Sur les deux premiers moyens et la seconde branche du troisième moyen réunis :
Vu les articles 455 du nouveau Code de procédure civile, L. 132-1 du Code du travail et 42 de la convention collective nationale de travail des journalistes du 2 mai 1968 ;
Attendu que la société américaine Time Incorporated, qui, après avoir, dès 1958, employé à Rome Bavagnoli, de nationaliité italienne, l'avait affecté à sa filiale française, la société Time Life Press Agency (TLPA) en qualité de reporter-photographe à compter du 1er août 1964, l'a licencié le 1er janvier 1972 et lui a versé à cette occasion une indemnité de licenciement ne prenant en considération que les services accomplis par lui entre ces deux dernières dates ; que, se fondant sur la convention collective nationale de travail des journalistes, il a alors demandé paiement à la société française, d'une part d'un complément d'indemnité de licenciement, compte tenu d'une ancienneté remontant à 1958, d'autre part des frais de son rapatriement en Italie ;
Attendu que, pour le débouter de ces demandes, l'arrêt attaqué "énonce en premier lieu que Bavagnoli avait reconnu n'avoir été que pigiste jusqu'à son engagement par la société TLPA et que, par suite, son ancienneté comme journaliste salarié, bénéficiaire à ce titre de la convention collective, ne pouvait être retenue que pour le temps qu'il avait passé au service de celle-ci ; qu'il relève, en outre, que l'intéressé ne justifiait pas avoir conclu avec elle l'accord précis que prévoit l'article 42 de la convention collective quant aux "conditions d'envoi et de séjour à l'étranger, de déplacement et de rapatriement d'un journaliste" et que, au surplus, il n'avait pas, en fait, effectué le changement de résidence pouvant donner lieu, selon le même texte, au remboursement des frais assumés par le journaliste ;
Attendu cependant que, par un précédent arrêt devenu définitif, la Cour d'appel avait constaté, non point que Bavagnoli avait été pigiste en Italie, mais qu'il avait travaillé pour la revue Life en qualité de reporter-photographe et que, lorsque la société Time Incorporated avait fermé son bureau de Rome, elle lui avait offert de continuer son activité à Paris à la TLPA, ce qu'il avait fait et ce dont il pouvait résulter que c'était le même contrat de travail qui s'était, en principe, poursuivi et liait l'intéressé avec les deux sociétés, américaine et française ; que, dans cette hypothèse, il importait de rechercher, d'une part, pour apprécier l'ancienneté de Bavagnoli, si les services qu'il avait accomplis à l'étranger en exécution d'un contrat qui y avait été conclu entre étrangers, pouvaient être pris en compte dans les termes de la convention collective, d'autre part si, à défaut de stipulation particulière et plus avantageuse de ce contrat quant aux changements de résidence de l'intéressé, les dipositions de l'article 42 de la convention collective pouvaient recevoir application ; que les juges d'appel, qui se sont contredits et n'ont pas mis la Cour de Cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'ont ni satisfait aux exigences du premier des textes susvisés, ni légalement justifié leur décision ;
Et sur la première branche du troisième moyen :
Vu l'article 1382 du Code civil ; Attendu que Bagnoli demandait également à la société française de l'indemniser du préjudice que lui avait causé la perte de photographies prises par lui avant 1964 et qu'il lui avait confiées ; Attendu que pour déclarer irrecevable cette demande, l'arrêt énonce que l'action de Bagnoli n'est dirigée que contre la société Time Life Press Agency et qu'il n'a pas mis en cause la société Time Incorporated qui l'employait avant le 1er août 1964 ; Qu'en statuant ainsi, sans rechercher dans quelles circonstances et à quelles fins ces photographies avaient été remises par Bagnoli à la société Time Life Press Agency à laquelle la société Time Incorporated l'avait muté et si, compte tenu des dates auxquelles elles avaient été prises, la société Time Incorporated disposait sur elles d'un droit justifiant sa mise en cause, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu entre les parties le 8 janvier 1975 par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans.