| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 juin 1977, 75-92045

CASSATION PARTIELLE SUR LE POURVOI FORME PAR LA SOCIETE ANONYME DU CASINO DE L'ELYSEE PALACE, PARTIE CIVILE,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE RIOM (CHAMBRE DES APPELS CORRECTIONNELS), EN DATE DU 26 JUIN 1975, QUI, DANS DES POURSUITES CONTRE X... (MICHEL), DES CHEFS D'EMISSION DE CHEQUES SANS PROVISION ET DE BLOCAGE INJUSTIFIE DE LA PROVISION, A DEBOUTE LA PARTIE CIVILE DE SES DEMANDES.
LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS ;
SUR LES PREMIER ET SECOND MOYENS DE CASSATION REUNIS, ET PRIS : LE PREMIER, DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1965 ET 1967 DU CODE CIVIL, DE L'ARTICLE 1382 DU MEME CODE, ET DES ARTICLES 40, 45 ET 73 DU DECRET-LOI DU 30 OCTOBRE 1935, VIOLATION DE LA LOI DU 15 JUIN 1907 SUR L'EXPLOITATION DES JEUX DANS LES CASINOS, DU DECRET N° 59-1489 DU 22 DECEMBRE 1959 PORTANT REGLEMENTATION DES JEUX DANS LES CASINOS ET DE L'ARTICLE 34 DE L'ARRETE DU 23 DECEMBRE 1959, ENSEMBLE VIOLATION DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE CIVILE, DE L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, TOUT EN CONDAMNANT LE PREVENU POUR EMISSION DE CHEQUES SANS PROVISION ET BLOCAGE DE PROVISION, A DEBOUTE LA PARTIE CIVILE DE SON ACTION EN PAIEMENT DES CHEQUES EN REMBOURSEMENT DU COUT DES PROTETS ET EN REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DU DELIT DONT ELLE AVAIT ETE VICTIME ;
AUX MOTIFS QUE CES CHEQUES AVAIENT ETE EMIS DANS UN CASINO, QUE LEUR PLURALITE ET LEUR EMISSION DANS UN LAPS DE TEMPS ASSEZ COURT POUR DES SOMMES IMPORTANTES ET L'UTILISATION POUR LES TROIS DERNIERS CHEQUES DE FORMULES DE CHEQUES DELIVRES PAR LE CASINO CONSTITUAIENT UN ENSEMBLE DE FAITS IMPLIQUANT QUE LE BENEFICIAIRE DU CHEQUE (LE CASINO) AVAIT UN INTERET PERSONNEL A L'OPERATION DE JEU, QUE LES FONDS AVAIENT ETE REMIS POUR ALIMENTER LE JEU, ET AVAIENT ETE EFFECTIVEMENT UTILISES A CETTE DESTINATION ET QU'IL Y AVAIT LIEU EN CONSEQUENCE D'ADMETTRE L'EXCEPTION DE JEU INVOQUEE PAR LE PREVENU ;
ALORS QUE, D'UNE PART, LES ETABLISSEMENTS OU LA PRATIQUE DES JEUX EST AUTORISEE NE SAURAIENT SE VOIR OPPOSER LA DISPOSITION DE L'ARTICLE 1965 DU CODE CIVIL, ET CELA D'AUTANT MOINS QUE L'ARRETE PRECITE DU 23 DECEMBRE 1959 AUTORISE LES CASINOS A ACCEPTER LES CHEQUES EMIS PAR LES JOUEURS ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, L'ARTICLE 1965 NE PEUT TROUVER SON APPLICATION, EN TOUT ETAT DE CAUSE, QUE SI LA PREUVE EST FAITE QUE LES FONDS REMIS EN CONTREPARTIE DES CHEQUES L'ETAIENT POUR PERMETTRE LE JEU ET ONT EFFECTIVEMENT RECU CETTE DESTINATION, ET QU'UNE TELLE PREUVE NE RESULTE NI DE LEUR EMISSION DANS UN CASINO, ET DANS UN LAPS DE TEMPS ASSEZ COURT, NI DE LEUR PLURALITE, NI DE L'IMPORTANCE DES SOMMES REMISES, CES FAITS NE SUFFISANT PAS A EXCLURE L'HYPOTHESE QUE LE PRET AIT ETE CONSENTI OU UTILISE A D'AUTRES FINS QUE LE JEU ;
