La Cour, Joignant les pourvois en raison de la connexité ; Vu les mémoires produits en demande et en défense ; Sur le premier moyen de cassation commun à tous les prévenus demandeurs et à la société déclarée civilement responsable, et pris de la violation des articles L. 231-2-3, R. 231-8, L. 263-2 et L. 122-1 et suivants du Code du travail, des articles 544 du Code civil, 327 du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale, en tant que de besoin de l'article R. 26-15 du Code pénal et de l'article 34 de la Constitution, fausse application de la loi des 16-24 août 1790, méconnaissance du principe de la pénitude de juridiction du juge pénal, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,
" en ce que les juges du fond, pour caractériser à l'encontre des demandeurs les infractions prévues à l'article L. 263-2 du Code du travail, ont estimé que les comités d'hygiène et de sécurité étaient autonomes et souverains dans le choix et l'organisation de missions individuelles et que les prévenus s'étaient mis en infraction pour avoir empêché l'exécution de missions individuelles ou décidé personnellement de ces missions en désignant les membres chargés de les effectuer ;
" aux motifs qu'aucune disposition n'attribuait une prééminence du président au sein de la formation collégiale seule maître de ses décisions ; que l'attitude des prévenus ne s'expliquait pas par le seul souci légitime de réagir contre des libertés anarchiques ; que le CHS définit seul les missions et doit " organiser son droit " ;
" alors qu'en déclarant les délibérations du CHS souveraines et directement exécutoires en ce qui concerne l'initiative et l'exécution des missions individuelles à l'intérieur de l'entreprise, la Cour d'appel a donné aux votes de cet organisme purement consultatif une prééminence totale sur les pouvoirs de direction et de contrôle de l'employeur, prééminence qui ne résulte d'aucun texte et qui, de toute façon, n'aurait pu, sans excès de pouvoir, être instituée par l'autorité réglementaire dans le cadre du décret du 1er avril 1974, la prérogative ainsi conférée aux CHS de décider, sans limitation de toute mission individuelle rémunérée étant de nature à bouleverser dans des conditions contraires à l'article 34 de la Constitution, les principes fondamentaux régissant la discipline au sein de l'entreprise et l'exécution du contrat de travail ;
" qu'il en est d'autant plus ainsi que, loin de prévoir le transfert à un organisme consultatif dépourvu de toute personnalité civile d'une partie des pouvoirs de direction appartenant normalement à l'employeur, l'habilitation législative contenue dans l'article L. 231-2-3 du Code du travail se bornait à déléguer à l'autorité réglementaire le soin d'organiser les institutions " ayant pour mission d'aider à l'observation des prescriptions " dont l'employeur assume seul la responsabilité " ;
Sur le deuxième moyen de cassation produit au nom des prévenus X..., Y... et Z..., ainsi que de la société déclarée civilement responsable, et pris de la violation des articles L. 122-1 et suivants, R. 231-8, L 263-2 du Code du travail, de l'article 544 du Code civil, des principes de la responsabilité exprimés dans les articles 1382, 1383 du Code civil, 64, 319, 320, 327 du Code pénal, L. 468 du Code de la sécurité sociale, ainsi que de l'article 593 du Code de procédure pénale, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré réunis à l'encontre des demandeurs, les éléments constitutifs d'infraction prévus par l'article L. 263-2 du Code du travail et les a condamnés à une peine de 400 F chacun ;
" aux motifs que les CHS étaient souverains dans le choix et l'organisation des missions individuelles et que l'attitude des prévenus dans les circonstances décrites au jugement ne pouvait s'expliquer par le seul souci légitime de réagir contre certaines libertés anarchiques, qui auraient été prises par les représentants du personnel ; que les déclarations de certains prévenus consignées dans les procès-verbaux, à cet égard, révélatrices ;
" alors, d'une part, que l'autonomie des CHS dans le choix des " missions individuelles " ne saurait décharger l'employeur de ses obligations concernant la bonne marche et la sécurité de l'entreprise et la coordination des différentes activités qui s'y déroulent ;
" que, dès l'instant où l'arrêt attaqué déclarait " légitime " le souci du chef d'entreprise de réagir contre certaines libertés anarchiques prises à l'occasion des missions individuelles, il ne pouvait statuer globalement sur l'ensemble des poursuites et refuser de rechercher dans chaque cas particulier, si, comme le soutenaient les conclusions des demandeurs demeurées sans réponse, les mesures incriminées ne découlaient pas de la nécessité d'organiser la sécurité générale au sein de l'entreprise et de faire respecter les règles déjà en vigueur ;
" qu'il en est ainsi des griefs faits aux demandeurs d'avoir prévu au sein d'une usine en plein démarrage, l'adjonction aux exécutants des missions individuelles de certains représentants de la direction ; que plus particulièrement, X... ne saurait utilement se voir reprocher d'avoir fait usage de son pouvoir disciplinaire à l'encontre de A... et B..., lesquels, sous prétexte de l'exécution de missions individuelles, ne pouvaient prétendre s'affranchir de toute contrainte administrative et notamment des normes de sécurité propres à l'entreprise ;
" alors, d'autre part, que le délit prévu à l'article L. 263-2 du Code du travail n'est pas constitué par de simples déclarations qui ne sont d'ailleurs, en aucun cas, interchangeables et qu'ainsi, faute d'avoir précisé dans chaque cas en quoi les décisions prises par l'employeur auraient fait échec à l'exercice d'une mission individuelle, l'arrêt attaqué a sanctioné de simples opinions et n'a pas mis, ainsi, la Cour Suprême en mesure de s'assurer de la régularité des condamnations prononcées " ;
Sur le deuxième moyen de cassation produit au nom des prévenus C... et D... ainsi que de la société déclarée civilement responsable, et pris de la violation des articles L. 122-1 et suivants, R. 231-8, R. 263-2 du Code du travail, de l'article 544 du Code civil, des principes de la responsabilité exprimés dans les articles 1382, 1383 du Code civil, 64, 319, 320, 327 du Code pénal, L. 468 du Code de la sécurité sociale, ainsi que de l'article 593 du Code de procédure pénale, insuffisance et contradiction de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré réunis, à l'encontre des demandeurs, les éléments constitutifs d'infraction prévus par l'article L. 263-2 du Code du travail et les a condamnés à une peine de 400 F chacun ;
" aux motifs que les CHS étaient souverains dans le choix et l'organisation de missions individuelles et que l'attitude des prévenus, dans les circonstances décrites au jugement, ne pouvait s'expliquer par le seul souci légitime de réagir contre certaines libertés anarchiques qui auraient été prises par les représentants du personnel ; que les déclarations de certains prévenus, consignées dans les procès-verbaux, étaient à cet égard révélatrices ;
" alors, d'une part, que le délit prévu à l'article L. 263-2 du Code du travail n'est pas constitué par de simples déclarations qui ne sont, d'ailleurs, en aucun cas, interchangeables, et qu'ainsi, faute d'avoir précisé, dans chaque cas, en quoi les décisions prises par l'employeur auraient fait échec à l'exercice d'une mission individuelle, l'arrêt attaqué a sanctionné de simples opinions et n'as pas mis, ainsi, la Cour Suprême en mesure de s'assurer de la régularité des condamnations prononcées ;
" alors, d'autre part, que la Cour d'appel ne pouvait confirmer le dispositif du jugement déclarant C... coupable d'avoir empêché, lors de la séance du 23 juillet 1975, l'organisation d'une mission de A... et B... à la " coulée continue " sans répondre aux conclusions faisant valoir qu'il s'agissait d'une grosse erreur de fait puisque : 1) la mission avait eu lieu à la date prévue le 6 août ; 2) le procès-verbal de la séance du 23 juillet avait été rectifié et approuvé à mainlevée pour mentionner l'accord de C... " ; Ce moyen étant pris seulement en sa première branche ;
Sur le troisième moyen produit au nom des prévenus C... et D..., ainsi que de la société déclarée civilement responsable, et pris de la violation des articles R. 231-8 du Code du travail, et 595 du Code de procédure pénale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré les demandeurs coupables du délit prévu et réprimé par l'article L. 263-2 du Code du travail pour avoir prétendument organisé des réunions individuelles sans respecter la réglementation en vigueur ;
aux motifs adoptés du jugement " que si l'ordre du jour comportant l'organisation des missions et la désignation des membres qui en sont chargés est établi par le président et le secrétaire, ceux-ci n'ont pas pour autant le pouvoir d'en décider, de présenter en quelque sorte des modalités d'exécution déjà mises en forme et que le Comité n'aurait que la possibilité d'entériner, faute de quoi, le président passerait outre " ;
