Sur le moyen unique :
Vu l'article 455 du nouveau Code de procédure civile,
Attendu que le 27 juin 1973, Lesaulnier, ouvrier spécialisé de la société anonyme Trouillard, en allant chercher du matériel dont il avait besoin pour l'exécution de sa tâche, au lieu d'utiliser un passage latéral pour effectuer son trajet, s'avança en ligne droite et traversa l'aire de manoeuvre d'un chariot automoteur de manutention au moment où le conducteur effectuait une marche arrière ; qu'il fut heurté par le chariot et décéda des suites de cet accident le 12 juillet suivant ; que la Cour d'appel a estimé que le décès de Lesaulnier était imputable à la faute inexcusable de l'employeur, aux motifs que, si celui-ci avait interdit le passage dans la zone dangereuse empruntée par Lesaulnier, cette interdiction était purement formelle et qu'aucune disposition n'avait été prise pour la faire respecter ; que le libre accès ainsi laissé à une zone manifestement dangereuse constituait une faute d'une exceptionnelle gravité, et que, si la victime avait pu commettre une imprudence en traversant cette zone sans veiller suffisamment à sa sécurité, celle-ci dérivait de celle de la société qui ne pouvait pas s'en prévaloir pour s'exonérer, même partiellement, de sa propre faute qui avait été la cause déterminante de l'accident ;
Attendu qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions selon lesquelles la victime qui travaillait dans l'entreprise depuis sept années, d'une part connaissait les risques qu'elle prenait en traversant la zone dangereuse interdite bien qu'elle eût à sa disposition des couloirs latéraux larges de plusieurs mètres, d'autres part, n'avait pas pu ignorer, à une heure matinale où l'usine ne fonctionnait pas à plein rendement, la présence du chariot en raison du bruit fait par son fonctionnement, et avait, en agissant ainsi, commis une imprudence qui, ayant contribué à la réalisation de l'accident, avait atténué la gravité de la faute commise par l'employeur, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 28 juin 1977, entre les parties, par la Cour d'appel d'Angers ; remet, en conséquence, la cause et les parties, au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt, et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Rennes, à ce désignée par délibération spéciale prise en la chambre du Conseil ;