ALORS QU'ENFIN, L'EXCEPTION DE JEU NE POUVAIT ETRE OPPOSEE A L'ACTION CIVILE EN TANT QUE CELLE-CI TENDAIT AU REMBOURSEMENT DU COUT DES PROTETS ET A REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT DU DELIT DONT L'ETABLISSEMENT DE JEU AVAIT ETE VICTIME ;
LE SECOND, DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1965 ET 1967 DU CODE CIVIL, DE L'ARTICLE 1382 DU MEME CODE, ET DES ARTICLES 17, 34, 40, 45, 66 ET 73 DU DECRET DU 30 OCTOBRE 1935, VIOLATION DE L'ARTICLE 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DE L'ARTICLE 102 DU DECRET DU 20 JUILLET 1972 ET DE L'ARTICLE 7 DE LA LOI DU 20 AVRIL 1810, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, TOUT EN CONDAMNANT LE PREVENU POUR EMISSION DE CHEQUES SANS PROVISION ET BLOCAGE DE PROVISION, A DEBOUTE LA PARTIE CIVILE DE SON ACTION EN PAIEMENT D'UN CHEQUE DE 120000 FRANCS ;
AU MOTIF QUE CE CHEQUE AVAIT ETE EMIS AVEC D'AUTRES CHEQUES DANS UN CASINO ET QU'IL Y AVAIT LIEU D'ADMETTRE L'EXCEPTION DE JEU, INVOQUEE PAR LE PREVENU, SANS REPONDRE AUX CONCLUSIONS D'APPEL DE LA PARTIE CIVILE QUI AVAIT FAIT VALOIR QUE CE CHEQUE DE 120000 FRANCS AVAIT ETE TIRE SUR UN COMPTE QUI, LORS DE LA PRESENTATION, PRESENTAIT UN SOLDE CREDITEUR, QUE LE TIREUR ETAIT EN OUTRE TITULAIRE, A LA MEME BANQUE, D'UN AUTRE COMPTE PRESENTANT A LA MEME DATE UN SOLDE TRES POSITIF ET QUE LA BANQUE N'AVAIT REFUSE DE PAYER CE CHEQUE QU'EN RAISON DE L'OPPOSITION DU TIREUR ;
ALORS QUE L'EMISSION DU CHEQUE DANS DE TELLES CONDITIONS AYANT TRANSMIS LA PROVISION, LA REMISE DU CHEQUE EQUIVALAIT A UN PAIEMENT EFFECTIF ET QUE LE CASINO POUVAIT DONC EN POURSUIVRE LE RECOUVREMENT EN JUSTICE SANS QUE L'ARTICLE 1965 PUISSE LUI ETRE OPPOSE ;
SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SA PREMIERE ET SA DEUXIEME BRANCHES ET SUR LE SECOND MOYEN ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE X..., CLIENT DU CASINO TENU PAR LA SOCIETE ANONYME DE L'ELYSEE PALACE, A PERDU AU JEU DIVERSES SOMMES ET N'A PU CONTINUER A JOUER QU'EN OBTENANT DE LA CAISSE DE L'ETABLISSEMENT A CETTE FIN LA CONTREPARTIE EN ESPECES DE QUATRE CHEQUES EMIS PAR LUI SOIT A L'ORDRE D'UN EMPLOYE DE LA SOCIETE SOIT A L'ORDRE DE LA SOCIETE ELLE-MEME ;
QUE TROIS DE CES CHEQUES SE SONT REVELES ETRE DEPOURVUS DE TOUTE PROVISION ;
QUE LE QUATRIEME ETAIT PARTIELLEMENT PROVISIONNE MAIS A FAIT L'OBJET, DE LA PART DE X..., D'UNE INTERDICTION DE PAIEMENT ;
ATTENDU QUE, X... AYANT ETE POURSUIVI POUR INFRACTIONS AUX DISPOSITIONS DU DECRET DU 30 OCTOBRE 1935 SUR LES CHEQUES ET LA SOCIETE DE L'ELYSEE PALACE S'ETANT CONSTITUEE PARTIE CIVILE, LA COUR D'APPEL, POUR ECARTER LA DEMANDE EN REMBOURSEMENT FORMEE PAR CETTE SOCIETE, ENONCE QUE LES SOMMES OBTENUES PAR X... DE LA CAISSE DU CASINO ETAIENT DESTINEES AU JEU ET Y ONT EFFECTIVEMENT SERVI ;