" alors que, il est de principe constant que tout organisme consultatif ne peut se saisir lui-même des problèmes sur lesquels son avis est sollicité, et ne peut donc délibérer que dans les limites fixées par l'ordre du jour ; qu'en l'occurrence dès l'instant où le décret du 1er avril 1974 (article R. 231-1 et suivants du Code du travail) a confié au président, représentant de l'employeur, et à un secrétaire désigné par lui et non élu la mission d'" établir les ordres du jour ", sous la seule réserve de les communiquer préalablement aux membres du Comité et à l'inspecteur du travail, il n'appartient nullement au Comité de définir lui-même son ordre du jour et les missions individuelles qui peuvent y figurer ;
" qu'il en est d'autant plus ainsi que l'article L. 231-2 n'assigne au Comité qu'une mission d'assistance de l'employeur dans le domaine de l'hygiène et de la sécurité " ;
Et sur le moyen identique présenté comme quatrième moyen de cassation au nom des prévenus X..., Y... et Z..., ainsi que de la société déclarée civilement responsable ;
Lesdits moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que le chef d'établissement X..., président du comité d'hygiène et de sécurité propre à son entreprise, ainsi que les prévenus Y..., Z... et D..., présidents des sections du même comité, ont prétendu par principe dénier à celui-ci toute participation à l'organisation de missions individuelles attribuées à certains de ses membres et se réserver en propre, en leur qualité de présidents, un pouvoir exclusif, de décision en la matière, particulièrement en ce qui concerne la désignation des représentants du personnel à qui de telles missions pourraient être confiées ; que les juges du fond ont relevé diverses circonstances établissant que cette conception autoritaire avait été mise en pratique par chacun des mêmes prévenus ; qu'il est enfin précisé dans l'arrêt que, selon l'appréciation des juges, le comportement incriminé ne pouvait, dans les circonstances considérées, " s'expliquer par le seul souci légitime de réagir contre certaines libertés anarchiques qui auraient pu être prises par les représentants du personnel " ;
Attendu qu'en l'état des faits ainsi constatés, la Cour d'appel était fondée, sans encourir les griefs des moyens, à faire application aux mêmes prévenus de la disposition de l'article L. 263-2 du Code du travail qui punit de peines correctionnelles les chefs d'établissement, directeurs, gérants ou préposés qui, par leur faute personnelle, auront enfreint, notamment, les dispositions réglementaires régissant les comités d'hygiène et de sécurité ;
Attendu en effet qu'il résulte des termes des articles R. 231-6 et R. 231-8 du même Code que, bien que le comité d'hygiène et de sécurité ait une fonction principalement consultative, il entre dans ses attributions de délibérer sur l'organisation de missions individuelles confiées à ses membres dans les cas prévus par le premier de ces deux articles, et qu'au surplus, en vertu de l'article R. 231-8, le président du comité ou de la section ne saurait, contrairement à ce qui est soutenu à l'un des moyens, se dispenser d'inscrire cette question à l'ordre du jour des réunions ;
Que les dispositions de ces deux articles ont pour origine le décret du 1er août 1947, lui-même pris en application de la disposition législative présentement contenue dans l'article L. 231-2-3, laquelle avait confié à un règlement d'administration publique le soin de déterminer " les mesures relatives à l'organisation et au fonctionnement, dans les établissements assujettis, des institutions ayant pour mission d'aider à l'observation des prescriptions ci-dessus indiquées et de contribuer à l'amélioration des conditions d'hygiène et de sécurité du travail et à la protection de la santé des travailleurs " ; que, sur le fondement de cette délégation législative, le décret précité et les textes réglementaires qui lui ont fait suite ont pu, sans excès de pouvoir, prescrire que le comité serait obligatoirement appelé à délibérer sur l'organisation et l'attribution à certains de ses membres de missions individuelles nécessaires au fonctionnement de l'institution ; qu'en l'espèce, le refus injustifié des prévenus d'admettre la participation effective du comité aux dispositions à prendre en la matière, ainsi que les mesures disciplinaires ou autres adoptées en conséquence par la direction, ont été, dès lors, regardées à bon droit comme constitutives d'une violation punissable des prescriptions réglementaires précitées ; D'où il suit que les moyens ne peuvent être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation pris par le prévenu X... de la violation des articles R. 231-6 dernier alinéa et L. 263-2 du Code du travail, 64 du Code pénal, du principe de l'interprétation restrictive des textes répressifs, ainsi que de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable des délits prévus et réprimés par l'article L. 263-2 du Code du travail et l'a en conséquence, condamné à cinq amendes de 400 F ;
" au motifs qu'il aurait, à tort, fait diffuser des consignes de sécurité sans consultation préalable du comité d'hygiène et de sécurité ; que si X... avait déclaré ne pas pouvoir attendre l'avis du comité pour agir en matière de sécurité, ce souci d'efficacité particulièrement louable ne correspondait pas à l'article R. 231-6 du Code du travail qui prévoit une consultation du comité sur tout document, en sorte que la prévention se trouvait " objectivement motivée " ;
" alors, d'une part, que l'urgence en matière de sécurité constitue l'employeur en état de nécessité, au sens de l'article 64 du Code pénal, notamment lorsque, comme en l'espèce, l'usine est en plein démarrage, ce qui exclut objectivement l'application de l'article L. 263-2 du Code du travail ;
" alors, d'autre part, qu'il ressort des constatations mêmes des juges du fond que l'élément intentionnel du délit était, en l'occurrence, absent ;
" alors de troisième part, qu'il ne résulte nullement de l'article R. 231-6 dernier alinéa, que la consultation du CHS doit être obligatoirement préalable ou que son absence soit de nature à différer la mise en oeuvre de la consigne ;
" alors, de quatrième part, que l'arrêt attaqué a laissé totalement sans réponse les conclusions faisant valoir que :
1) les consignes relatives aux ouvertures de chantier et à l'emploi des chariots n'étaient pas de la compétence des CHS de SOLMER puisqu'elles s'adressaient à des entreprises extérieures ; 2) en fait, la consigne du 12 mars 1975 avait été diffusée le 17 décembre précédent à tous les membres du CHS et SHS ; 3) la consigne relative " au permis de feu " diffusée le 25 mars 1975 ne constituait que la seconde diffusion de la même consigne examinée par le CHS en 1973 ;
" que faute d'avoir examiné ces moyens de défense, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour Suprême en mesure d'exercer utilement son contrôle " ;
Attendu qu'il résulte des constatations des juges que le chef d'entreprise X... s'est abstenu de consulter le comité d'hygiène et de sécurité préalablement à la diffusion de cinq consignes édictées par la direction de l'établissement et relatives à l'hygiène et à la sécurité ; que, des motifs du jugement confirmé sur ce point par l'arrêt, il résulte très explicitement que cette omission, qui constituait une violation des prescriptions du dernier alinéa de l'article R. 231-6, n'était nullement justifiée par l'urgence ou la nécessité ; que, répondant expressément aux chefs de conclusions prétendument délaissés, les juges ont à bon droit déclaré sans influence la circonstance que certaines des consignes litigieuses aient intéressé des entreprises extérieures oeuvrant sur le site de l'établissement, " l'hygiène et la sécurité sur le chantier concernant tous ceux qui y travaillent " ; que, de même, ont-ils ajouté à bon droit, il importe peu qu'il se soit agi de la réitération de consignes anciennes, dès lors qu'elle comportait une refonte du texte à propos duquel les observations du comité auraient pu avoir leur intérêt ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui établissent à la charge personnelle du demandeur une infraction à la prescription réglementaire précitée, et caractérisent ainsi contre lui le délit réprimé par l'article L. 263-2, la Cour d'appel a donné sur ce point une base légale à sa décision ; D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le premier moyen de cassation pris par le syndicat demandeur de la violation des articles R. 231-4 et L. 263-2 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et de réponse à conclusions, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé les prévenus du chef d'avoir modifié la composition des comités d'hygiène et de sécurité en y convoquant directement à titre consultatif des personnes non membres de cet organisme ;
" aux motifs que ces personnes n'avaient été convoquées que pour donner leur avis en leur qualité de techniciens pour hâter les décisions à prendre sans jamais prendre part aux délibérations du comité ; que le président du CHS s'était incliné devant l'avis défavorable de l'inspecteur du travail ; qu'il s'agissait en cet état d'une erreur de droit et d'initiatives excluant toute intention délictuelle ;
" alors que, d'une part, dès lors que les actes constituant dans sa matérialité le délit reproché ont été commis volontairement par le prévenu, se trouve caractérisé l'élément intentionnel du délit sans que l'erreur de droit puisse constituer une cause de justification ;
" alors que, d'autre part, les juges du fond n'ont pas répondu aux conclusions du syndicat demandeur par lesquelles il faisait valoir que les prévenus avaient cherché à imposer aux membres du CHS la présence de syndicalistes non élus, lesquels ne pouvaient certes pas être qualifiés de techniciens, faits qui établissaient sans conteste l'intention délictuelle des prévenus ;
" alors, enfin, que le fait de ne pas persister dans un délit ne le fait pas disparaître " ;
Attendu qu'il était reproché à plusieurs des prévenus d'avoir, en tant que présidents des diverses sections du comité d'hygiène et de sécurité, modifié illicitement la composition de cet organisme en convoquant à ses réunions des personnes autres que celles prévues par la loi ;
Attendu qu'il résulte des constatations des juges que, si les prévenus avaient en effet pris, en leur qualité de présidents, l'initiative d'appeler à assister aux séances, mais sans aucune participation aux délibérations, des techniciens aptes, de par leurs fonctions spécialisées, à proposer d'emblée les solutions les plus convenables aux problèmes particuliers d'hygiène et de sécurité se posant alors dans chacune des sections très différenciées d'une grande usine dont le démarrage venait de commencer, ils avaient cru pouvoir agir ainsi dans l'intérêt même de l'institution et à seule fin de hâter l'élaboration des décisions ; que d'ailleurs la présence de ces techniciens n'avait sur le moment donné lieu à aucune contestation ; que, si d'autres salariés ont été aussi admis aux séances du comité sans en être légalement membres, ce fut en leur qualité de représentants de deux confédérations syndicales et en application d'un accord national intervenu entre ces deux confédérations et le comité national du patronat français ; que, la présence de ces représentants syndicaux ayant été contestée, l'inspecteur du travail, qui assistait à la séance, a refusé de prendre parti avant d'avoir été consulté par écrit, et que la direction n'a pas manqué de s'incliner devant l'avis défavorable qu'il a finalement exprimé ;
Attendu qu'en considération des circonstances particulières ainsi relevées, la Cour d'appel a pu, sans violer les textes visés au moyen et sans, notamment, méconnaître la règle selon laquelle c'est au comité lui-même et non à son seul président qu'il appartient, le cas échéant, de faire appel, à titre consultatif, au concours de toute personne paraissant qualifiée, décider comme elle l'a fait que n'était pas suffisamment caractérisé en tous ses éléments, relativement à ce chef de prévention, le délit prévu et réprimé par l'article L. 263-2 du Code du travail ;
Qu'en cet état, et alors que les juges du second degré ont répondu, par une référence implicite aux constatations des premiers juges, au chef des conclusions de la partie civile qui serait demeuré sans réponse selon le moyen, celui-ci ne peut être accueilli ;
Mais sur la seconde branche du deuxième moyen ci-avant reproduit, et présenté au nom des prévenus C... et D... ainsi que de la société déclarée civilement responsable ; Vu les articles visés au moyen ;
Attendu que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions des parties ;
Attendu qu'en première instance C... a été déclaré coupable d'avoir " lors de la séance du 23 juillet 1975, empêché l'organisation d'une mission pourtant décidée par la majorité de la section " ; qu'étant appelant, C... a soutenu devant la Cour que cette déclaration de culpabilité était fondée sur la constatation de faits matériellement inexacts, en alléguant plus précisement qu'à la suite d'une rectification apportée au procès-verbal de la séance du 23 juillet 1975, il était maintenant établi que, loin d'en avoir empêché l'organisation, il avait personnellement donné son accord à la mission litigieuse ;
Attendu qu'en confirmant en cet état sur le point considéré la déclaration de culpabilité sans s'expliquer sur le moyen de défense péremptoire dont elle était ainsi saisie et auquel ne répondaient pas sans ambiguïté les motifs des premiers juges, la Cour d'appel n'a pas à cet égard donné de base légale à sa décision ;
Et sur le deuxième moyen de cassation pris par le syndicat demandeur, de la violation des articles R. 231-6, R. 231-8 et R. 263-2 du Code du travail, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a relaxé le prévenu X... du chef d'entrave au fonctionnement du comité à l'occasion d'enquêtes sur les accidents du travail ;
