CASSATION SUR LE POURVOI FORME PAR LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE MAS DE CIAPPILI, PARTIE CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE BASTIA DU 13 FEVRIER 1976 QUI A CONFIRME L'ORDONNANCE DU JUGE D'INSTRUCTION REFUSANT D'INFORMER SUR SA PLAINTE CONTRE X... DES CHEFS D'ESCROQUERIE ET D'ABUS DE CONFIANCE.
LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT ;
1° SUR LA RECEVABILITE DU POURVOI : ATTENDU QUE, MEME EN L'ABSENCE DE POURVOI DU MINISTERE PUBLIC, LA PARTIE CIVILE EST RECEVABLE AUX TERMES DE L'ARTICLE 575, ALINEA PREMIER, DU CODE DE PROCEDURE PENALE, A SE POURVOIR CONTRE L'ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DISANT N'Y AVOIR LIEU A INFORMER ;
QUE TEL EST LE CAS DE L'ESPECE ET QU'IL CONVIENT DE DECLARER LE POURVOI RECEVABLE ;
2° AU FOND : SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 408 DU CODE PENAL, 7, 8, 85, 86, 575, 591 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS, DEFAUT DE REPONSE A CONCLUSIONS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE, CONFIRMANT L'ORDONNANCE ENTREPRISE, A RENDU UNE DECISION DE REFUS D'INFORMER SUR LA PLAINTE DEPOSEE PAR LA SCI MAS DE CIAPPILI CONTRE LOUIS X... ;
" AUX MOTIFS QUE D'UNE PART S'IL FAUT ADMETTRE QUE X... A ENCAISSE LES TRAITES, QU'IL DEVAIT NORMALEMENT SOIT REMETTRE SOIT DETRUIRE, POUR SE PAYER DES TRAVAUX EFFECTUES POUR LE COMPTE DE LA SCI MAS DE CIAPPILI, LES SOMMES AINSI ENCAISSEES N'ONT PAS ETE RETENUES EN VERTU DE L'UN DES CONTRATS ENUMERES PAR L'ARTICLE 498 DU CODE PENAL ;
" QUE, D'AUTRE PART, S'IL FAUT ADMETTRE QUE X... A COMMIS UN ABUS DE CONFIANCE COMME AYANT ENCAISSE DES TRAITES REMPLACEES ALORS QU'IL ETAIT CHARGE SOIT DE LES REMETTRE SOIT DE LES DETRUIRE, IL Y A LIEU DE CONSTATER QUE LES FAITS SONT PRESCRITS, L'ABUS DE CONFIANCE AYANT ETE CONSTITUE DU JOUR DE L'ENCAISSEMENT DES TRAITES, INTERVENU PLUS DE TROIS ANS AVANT LE DEPOT DE LA PLAINTE ;
" ALORS QUE, D'UNE PART, TENUE DE CONSIDERER COMME ETABLIS LES FAITS RELATES DANS LA PLAINTE, SANS POUVOIR EN CONTESTER LA REALITE NI EN MODIFIER LA PORTEE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION DEVAIT NECESSAIREMENT CONSTATER L'EXISTENCE DE L'ABUS DE CONFIANCE, LE FAIT POUR X... D'ENCAISSER DES TRAITES RENOUVELEES ALORS QU'IL ETAIT CHARGE SOIT DE LES REMETTRE AU TIREUR SOIT DE LES DETRUIRE CONSTITUANT LE DELIT D'ABUS DE CONFIANCE AU SENS DE L'ARTICLE 408 DU CODE PENAL ;
" ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, X... AYANT PRIS PRETEXTE DE LA REALISATION DE TRAVAUX AFIN DE JUSTIFIER L'ENCAISSEMENT, CE QUI A OBLIGE LA SCI MAS DE CIAPPILI A RECOURIR A UNE EXPERTISE, AINSI QUE CELLE-CI LE FAISAIT VALOIR DANS SES ECRITURES RESTEES SANS REPONSE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION ETAIT TENUE DE RECHERCHER, POUR CONSTATER L'ECOULEMENT DU DELAI DE PRESCRIPTION, A COMPTER DE QUELLE DATE LA SCI MAS DE CIAPPILI A PU EFFECTIVEMENT CONSTATER L'EXISTENCE DE L'ABUS DE CONFIANCE ", VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ARTICLES 85 ET 86 DU CODE DE PROCEDURE PENALE QUE LE JUGE D'INSTRUCTION REGULIEREMENT SAISI D'UNE PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE A, QUELLES QUE SOIENT LES REQUISITIONS PRISES PAR LE MINISTERE PUBLIC AU VU DE LA COMMUNICATION PRESCRITE PAR L'ALINEA PREMIER DE L'ARTICLE 86 SUSVISE, LE DEVOIR D'INSTRUIRE DANS TELLE MESURE QU'IL APPARTIENT ;