ATTENDU QUE L'ETAT DE CES ENONCIATIONS QUE LES JUGES DU FOND ONT DEDUITES D'UNE APPRECIATION SOUVERAINE DES ELEMENTS DE CONVICTION SOUMIS AU DEBAT CONTRADICTOIRE, LA COUR D'APPEL, EN STATUANT AINSI QU'ELLE L'A FAIT SUR LA DEMANDE EN REMBOURSEMENT DONT ELLE ETAIT SAISIE, N'A VIOLE AUCUN DES TEXTES VISES AU MOYEN ;
QU'EN EFFET, D'UNE PART, LES DISPOSITIONS DE L'ARRETE DU 23 DECEMBRE 1959 RELATIF A LA REGLEMENTATION DES JEUX DANS LES CASINOS NE FONT PAS OBSTACLE A L'APPLICATION DES DISPOSITIONS GENERALES DE L'ARTICLE 1965 DU CODE CIVIL ;
QUE, D'AUTRE PART, SI, EN PRESENCE D'UN CHEQUE RESTE NON PAYE, SOIT QU'IL AIT ETE EMIS SANS PROVISION SOIT QUE LE TIREUR AIT FAIT DEFENSE AU TIRE DE PAYER, LE JUGE REPRESSIF EST AUTORISE A CONDAMNER LE TIREUR, AU PROFIT DU BENEFICIAIRE, AU PAIEMENT D'UNE SOMME EGALE AU MONTANT DE CE CHEQUE, IL NE PEUT LE FAIRE LORSQUE, COMME EN L'ESPECE, L'OBLIGATION POUR L'EXTINCTION DE LAQUELLE LE CHEQUE A ETE DELIVRE NE PEUT, EN RAISON DE SA CAUSE, DONNER LIEU A UNE ACTION EN JUSTICE ;
D'OU IL SUIT QUE LE PREMIER MOYEN, DANS SES PREMIERE ET DEUXIEME BRANCHES, ET LE SECOND MOYEN DOIVENT ETRE ECARTES ;
MAIS SUR LE PREMIER MOYEN PRIS EN SA TROISIEME BRANCHE ;
VU LES ARTICLES VISES AUDIT MOYEN ;
ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;
QUE LA CONTRADICTION DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;
ATTENDU, D'AUTRE PART, QUE L'ACTION CIVILE EN REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR UN DELIT APPARTIENT A TOUS CEUX QUI ONT PERSONNELLEMENT SOUFFERT DU DOMMAGE DIRECTEMENT CAUSE PAR L'INFRACTION ;
ATTENDU QUE LA COUR D'APPEL QUI, INDEPENDAMMENT DE LA DEMANDE DE REMBOURSEMENT DES CHEQUES LITIGIEUX, ETAIT SAISIE PAR LA PARTIE CIVILE D'UNE DEMANDE EN PAIEMENT DE LA SOMME DE 2500 FRANCS A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS, S'EST EXCLUSIVEMENT FONDEE, POUR REJETER CETTE DERNIERE DEMANDE, SUR L'APPLICATION DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 1965 DU CODE CIVIL ;
MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A ASSIMILE A TORT L'ACTION EN REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR LES DELITS REPROCHES A X... A L'ACTION EN REMBOURSEMENT DES CREANCES QUE LA REMISE DES CHEQUES AVAIT PRETENDU ETEINDRE ;
QU'A DEFAUT DE S'EN ETRE MIEUX EXPLIQUEE PAR DES ENONCIATIONS SPECIALES, ELLE NE POUVAIT SANS SE CONTREDIRE, ALORS QU'ELLE TENAIT POUR CONSTANTE LA COMMISSION PAR X... DES DELITS QUI LUI ETAIENT REPROCHES, ECARTER TOUTE REPARATION DU PREJUDICE QUE LE BENEFICIAIRE DES CHEQUES AVAIT PU EPROUVER DU FAIT DE CES INFRACTIONS ;
D'OU IL SUIT QUE, DE CE CHEF, LA CASSATION EST ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET ATTAQUE DE LA COUR D'APPEL DE RIOM EN DATE DU 26 JUIN 1975 MAIS DANS SES SEULES DISPOSITIONS PAR LESQUELLES IL A STATUE SUR LA DEMANDE DE DOMMAGES-INTERETS FORMEE PAR LA PARTIE CIVILE, ET POUR QU'IL SOIT STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI DANS LES LIMITES DE LA CASSATION PRONONCEE :
RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE LYON.