" aux motifs que, après la demande d'enquête des membres du CHS, après un accident du travail survenu le 5 avril 1975, le chef de service avait répondu en les informant des mesures de prévention prises à la suite de cet accident ; qu'une mission sur place avait été accomplie le 29 octobre 1975, que la gravité de l'accident avait sur le moment échappé tant au praticien qu'au représentant du personnel qui avait seulement mentionné que l'accident " aurait pu avoir des conséquences graves " ;
" alors que, d'une part, dès lors que le comité ou la section compétents doivent être réunis à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves, et procéder ou faire procéder à une enquête, les mesures de prévention consécutives à un accident du travail ne pouvaient en aucune façon libérer l'employeur de son obligation légale de convoquer le comité afin de procéder à une enquête ; qu'en outre, une mission sur place accomplie près de sept mois après l'accident en question ne pouvait être considérée comme faisant suite à cet accident ;
" alors que, d'autre part, l'absence apparente de conséquences corporelles graves ne pouvait pas davantage libérer l'employeur de ses obligations dès lors qu'il était relevé par le représentant du personnel que l'accident " aurait pu avoir des conséquences graves " révélant ainsi l'existence d'un danger grave quand bien même les conséquences paraissaient-elles avoir été évitées " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article R. 231-6 du Code du travail, le comité d'hygiène et de sécurité procède ou fait procéder à une enquête à l'occasion de chaque accident grave, c'est-à-dire notamment, selon le même article, dans le cas d'un accident ayant révélé l'existence d'un danger grave, même si les conséquences ont pu en être évitées ; que d'autre part, l'article R. 231-8 prescrit la réunion du comité d'hygiène et de sécurité à la suite de tout accident ayant entraîné ou ayant pu entraîner des conséquences graves ;
Attendu qu'il était reproché au prévenu X..., directeur général de l'entreprise, d'avoir, en sa qualité de président du comité d'hygiène et de sécurité, omis de mettre en oeuvre la procédure d'enquête prévue par le texte précité à la suite d'un accident ayant eu pour victime l'ouvrier E..., celui-ci ayant été déséquilibré lorsque le glissement d'une " rondelle de trou de coulée " pesant plusieurs centaines de kilogrammes vint faire basculer la passerelle sur laquelle il se trouvait ; que, pour écarter ce chef de prévention, l'arrêt énonce d'une part qu'à la suite de l'accident, le chef de service compétent avait sans retard adopté et fait connaître diverses mesures destinées à en prévenir le retour, et que, d'autre part, la gravité de l'accident avait échappé, non seulement aux médecins qui n'ont décelé que plus tard les lésions osseuses dont avait été atteint l'ouvrier intéressé, mais encore au représentant du personnel qui s'était occupé de l'affaire, celui-ci s'étant borné alors à déclarer par écrit que " l'accident aurait pu avoir des conséquences graves " ;
Attendu cependant qu'en l'état des faits constatés, ce dernier motif implique la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 231-6 et de l'article R. 231-8 qui regardent comme grave tout accident ayant pu entraîner des conséquences graves, même si celles-ci ont pu être évitées ; que, d'autre part, les initiatives prises par la direction à la suite d'un accident à l'effet d'en éviter le renouvellement ne peuvent faire échec à la compétence et aux attributions propres du comité d'hygiène et de sécurité ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
PAR CES MOTIFS :
Sur les pourvois des demandeurs X..., Y..., Z... et D... ; REJETTE LES POURVOIS ;
Sur les pourvois de C..., de la société SOLMER et du syndicat CFDT de la Métallurgie de FOS et de l'ETANG-de-BERRE ; CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence du 30 novembre 1976, mais seulement, d'une part, en ce qui concerne le prévenu C..., dans la limite du moyen admis, en ce qu'il a confirmé les dispositions du jugement frappé d'appel ayant déclaré ledit C... coupable d'infraction à la réglementation de l'organisation et de l'exécution des missions individuelles et ayant prononcé de ce chef des condamnations pénales et civiles contre ce prévenu ainsi que, dans la même mesure, en ce qu'il a statué sur la responsabilité civile de la société SOLMER ; et d'autre part, en ce qu'il a statué sur l'action civile du syndicat demandeur fondée sur le fait imputé au prévenu X... d'avoir omis de mettre en oeuvre la procédure d'enquête à la suite de l'accident du travail ayant eu pour victime l'ouvrier E... ; toutes autres dispositions étant expressément maintenues, et, pour être à nouveau statué, conformément à la loi dans les limites de la cassation intervenue ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en Chambre du Conseil.