La Cour, Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné la demanderesse au pourvoi, propriétaire d'un débit de boissons à Doulcon (Meuse) dénommé " Café de la Marine ", à diverses amendes tant pénales que fiscales pour avoir ouvert dans le même immeuble un bowling et une discothèque, ainsi qu'à la fermeture de ces deux salles ;
" au motif que chacun des locaux était distinct et avait des entrées principales différentes donnant sur la voie publique, avec des enseignes spéciales pour le bowling et la discothèque, que chaque local disposait d'un bar et des aménagements propres ;
" alors que, ainsi que le précisait la demanderesse au pourvoi dans ses conclusions laissées sans réponse, non seulement les locaux litigieux se situent dans le même immeuble, la gestion et la comptabilité sont uniques, mais encore il existe une communication intérieure entre les différentes salles en sorte qu'il n'y a, en l'espèce, qu'une exploitation commerciale ne nécessitant qu'une seule licence " ;
Attendu qu'il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que X...Marguerite épouse Y... exploite depuis 1972 un débit de boissons à consommer sur place de la 4e catégorie ; que respectivement en 1974 puis en 1975, elle a créé et exploité sous le couvert de la licence initiale dans l'immeuble primitif un " bowling " puis une discothèque où étaient débitées des boissons alcooliques, enfreignant ainsi les dispositions des articles L. 29 et L. 30 du Code des débits de boissons, et ce, sans avoir fait en mairie la déclaration prévue par l'article L. 31 du Code précité ;
Attendu que pour déclarer que la prévenue s'était rendue coupable d'infraction au Code des débits de boissons, la Cour d'appel relève que chacun des trois locaux est distinct et possède des entrées principales différentes donnant sur la voie publique avec des enseignes spéciales pour le " bowling " et la discothèque ; que chaque local dispose d'un bar et d'installations sanitaires distinctes ; qu'on ne pouvait se rendre du café à la discothèque sans passer par des locaux privés ; qu'il n'était pas possible d'accéder après 21 heures du café fermé à ladite heure, au " bowling " ouvert jusqu'à 2 heures du matin ; que les heures d'ouverture du café étaient totalement différentes de celles des deux autres locaux ; qu'un droit d'entrée de 10 F étaient demandé aux clients de la discothèque ; qu'un employé salarié était spécialement affecté à l'animation de ce local ;
Attendu qu'en l'état de ces circonstances souverainement constatées d'où il résulte que les installations nouvelles, loin de constituer un aménagement du fonds initial, présentaient au contraire le caractère de débits nouveaux, distincts du premier, la Cour d'appel, qui a répondu aux conclusions de la prévenue, a justifié, sur le point considéré, sa décision ; Que le moyen doit dès lors être écarté ;
SUR LE POURVOI DE LA DIRECTION GENERALE DES IMPOTS :
Sur la recevabilité du pourvoi ;
Attendu qu'il résulte des articles 1867 et 1868 du Code général des impôts que, en dehors du cas où l'infraction fiscale donne lieu au prononcé d'une peine privative de liberté, il appartient exclusivement à l'administration des Impôts de poursuivre devant les tribunaux correctionnels les infractions aux lois sur les contributions indirectes ;
Qu'il s'ensuit que cette administration a qualité pour se pourvoir contre une décision ayant statué, même en dehors d'elle, sur une poursuite ayant pour objet la répression de telles infractions ;
" en ce que l'arrêt attaqué, tout en statuant sur les infractions fiscales résultant du procès-verbal du 10 septembre 1976, comme l'avait fait précédemment le tribunal, a déclaré irrecevable l'intervention de l'administration en cause d'appel ;
" aux motifs que le ministère public doit être considéré comme le représentant de l'administration fiscale lorsque les faits poursuivis constituent à la fois un délit de droit commun et une infraction fiscale et que n'ayant pas été partie à l'instance devant le tribunal, l'administration fiscale ne peut intervenir pour la première fois en cause d'appel ;
" alors que, d'une part, en dehors du cas où l'infraction fiscale donne lieu au prononcé d'une peine privative de liberté, l'administration exerce seule l'action fiscale à l'exclusion du ministère public qui n'a pas qualité pour la représenter ;
" et alors que, d'autre part, l'intervention de l'administration en cause d'appel était nécessairement recevable dans la mesure où le jugement avait statué sur l'action fiscale et dans la mesure où, en tout cas, ayant demandé au Parquet, lors de la transmission du procès-verbal, d'être avisée de la date de l'audience à laquelle l'affaire serait évoquée, afin d'y déposer des conclusions, l'administration était, au moins virtuellement, partie à l'instance " ;
Le second, de la violation des articles 1867 et 1868 du Code général des impôts, du principe de l'autonomie des actions pénales et fiscales, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué, tout en déclarant irrecevable l'intervention de l'administration, a statué sur les infractions fiscales résultant du procès-verbal du 10 septembre 1976 et condamné le prévenu au paiement d'amendes fiscales ainsi qu'au paiement du quintuple des droits fraudés ; " alors que, lorsqu'elle ne donne pas lieu à des peines privatives de liberté, l'action fiscale ne peut être exercée que par l'administration, à l'exclusion du ministère public " ;
Vu les articles précités ;
Attendu que l'arrêt attaqué, statuant sur les seules réquisitions du ministère public et en l'absence de tout acte de poursuite émanant de l'administration des Impôts, a déclaré la dame Y... coupable des délits fiscaux d'ouverture de deux débits de boissons à consommer sur place de la 4e catégorie sans déclaration à la recette locale des impôts et en éludant le paiement du droit de licence et de la taxe spéciale, et a prononcé de ces chefs contre la même prévenue diverses pénalités fiscales ;
Attendu cependant que les infractions ainsi reprochées à la prévenue n'étaient pas susceptibles de donner lieu à des peines privatives de liberté ; qu'en statuant dès lors sur une infraction fiscale dont ils n'étaient pas régulièrement saisis, en méconnaissance des droits de l'administration des impôts qui avait seule qualité pour agir, les juges correctionnels ont, tant en première instance qu'en appel, violé lesdits articles, et entaché à cet égard de nullité la procédure suivie devant eux ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
PAR CES MOTIFS ;
I. Sur le pourvoi de X...épouse Y... ; REJETTE LE POURVOI ;
II. Sur le pourvoi de la direction générale des Impôts ; CASSE et ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel de Nancy en date du 15 mars 1978, mais seulement en ce qu'il a statué sur l'action fiscale et pour être statué à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Reims, à ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil.