LA COUR,
1° SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 58 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 SUR LA LIBERTE DE LA PRESSE, LE DROIT DE SE POURVOIR EN CASSATION APPARTIENT A LA PARTIE CIVILE QUANT AUX DISPOSITIONS RELATIVES A SES INTERETS CIVILS ;
QUE CE TEXTE SPECIAL EXCLUT EN LA MATIERE LES DISPOSITIONS RESTRICTIVES DE L'ARTICLE 575 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
QU'AINSI LE POURVOI, D'AILLEURS REGULIEREMENT FORME DANS LE DELAI PREVU PAR L'ARTICLE 59 DE LA MEME LOI, DOIT ETRE DECLARE RECEVABLE ;
AU FOND ;
VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29, 32, 33, 35 A 55 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, 1382 DU CODE CIVIL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE POUR DEFAUT, INSUFFISANCE, CONTRADICTION ET NON-PERTINENCE DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, DENATURATION DES ELEMENTS DE LA CAUSE, "EN CE QUE, PAR L'ARRET ATTAQUE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION A CONFIRME UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU DU JUGE D'INSTRUCTION SAISI PAR LES REQUERANTS D'UNE PLAINTE CONTRE X POUR DIFFAMATION A LA SUITE D'UN ARTICLE PARU DANS LE JOURNAL L'EXPRESS INDIQUANT QUE LA SOCIETE DONT ILS ETAIENT DIRIGEANTS AVAIT DEPOSE SON BILAN, LE JUGE D'INSTRUCTION N'AYANT FORMALISE AUCUNE INCULPATION CONTRE QUICONQUE ;
"AUX MOTIFS QUE SI LE DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DE CE JOURNAL AVAIT FAIT PREUVE DE LEGERETE BLAMABLE EN PUBLIANT UNE INFORMATION ERRONEE DONT IL N'AVAIT PAS VERIFIE L'EXACTITUDE ET QUI ETAIT DE NATURE A ENTRAINER DES CONSEQUENCES DOMMAGEABLES POUR LA SOCIETE MISE EN CAUSE, IL NE S'ETAIT CEPENDANT PAS RENDU COUPABLE DU DELIT DE DIFFAMATION, CAR
D'UNE PART L'ARTICLE INCRIMINE AVAIT EU POUR OBJET ESSENTIEL D'ALERTER L'OPINION PUBLIQUE SUR LA SITUATION DRAMATIQUE DANS LAQUELLE SE TROUVAIENT LES DISTRIBUTEURS INDEPENDANTS DE PETROLE ET QUE L'ALLEGATION DE FAILLITE DE LA SOCIETE N'ETAIT PAS DE NATURE A FAIRE SUSPECTER LA COMPETENCE OU L'HONNETETE DE SES DIRIGEANTS ET PORTER ATTEINTE A LEUR HONNEUR OU A LEUR HONORABILITE,
D'AUTRE PART L'AUTEUR DE L'ARTICLE AVAIT VOULU SEULEMENT CRITIQUER LE COMPORTEMENT ABUSIF DES GRANDS GROUPES PETROLIERS ET N'AVAIT MANIFESTE A L'EGARD DE LA SOCIETE EN CAUSE PRESENTEE COMME VICTIME NI VOLONTE DE DENIGREMENT NI INTENTION DE NUIRE, ET ENFIN UN ARTICLE RECTIFICATIF POSTERIEUR DE LA PUBLICATION ACHEVAIT DE CONSTITUER LA PREUVE DE LA BONNE FOI DU JOURNAL ;
"ALORS QUE, D'UNE PART, C'EST PAR SUITE D'UNE DENATURATION FLAGRANTE DE L'ARTICLE INCRIMINE QUE LA CHAMBRE D'ACCUSATION A PU DECIDER QUE L'ANNONCE ERRONEE DU DEPOT DE BILAN DE LA SOCIETE EN CAUSE METTANT EN DOUTE SON CREDIT NE CONSTITUAIT PAS UNE ALLEGATION DIFFAMATOIRE DE NATURE AU SURPLUS A FAIRE SUSPECTER LA COMPETENCE ET L'HONORABILITE DE SES DIRIGEANTS ;
"ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'INTENTION DE NUIRE DE L'AUTEUR DES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES ETANT PRESUMEE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION NE POUVAIT SE BORNER A RELEVER PAR UNE NOUVELLE DENATURATION DES TERMES DE L'ARTICLE LITIGIEUX QUE L'AUTEUR DE L'ARTICLE AVAIT SEULEMENT VOULU CRITIQUER LE COMPORTEMENT ABUSIF DES GRANDS GROUPES PETROLIERS, NON RELEVE DANS L'ARTICLE EN CAUSE, ET EN DEDUIRE L'ABSENCE DE VOLONTE DE DENIGREMENT ET D'INTENTION DE NUIRE DE L'AUTEUR DE L'ARTICLE ;
"ALORS QU'ENFIN L'ARTICLE RECTIFICATIF POSTERIEUR NE POUVAIT ETRE CONSIDERE COMME APPORTANT LA PREUVE DE LA BONNE FOI DU JOURNALISTE AUTEUR DE L'ARTICLE ARGUE DE DIFFAMATION" ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE LES JUGES SAISIS D'UNE POURSUITE EN DIFFAMATION SONT TENUS D'APPRECIER, SOUS LE CONTROLE DE LA COUR DE CASSATION, SI LE FAIT IMPUTE OU ALLEGUE PORTE ATTEINTE SOIT A L'HONNEUR, SOIT A LA CONSIDERATION DE LA PERSONNE OU DU CORPS AUQUEL LE FAIT EST IMPUTE ;