QUE CETTE OBLIGATION NE CESSE, SUIVANT LES DISPOSITIONS DE L'ALINEA 3 DU MEME ARTICLE, QUE SI, POUR DES CAUSES AFFECTANT L'ACTION PUBLIQUE ELLE-MEME, LES FAITS NE PEUVENT LEGALEMENT COMPORTER UNE POURSUITE OU SI, A SUPPOSER CES FAITS DEMONTRES, ILS NE PEUVENT ADMETTRE AUCUNE QUALIFICATION PENALE ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QU'A LA DATE DU 20 MARS 1975, LA SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE MAS DE CIAPPILI A DEPOSE PLAINTE CONTRE LOUIS X... DES CHEFS D'ESCROQUERIE ET D'ABUS DE CONFIANCE ET S'EST CONSTITUEE PARTIE CIVILE ;
QUE, DANS SA PLAINTE, LADITE SOCIETE EXPOSAIT QU'EN PAIEMENT DE TRAVAUX EFFECTUES PAR X..., ELLE AVAIT ACCEPTE DEUX LETTRES DE CHANGE D'UN MONTANT RESPECTIF DE 50000 ET 65586,89 FRANCS, TOUTES DEUX A ECHEANCE DU 31 AOUT 1971 ;
QU'A LA SUITE DU RETARD APPORTE A L'EXECUTION DES TRAVAUX, LES PARTIES ETAIENT CONVENUES DE REPORTER L'ECHEANCE AU 30 SEPTEMBRE 1971 ET QU'A CETTE FIN, UNE NOUVELLE LETTRE DE CHANGE D'UN MONTANT DE 115586,89 FRANCS AVAIT ETE ACCEPTEE PAR LA SOCIETE DEBITRICE A QUI X... AVAIT DONNE L'ASSURANCE QUE LES DEUX PREMIERS EFFETS SERAIENT DETRUITS ;
QUE, CEPENDANT, X..., SURPRENANT LA BONNE FOI DE SA CLIENTE, AVAIT ENCAISSE NON SEULEMENT LA TRAITE A ECHEANCE DU 30 SEPTEMBRE 1971 MAIS ENCORE LES DEUX AUTRES PRECEDENTS EFFETS QU'ELLE REMPLACAIT, PERCEVANT AINSI DEUX FOIS LE PRIX DE SES TRAVAUX ;
QU'ASSIGNE EN REMBOURSEMENT DU TROP PERCU, X... AVAIT FINI PAR DEPOSER SON BILAN ;
ATTENDU QUE PAR ORDONNANCE DU 7 NOVEMBRE 1975, LE JUGE D'INSTRUCTION SAISI DE L'AFFAIRE A DECLARE QU'IL N'Y AVAIT LIEU D'INFORMER ;
QUE POUR CONFIRMER DANS SON PRINCIPE CETTE DECISION QUI AVAIT ETE FRAPPEE D'APPEL PAR LA PARTIE CIVILE, LA CHAMBRE D'ACCUSATION CONSTATE QU'A LA DATE DE LA PLAINTE, L'ACTION PUBLIQUE ETAIT ETEINTE PAR LA PRESCRIPTION ;
QU'ELLE PRECISE QUE LES FAITS DELICTUEUX EXPOSES DANS CETTE PLAINTE, A LES SUPPOSER DEMONTRES, REMONTERAIENT A PLUS DE TROIS ANS AVANT LE 20 MARS 1975 ;
QU'A L'APPUI DE SA DECISION LA CHAMBRE D'ACCUSATION, APRES AVOIR RELEVE QUE LES MANOEUVRES FRAUDULEUSES ALLEGUEES AURAIENT ETE EMPLOYEES PAR X... POUR OBTENIR L'ACCEPTATION DE LA TROISIEME TRAITE, C'EST-A-DIRE ANTERIEUREMENT AU 30 SEPTEMBRE 1971, DATE D'ECHEANCE DE CET EFFET, SE BORNE A ENONCER QUE LE DETOURNEMENT FRAUDULEUX DES PREMIERES TRAITES, DEVENUES SANS VALEUR APRES LEUR REMPLACEMENT, A ETE CONSTITUE LE JOUR MEME OU X..., AU LIEU DE RENDRE OU DE DETRUIRE CES EFFETS, EN A ENCAISSE LE MONTANT A LEUR ECHEANCE, SOIT PLUS DE TROIS ANS AVANT LE DEPOT DE LA PLAINTE ;
MAIS ATTENDU QUE, POUR DETERMINER LE POINT DE DEPART DE LA PRESCRIPTION, LA JURIDICTION D'INSTRUCTION AURAIT DU PROCEDER A UNE INFORMATION PREALABLE AFIN DE RECHERCHER LA DATE A LAQUELLE LES FAITS D'ABUS DE CONFIANCE DENONCES SERAIENT PARVENUS A LA CONNAISSANCE DE LA PARTIE CIVILE ;
QU'EN EFFET, EN MATIERE D'ABUS DE CONFIANCE, LE POINT DE DEPART DE LA PRESCRIPTION TRIENNALE DOIT ETRE FIXE AU JOUR OU LE DELIT EST APPARU ET A PU ETRE CONSTATE ;
QU'AINSI LA COUR A MECONNU LES TEXTES CI-DESSUS VISES ET N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL DE BASTIA DU 13 FEVRIER 1976 ET, POUR QU'IL SOIT STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA CHAMBRE D'ACCUSATION DE LA COUR D'APPEL D'AIX EN PROVENCE.