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19/02/1979 | FRANCE | N°78-93006

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 19 février 1979, 78-93006


La Cour, Vu le mémoire produit ; SUR LES PREMIER, DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS DE CASSATION, pris :
LE PREMIER : de la violation des articles 4 du Code pénal, 1er, 35, 36 et 60-1 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, 1er et 40 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, 1er et suivants de l'arrêté ministériel n° 76-121 P du 23 décembre 1976, 593 du Code et procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un chirurgien-dentiste coupable de hausse illicite ;
" aux motifs que l'arrêté ministér

iel du 23 décembre 1976 portant blocage des prix hors taxe des prestations d...

La Cour, Vu le mémoire produit ; SUR LES PREMIER, DEUXIEME ET TROISIEME MOYENS DE CASSATION, pris :
LE PREMIER : de la violation des articles 4 du Code pénal, 1er, 35, 36 et 60-1 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, 1er et 40 de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, 1er et suivants de l'arrêté ministériel n° 76-121 P du 23 décembre 1976, 593 du Code et procédure pénale, défaut et contradiction de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un chirurgien-dentiste coupable de hausse illicite ;
" aux motifs que l'arrêté ministériel du 23 décembre 1976 portant blocage des prix hors taxe des prestations de service, sur lequel est fondée la poursuite, a une portée très générale et doit s'appliquer aux chirurgiens-dentistes en tant que prestataires de service, dont les honoraires sont tarifiés ; qu'un arrêt du Conseil d'Etat du 23 février 1949 a affirmé la légalité d'un décret de 1947 qui avait institué un blocage des prix en visant nommément les chirurgiens-dentistes, au motif que l'ordonnance de 1945 dont il découlait avait un caractère général et était susceptible de s'appliquer à tous produits et services ; que cette ordonnance donne toujours en son article premier au Ministre de l'économie le pouvoir de prendre toutes décisions relatives aux prix de tous les services ;
" alors, d'une part, que la réglementation édictée par l'ordonnance du 30 juin 1945 n'est que susceptible de s'appliquer éventuellement à tous les produits et services et, notamment, aux actes médicaux, ainsi que l'a précisé le Conseil d'Etat dans son arrêt du 23 février 1949 ; que dès lors, l'arrêté ministériel du 23 décembre 1976, pris en application d'une ordonnance qui ne s'applique pas de plein droit aux actes des chirurgiens-dentistes, ne pouvait étendre à ceux-ci le blocage des prix qu'à la condition de les viser nommément ; que tel n'étant pas le cas, l'arrêt attaqué a violé par fausse application l'ordonnance et l'arrêté précités ;
" alors, d'autre part, qu'il ressort des énonciations mêmes de l'arrêt que le prévenu a fait valoir devant la Cour qu'aucune des dispositions, article par article, de l'arrêté ministériel du 23 décembre 1976 ne pouvait s'appliquer aux chirurgiens-dentistes ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point, l'arrêt attaqué n'a pas légalement justifié sa décision ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un chirurgien-dentiste coupable de hausse illicite ;
" aux motifs que les honoraires des chirurgiens-dentistes, lesquels obéissent à des règles de déontologie précises et possèdent un Ordre, sont tarifés ; que l'ordonnance du 30 juin 1945 donne toujours en son article 1er au Ministre de l'économie le pouvoir de prendre toutes les décisions relatives aux prix de tous les services ; que, même si l'arrêté du 23 décembre 1976 n'a pas été pris sous la forme d'un arrêté interministériel, il est certain qu'il doit s'appliquer à tous les prestataires de services, y compris les chirurgiens-dentistes, pour lesquels les conventions passées avec la sécurité sociale présentent des avantages certains ; que le délit reproché constitue une infraction à des textes réglementaires ;
" alors, d'une part, que l'arrêté ministériel du 23 décembre 1976, à le supposer applicable aux actes médicaux, n'a pu légalement bloquer les honoraires des chirugiens-dentistes dès lors qu'il a, en son article 5, institué un blocage des prix maximum licitement pratiqués et que, contrairement à ce qu'énonce l'arrêt au prix d'une violation des articles L. 259 et L. 260 du Code de la sécurité sociale, ainsi que des arrêtés approuvant la convention des chirurgiens-dentistes et son avenant n° 1, il n'existait pas de tarif maximum des soins dentaires, la convention nationale provisoire de 1975 n'ayant fixé qu'un tarif servant uniquement de base au remboursement de ces soins et pouvant être licitement dépassé ;
" alors, d'autre part, que, en toute hypothèse, le tarif servant de base au remboursement des soins ne peut résulter, aux termes des articles L. 259 et L. 260 du Code de la sécurité sociale, que d'une convention ou d'un arrêté interministériel ; qu'en l'espèce, la convention nationale provisoire ayant expiré le 31 décembre 1976, son tarif n'a pu être légalement prorogé par l'arrêté du 23 décembre 1976 dès lors que celui-ci n'a pas revêtu la forme d'un arrêté interministériel ; qu'ainsi, en admettant même que le tarif de remboursement ait pu constituer un prix maximum licite au sens de l'article 5 dudit arrêté, un tel tarif n'existait plus pour les soins dentaires à la date à laquelle est entré en vigueur le blocage des prix ;
" alors, enfin, que si, comme le laisse supposer l'arrêt attaqué, l'auteur de l'arrêté ministériel du 23 décembre 1976 a entendu proroger le tarif de remboursement au-delà du 1er janvier 1977, pour bloquer à ce niveau les honoraires des chirurgiens-dentistes, malgré l'absence de convention à partir de cette date, ledit arrêté est alors illégal comme violant l'article L. 260 du Code de la sécurité sociale ; que, dans cette hypothèse, il appartenait aux juges du fond de constater cette illégalité qui, au demeurant, ne pouvait être couverte par les prétendus avantages que les praticiens retiraient des conventions conclues avec la sécurité sociale et auxquels l'arrêt s'est référé par des considérations radicalement inopérantes ; "
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré un chirurgien-dentiste coupable de hausse illicite ;