QUE, D'AUTRE PART, IL N'APPARTIENT PAS AUX JURIDICTIONS D'INSTRUCTION DE RECHERCHER SI LES FAITS RELEVES COMME DIFFAMATOIRES SONT VRAIS OU FAUX ;
QUE SEULE LA JURIDICTION DE JUGEMENT PEUT PRONONCER SUR CE POINT LORSQUE LE PREVENU EST ADMIS A RAPPORTER LA PREUVE DE LA VERITE DES FAITS, CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DES ARTICLES 35 ET 55 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ;
QU'ENFIN SI LA PRESOMPTION D'INTENTION COUPABLE QUI RESULTE DES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES ELLES-MEMES PEUT ETRE COMBATTUE ET EVENTUELLEMENT DETRUITE PAR LA PREUVE DE L'EXISTENCE DE CIRCONSTANCES PARTICULIERES, C'EST AU PREVENU ET A LUI SEUL QU'INCOMBE CETTE PREUVE ;
ATTENDU QUE L'HEBDOMADAIRE L'EXPRESS A PUBLIE DANS SON NUMERO DATE DU 25 NOVEMBRE ET 2 DECEMBRE 1973 UN ARTICLE INTITULE :
"PETROLE : MENACES SUR LES INDEPENDANTS" ET QUI CONTENAIT, NOTAMMENT, LE PASSAGE SUIVANT : "S , L'UNE DES PLUS IMPORTANTES, QUI ENVISAGEAIT MEME DE CONSTRUIRE UNE RAFFINERIE A SETE, A DEPOSE SON BILAN" ;
QU'A RAISON DE CES FAITS, B , ANCIEN PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE LA SOCIETE S, AGISSANT EN SON NOM PERSONNEL, ET LADITE SOCIETE, REPRESENTEE PAR C, ONT PORTE PLAINTE EN SE CONSTITUANT PARTIES CIVILES DEVANT LE JUGE D'INSTRUCTION, POUR DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS DES PARTICULIERS ;
QUE L'INFORMATION OUVERTE DE CE CHEF CONTRE PERSONNE NON DENOMMEE A ETE CLOSE, SANS QU'AUCUNE INCULPATION NOMINATIVE NE SOIT INTERVENUE, PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU ;
QUE SUR APPEL DES PARTIES CIVILES, LA CHAMBRE D'ACCUSATION A CONFIRME L'ORDONNANCE ENTREPRISE ;
QU'A L'APPUI DE SA DECISION, L'ARRET ATTAQUE ENONCE QUE SI LE DIRECTEUR DE LA PUBLICATION DE L'HEBDOMADAIRE L'EXPRESS "A FAIT PREUVE D'UNE LEGERETE BLAMABLE EN PUBLIANT UNE INFORMATION DONT IL N'AVAIT PAS VERIFIE L'EXACTITUDE" ET QUI S'EST REVELEE FAUSSE, L'ALLEGATION INCRIMINEE SELON LAQUELLE LA SOCIETE S AVAIT DEPOSE SON BILAN, "ETAIT PRESENTEE COMME ETANT LA CONSEQUENCE D'EVENEMENTS INSURMONTABLES, EXTERIEURS A L'ENTREPRISE" ET NE POUVAIT, DES LORS, "PORTER ATTEINTE A L'HONNEUR OU A L'HONORABILITE" DES PARTIES CIVILES ;
QUE L'ARRET AJOUTE QUE L'AUTEUR DE L'ARTICLE AYANT DIRIGE SES CRITIQUES CONTRE "LES GRANDS GROUPES PETROLIERS" ET AYANT "PRESENTE LA SOCIETE S COMME UNE DE LEURS VICTIMES" N'A "MANIFESTE A L'EGARD DE CELLE-CI NI VOLONTE DE DENIGREMENT NI INTENTION DE NUIRE" ET QUE LA PUBLICATION, DANS UN DES NUMEROS SUIVANTS DE L'EXPRESS, D'UN ARTICLE RECTIFICATIF, RECONNAISSANT L'ERREUR COMMISE, "ACHEVE DE CONSTITUER LA PREUVE DE LA BONNE FOI" DU JOURNALISTE ;
MAIS ATTENDU QU'EN OMETTANT, D'UNE PART, DE RECHERCHER SI L'ALLEGATION INCRIMINEE NE POUVAIT ETRE CONSIDEREE COMME PORTANT ATTEINTE A LA CONSIDERATION DES PLAIGNANTS, SPECIALEMENT DANS LE DOMAINE PROFESSIONNEL, EN PRONONCANT, D'AUTRE PART, SUR LA FAUSSETE DU FAIT POURSUIVI COMME DIFFAMATOIRE, ET EN ADMETTANT, ENFIN, D'OFFICE, LA BONNE FOI DES RESPONSABLES DE LA PUBLICATION DE L'ARTICLE INCRIMINE ;
ALORS D'AILLEURS, SUR CE DERNIER POINT, QU'EN RAISON DE SON CARACTERE TARDIF, LA PUBLICATION D'UN ARTICLE RECTIFICATIF NE POUVAIT ETRE PRISE EN COMPTE, LA COUR D'APPEL A MECONNU LES TEXTES DE LOI ET LES PRINCIPES CI-DESSUS RAPPELES ;
QU'AINSI LA CASSATION EST ENCOURUE DE CES CHEFS ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET SUSVISE DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE, DU 7 OCTOBRE 1975, ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI :
RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE BORDEAUX.