CASSATION PARTIELLE SUR LE POURVOI FORME PAR LA SOCIETE DES HUILES VEEDOL-FRANCE, PARTIE CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, 11EME CHAMBRE, DU 3 DECEMBRE 1971, QUI A REJETE SA DEMANDE DE REPARATIONS CIVILES CONTRE X... (JEAN), Y... (JEAN), Z... (MARCEL), PREVENUS DE CORRUPTION D'EMPLOYES ET LA SOCIETE LABO-INDUSTRIE CIVILEMENT RESPONSABLE. LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 179, 59 ET 60 DU CODE PENAL, 1134, 1226 ET SUIVANTS, 1142, 1189 ET 1302 DU CODE CIVIL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT ET CONTRADICTION DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, DENATURATION DE LA CLAUSE CLAIRE D'UN CONTRAT, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RELAXE LES PREVENUS DES FINS DE LA POURSUITE ET DEBOUTE LA PARTIE CIVILE DE SES DEMANDES ;
" AUX MOTIFS QUE SI LES PREVENUS ONT FAIT DES OFFRES OU PROMESSES AUX REPRESENTANTS DE VEEDOL-FRANCE AFIN DE LES INCITER A QUITTER LEUR EMPLOYEUR, CELLES-CI N'ONT PAS EU POUR BUT LA RUPTURE ILLICITE DU CONTRAT DE TRAVAIL, QU'EN EFFET, SI LA CLAUSE INSEREE AU CONTRAT, RELATIVE AU VERSEMENT PAR L'UNE OU L'AUTRE PARTIE D'UNE SOMME DE 20000 F EN CAS DE RUPTURE UNILATERALE DU CONTRAT DE TRAVAIL, A ETE QUALIFIEE PAR LES PARTIES DE " CLAUSE PENALE ", IL RESULTE DU FAIT QUE CETTE CLAUSE POUVAIT JOUER EN CAS DE RUPTURE " POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT ", DONC MEME EN CAS DE FORCE MAJEURE OU DE MALADIE PROLONGEE, QU'IL NE S'AGISSAIT PAS EN REALITE D'UNE CLAUSE PENALE, LAQUELLE NE PEUT JOUER QU'AU CAS DE FAUTE DU DEBITEUR DE L'OBLIGATION, QUE LA CLAUSE PENALE LAISSE AU CREANCIER DE L'OBLIGATION LE DROIT D'AGIR EN JUSTICE EN VUE D'OBTENIR L'EXECUTION DE L'OBLIGATION PRINCIPALE, CE QUI N'EST PAS LE CAS EN L'ESPECE, QU'ON SE TROUVE EN REALITE EN PRESENCE D'UNE CLAUSE INSTAURANT DEUX POSSIBILITES ALTERNATIVES, SOIT EXECUTER LE CONTRAT, SOIT PAYER 20000 F, ET QUE LE CHOIX DE LA SECONDE N'IMPLIQUE PAS L'ILLICEITE DE LA RUPTURE DUDIT CONTRAT, QUE CETTE ANALYSE EST CONFORTEE PAR LE MONTANT ANORMALEMENT ELEVE DE LA SOMME STIPULEE EN CAS DE RUPTURE UNILATERALE DU CONTRAT, QU'IL IMPORTE PEU QUE LE VERSEMENT DES 20000 F AIT OU N'AIT PAS EU LIEU SPONTANEMENT ET QU'IL AIT ETE EFFECTUE PAR LA SOCIETE LABO ET QU'ENFIN SI LES PARTIES AVAIENT VOULU DONNER UN CARACTERE DEFINITIF ET IRREMEDIABLE A L'ENGAGEMENT, S'AGISSANT D'UN CONTRAT A DUREE DETERMINEE, IL LEUR AURAIT SUFFI DE LE SPECIFIER NETTEMENT, SANS QU'IL SOIT NECESSAIRE DE RECOURIR A UNE CLAUSE PENALE ;