" aux motifs que les chirurgiens-dentistes ont décidé, pour la plupart, à l'appel de leur syndicat, de porter unilatéralement à 10 l'indice de la lettre D ; qu'après des sondages opérés chez les chirurgiens-dentistes, des procès-verbaux ont été dressés pour hausse illicite ; que le délit reproché constitue une infraction à des textes réglementaires ; que le prévenu a de toute évidence obéi à des consignes syndicales ;
" alors, d'une part, qu'il ressort du texte même des procès-verbaux qu'ils ont été dressés après des sondages effectués, non chez les chirurgiens-dentistes, mais au siège des caisses de sécurité sociale ; que l'augmentation du D ainsi constatée ne pouvait établir qu'une augmentation de la demande de remboursement dont le praticien se fait l'interprète en remplissant les feuilles de sécurité sociale ; qu'elle n'établissait aucunement une augmentation des honoraires effectivement perçus par les chirurgiens-dentistes, alors surtout qu'en l'absence de convention, il n'existait plus de corrélation entre les mentions des feuilles de soins et lesdits honoraires ; d'où il suit que l'arrêt attaqué n'a pas constaté l'existence de la hausse incriminée et n'a pas légalement justifié sa décision ; "
" alors, d'autre part, que le but poursuivi par les organisations syndicales de chirurgiens-dentistes, précisé par des documents versés aux débats, était d'inviter la sécurité sociale à prendre en considération pour le remboursement des soins les honoraires effectivement pratiqués pour les actes non répertoriés dans la désuète nomenclature de 1972, ce qui n'impliquait aucunement une hausse desdits honoraires ; que l'arrêt attaqué, qui constate que le prévenu s'est conformé à ces consignes syndicales, n'a pas tiré de ses propres constatations les conséquences qui s'en évinçaient quant à l'absence de preuve d'une hausse des honoraires perçus, et n'a pas légalement justifié sa décision ; "
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que pour obéir à des consignes syndicales, X... Yves, chirurgien-dentiste adhérant à la convention nationale passée avec la sécurité sociale a, pour l'établissement de ses honoraires, depuis le 1er janvier 1977, porté de 7, 20 F à 10 F la valeur de la lettre clé D, assortie d'un coefficient multiplicateur suivant les actes relevant de la nomenclature générale des actes professionnels, alors que l'arrêté 76-121 P du 23 décembre 1976 interdisait à tous les prestataires de service de dépasser les prix licitement pratiqués à cette date ou à la date antérieure la plus rapprochée ; que, selon l'arrêt, la valeur de la lettre D de 7, 20 F était celle qui avait été fixée dans l'avenant n. 1 à la convention nationale provisoire des chirurgiens-dentistes, approuvée par l'arrêté interministériel du 23 novembre 1976 et qui était applicable jusqu'au 31 décembre 1976 ; qu'ainsi le prévenu a perçu de sa clientèle des honoraires supérieurs à ceux qu'il demandait à la date du 23 décembre 1976 ;
Attendu que pour déclarer X... Yves, coupable de pratique de prix illicites par violation des dispositions de l'arrêté 76-121 P du 23 décembre 1976, pris en vertu de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945, la Cour d'appel énonce que l'arrêté précité a une portée générale et concerne tous les services, qu'il doit s'appliquer aux chirurgiens-dentistes en tant que prestataires de service, qu'en outre l'ordonnance 45-1843 du 30 juin 1945 donne en son article 1er au ministre chargé de l'économie, le pouvoir de prendre toutes les décisions relatives aux prix de tous les services ;
Que, pour rejeter les conclusions du demandeur alléguant l'irrégularité dudit arrêté, les juges d'appel, affirment que même si l'arrêté ministériel du 23 décembre 1976 n'a pas été pris sous forme d'un arrêté interministériel, comme le prévoit l'article 259 du Code de sécurité sociale, " il est certain qu'il doit s'appliquer à tous les prestataires de service y compris les chirurgiens-dentistes ", pour lesquels les conventions passées avec la sécurité sociale présentent des avantages certains " ; que ce motif est entaché d'une erreur de droit qu'il convient de censurer ;
Mais attendu que la Cour de Cassation a le pouvoir de substituer un motif de pur droit à un motif erroné ou inopérant sur lequel se fonde une décision attaquée et de justifier ainsi ladite décision ; que, dans la présente espèce s'il est vrai que les tarifs d'honoraires des chirurgiens-dentistes peuvent être déterminés par des conventions conclues entre la caisse nationale de l'assurance maladie et les organisations nationales professionnelles et approuvées, en application de l'article L 259 du Code de la sécurité sociale, par un arrêté interministériel et que le non respect de ces tarifs par un chirurgien-dentiste qui a adhéré à la convention peut seulement entraîner son exclusion, il n'en demeure pas moins que l'ordonnance 45-1843 du 30 juin 1945 qui, aux termes de son article 60- I, s'applique à tous les produits et à tous les services, habilite dans ses articles 1er et 16 le ministre chargé de l'économie à prendre par arrêté des mesures de blocage des prix à une date déterminée ; qu'il en est ainsi de l'arrêté 76-121 P du 23 décembre 1976 qui interdit à tous les prestataires de service qui n'entrent pas dans les catégories professionnelles visées aux articles 1, 2 et 3 dudit arrêté, tout dépassement des prix licitement pratiqués à la date de sa publication ou à défaut à la date antérieure la plus proche ; qu'en l'espèce, l'avenant n. 1 de la convention nationale provisoire, approuvé par l'arrêté interministériel du 23 novembre 1976 pris en application de l'article L 259 du Code de sécurité sociale, étant encore en vigueur au 23 décembre 1976, date de l'arrêté de blocage, tout dépassement des tarifs d'honoraires fixés par ledit avenant a constitué, à partir de cette date, une pratique de prix illicites au sens des articles 1, 35 et 36 de l'ordonnance précitée ; qu'ainsi la décision de condamnation se trouve justifiée ; Que dès lors les trois moyens réunis ne sauraient être accueillis ; Et attendu que l'arrêt rendu est régulier en la forme ;
REJETTE LE POURVOI.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 78-93006
Date de la décision : 19/02/1979
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Prix - Blocage - Prestations de service - Honoraires - Adhésion à une convention conclue entre la sécurité sociale et les organisations professionnelles - Arrêté 76-121 P du 23 décembre 1976 - Application.

