense au fond, la nullité de l'expertise, au motif qu'un seul des deux experts a opéré les prélèvements ;
Attendu que pour rejeter cette exception, la Cour d'appel se borne à énoncer que les prélèvements sont des opérations distinctes de celles d'expertise et ne constituent pas une expertise au sens légal du terme, alors qu'elle relève qu'en l'espèce, l'expert a effectué à Ajaccio de très nombreux prélèvements dans différents recoins du véhicule saisi et dans tous endroits susceptibles de recéler des poussières ; qu'il a séparé chaque prélèvement en deux parties et soumis immédiatement l'une d'elles à des réactions chimiques colorées, l'autre partie étant conservée dans des récipients étiquetés aux fins d'analyse ;
Attendu qu'en statuant ainsi alors que les opérations de prélèvements, qui constituaient une des deux missions de l'expertise portant sur le fond de l'affaire, revêtaient un caractère technique certain, n'étaient pas assimilables à des saisies d'objets quelconques et n'étaient pas dissociables en l'espèce des opérations d'analyse elles-mêmes, la Cour d'appel a méconnu le texte ci-dessus rappelé ;
Par ces motifs ;
Casse et annule l'arrêt avant dire droit de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 16 novembre 1978, et pour être statué à nouveau, conformément à la loi :
Renvoie la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nîmes.