" ALORS, D'UNE PART, QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 1226 DU CODE CIVIL, " LA CLAUSE PENALE EST CELLE PAR LAQUELLE UNE PERSONNE, POUR ASSURER L'EXECUTION D'UNE CONVENTION, S'ENGAGE A QUELQUE CHOSE EN CAS D'INEXECUTION ", QU'AINSI LA PEINE STIPULEE PAR LA CLAUSE PENALE SANCTIONNE NON PAS LA " FAUTE " DU DEBITEUR MAIS L'INEXECUTION DE L'OBLIGATION, QUE SI LA PEINE N'EST PAS EN PRINCIPE ENCOURUE LORSQUE L'INEXECUTION PROVIENT D'UN CAS FORTUIT OU D'UNE FORCE MAJEURE, CETTE REGLE N'EST PAS ESSENTIELLE A LA CLAUSE ET LES PARTIES SONT LIBRES D'EN DECIDER AUTREMENT, A LA CONDITION QUE CETTE STIPULATION SOIT EXPRESSE (CF ART 1302, ALINEA 2 DU CODE CIVIL), ET QU'EN L'ESPECE, LA STIPULATION " POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT ", N'EXCLUT PAS EXPRESSEMENT LE CAS DE FORCE MAJEURE MAIS QUE, EN SERAIT-IL AUTREMENT, COMME L'A DECIDE L'ARRET ATTAQUE, LA CLAUSE LITIGIEUSE NE PERDRAIT PAS POUR AUTANT SON CARACTERE DE CLAUSE PENALE ;
" ALORS, D'AUTRE PART, QU'IL NE RESULTE PAS DAVANTAGE DE LA CLAUSE LITIGIEUSE QUE LE DROIT D'OPTION SOIT REFUSE AU CREANCIER MAIS QUE CE REFUS, EN CE QUI CONCERNE L'EXECUTION FORCEE DU CONTRAT, DECOULE NATURELLEMENT DE CE QU'IL S'AGIT DE SANCTIONNER L'INEXECUTION D'UNE OBLIGATION DE FAIRE, SE RESOLVANT EN DOMMAGES-INTERETS (CF ART 1142 DU CODE CIVIL) ;
" ALORS, DE TROISIEME PART, QUE LA CIRCONSTANCE QUE LA " PEINE " SOIT FORFAITAIRE ET QUE SON MONTANT SOIT ELEVE PROUVE SEULEMENT LE PRIX QUE LES PARTIES ATTACHAIENT A L'EXECUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE DETERMINEE ;
" ALORS ENFIN, QU'EN PASSANT UN CONTRAT A DUREE DETERMINEE, LES PARTIES ONT PAR LA MEME MANIFESTE LEUR VOLONTE QU'IL SOIT DEFINITIF ET IRREVOCABLE ET QUE L'INSERTION DANS LE CONTRAT D'UNE CLAUSE PENALE NE MODIFIE PAS SON CARACTERE ;
" ALORS AU SURPLUS, QUE MEME SI L'ON SE TROUVAIT EN PRESENCE D'UNE OBLIGATION ALTERNATIVE, IL RESTERAIT QUE SEUL LE PAYEMENT DES 20000 F AURAIT PU LIBERER LE DEBITEUR DE SON OBLIGATION DE FAIRE ET QU'EN L'ESPECE LE DELIT A ETE CONSOMME AVANT TOUT PAYEMENT DE CETTE SOMME " ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR DES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;
QUE L'INSUFFISANCE OU LA CONTRADICTION DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QU'IL ETAIT REPROCHE AUX PREVENUS X..., Y... ET Z... D'AVOIR USE DE PROMESSES, OFFRES, DONS OU PRESENTS POUR OBTENIR DE PLUSIEURS EMPLOYES DE LA SOCIETE DES HUILES VEEDOL-FRANCE, A L'INSU ET SANS LE CONSENTEMENT DE LEUR PATRON, QU'ILS QUITTENT IMMEDIATEMENT LEUR EMPLOI ET CESSENT PAR SUITE D'ACCOMPLIR AVANT LE TERME CONVENU LES OBLIGATIONS DE LEUR CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE DETERMINEE ;
ATTENDU QUE, POUR PRONONCER LA RELAXE DESDITS PREVENUS, ET SE DECLARER PAR SUITE, ET D'AILLEURS IMPROPREMENT, " INCOMPETENTE " POUR STATUER SUR L'ACTION CIVILE EXERCEE PAR LA SOCIETE DEMANDERESSE, LA COUR D'APPEL S'EST FONDEE SUR UNE INTERPRETATION DU CONTRAT DE TRAVAIL SUSMENTIONNE POUR EN DEDUIRE QUE, BIEN QUE LEDIT CONTRAT FUT CONCLU POUR UNE DUREE DETERMINEE, L'UNE DE SES CLAUSES AUTORISAIT LES EMPLOYES INTERESSES A S'EN DEGAGER A TOUT MOMENT MOYENNANT LE PAYEMENT D'UN DELIT, CETTE CLAUSE " INSTAURANT PRATIQUEMENT DANS LE CADRE DU CONTRAT DEUX POSSIBILITES ALTERNATIVES, SOIT L'EXECUTION JUSQU'AU TERME FIXE, SOIT LE PAYEMENT DE 20000 F " ;
MAIS ATTENDU QU'ANALYSANT AVANT DE L'INTERPRETER LE CONTRAT LITIGIEUX, L'ARRET AVAIT ANTERIEUREMENT PRECISE " QUE LES REPRESENTANTS EN QUESTION ETAIENT LIES A VEEDOL-FRANCE PAR UN CONTRAT A DUREE DETERMINEE, VALABLE POUR LA PERIODE DU 1ER MAI AU 21 DECEMBRE 1961 ET ASSORTI D'UNE CLAUSE AUX TERMES DE LAQUELLE IL ETAIT CONVENU QUE LE REPRESENTANT CONCERNE DEVRAIT VERSER A LA SOCIETE A TITRE DE CLAUSE PENALE UNE SOMME DE 20000 F POUR LE CAS OU IL ROMPRAIT SON CONTRAT AVANT L'ARRIVEE DE SON TERME ET CELA POUR QUELQUE CAUSE QUE CE SOIT, TANDIS QUE LA SOCIETE VEEDOL-FRANCE S'ENGAGEAIT DE SON COTE A VERSER UNE SOMME IDENTIQUE SI ELLE-MEME ROMPAIT SON ENGAGEMENT AVANT SON TERME " ;
ATTENDU CEPENDANT QUE LES JUGES N'ONT PU, SANS SE CONTREDIRE ET VIOLER LES TEXTES VISES AU MOYEN, STATUER AINSI QU'ILS L'ONT FAIT ;
QU'EN EFFET, LA CONVENTION LITIGIEUSE, TELLE QU'ELLE A ETE ANALYSEE PAR L'ARRET LUI-MEME, ETAIT EXEMPTE D'AMBIGUITE ;
QUE, LOIN D'INSTITUER A LA CHARGE DE CHACUN DES CONTRACTANTS UNE OBLIGATION ALTERNATIVE, ELLE CONSTATAIT A TITRE PRINCIPAL L'EXISTENCE D'UN CONTRAT DE TRAVAIL A DUREE DETERMINEE ASSORTI EXPRESSEMENT D'UNE CLAUSE PENALE APPELEE A S'APPLIQUER, SELON LES PROPRES TERMES DE L'ARRET, " EN CAS DE RUPTURE BRUSQUE ET UNILATERALE DU CONTRAT " ;
QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 1229 DU CODE CIVIL, LA CLAUSE PENALE ET " LA COMPENSATION DES DOMMAGES ET INTERETS QUE LE CREANCIER SOUFFRE DE L'INEXECUTION DE L'OBLIGATION PRINCIPALE " ;
QU'ELLE NE SAURAIT PAR SUITE ETRE INTERPRETEE COMME LEGITIMANT UNE INEXECUTION DONT ELLE TENAIT SEULEMENT A REPARER LES CONSEQUENCES ;
D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT DANS SES DISPOSITIONS CIVILES, L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS DU 3 DECEMBRE 1971, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION INTERVENUE : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE ROUEN