Les tarifs d'honoraires des chirurgiens-dentistes peuvent être déterminés par des conventions conclues entre la caisse nationale de l'assurance maladie et les organisations nationales professionnelles et elles doivent être approuvées en application de l'article 259 du Code de sécurité sociale, par un arrêté interministériel. Le non-respect de ces tarifs par un chirurgien-dentiste qui a adhéré à la convention peut seulement entraîner son exclusion. Par ailleurs, l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 relative au prix qui, aux termes de son article 60-I, s'applique à tous les produits et services habilite, dans ses articles 1er et 16, le ministre chargé de l'économie à prendre par arrêté des mesures de blocage de prix à une date déterminée. Il en est ainsi de l'arrêté 76-121 P du 23 décembre 1976 qui interdit à tous les prestataires de service qui n'entrent pas dans les catégories professionnelles visées aux articles 1, 2 et 3 dudit arrêté, tout dépassement des prix licitement pratiqués à la date de sa publication ou à défaut, à la date antérieure la plus proche. C'est pourquoi l'avenant n° 1 de la convention nationale provisoire, approuvé par l'arrêté interministériel du 23 novembre 1976 pris en application de l'article 259 du Code de sécurité sociale, étant encore en vigueur au 23 décembre 1976, date de l'arrêté de blocage, tout dépassement des tarifs d'honoraires fixés par ledit avenant a constitué, à partir de cette date, une pratique de prix illicites au sens des articles 1, 35 et 36 de l'ordonnance précitée.


Références :

Arrêté du 23 novembre 1976 Approbation de l'avenant n. 1 à la convention nationale provisoire des chirurgiens-dentistes
Arrêté 76-121P du 23 décembre 1976 ART. 1 BLOCAGE DES PRIX
Arrêté 76-121P du 23 décembre 1976 ART. 2 BLOCAGE DES PRIX
Arrêté 76-121P du 23 décembre 1976 ART. 3 BLOCAGE DES PRIX
Code de la sécurité sociale L259
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ART. 1
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ART. 16
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ART. 35
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ART. 36
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ART. 60 -I

Décision attaquée : Cour d'appel Grenoble (Chambre correctionnelle ), 07 juillet 1978


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 19 fév. 1979, pourvoi n°78-93006, Bull. crim. N. 72 P. 196
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 72 P. 196

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Mongin
Avocat général : Av.Gén. M. Elissalde
Rapporteur ?: Rpr M. Guérin
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Cossa

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1979:78.93006
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