CASSATION PARTIELLE SUR LE POURVOI DU SYNDICAT CFDT D'EVREUX, PARTIE CIVILE, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE ROUEN, CHAMBRE CORRECTIONNELLE, EN DATE DU 8 NOVEMBRE 1971, QUI, DANS DES POURSUITES CONTRE X... (PIERRE), POUR INFRACTION A L'ARTICLE 1ER, A, DU LIVRE III DU CODE DU TRAVAIL ET A L'ARTICLE 18 DE LA LOI DU 16 AVRIL 1946 FIXANT LE STATUT DES DELEGUES DU PERSONNEL DANS LES ENTREPRISES, L'A DEBOUTE DE SA DEMANDE. LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 18 DE LA LOI DU 16 AVRIL 1946, 1A ET 55 DU LIVRE III DU CODE DU TRAVAIL, 1ER ET 15 DE LA LOI DU 27 DECEMBRE 1968, 24 DE L'ORDONNANCE DU 22 FEVRIER 1945, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, " EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A RELAXE X... DES FINS DE LA POURSUITE POUR ENTRAVE A LA LIBERTE SYNDICALE ET ATTEINTE A LA LIBRE DESIGNATION DES DELEGUES DU PERSONNEL ;
" AUX MOTIFS QUE L'EMPLOYEUR N'AURAIT PAS ETE INFORME SUIVANT LES MODALITES PREVUES PAR L'ARTICLE 16 DE LA LOI DU 16 AVRIL 1946 DE LA CANDIDATURE DE DELEGUES DU PERSONNEL ET QU'IL AFFIRMAIT AVOIR IGNORE L'ACTIVITE SYNDICALE DU SALARIE LICENCIE JUSQU'AU JOUR OU DES TRACTS FURENT DISTRIBUES DANS SON ENTREPRISE ;
QUE LA LETTRE DE LICENCIEMENT NE VISAIT AUCUNEMENT L'ACTIVITE SYNDICALE ET QUE LES DECLARATIONS DES DELEGUES AVAIENT ETE CONTRADICTOIRES QUANT AU MOTIF DU LICENCIEMENT ;
" ALORS QUE, D'UNE PART, LE FAIT QUE L'EMPLOYEUR N'AURAIT PAS ETE INFORME SUIVANT LES MODALITES PREVUES PAR LA LOI DU 16 AVRIL 1946 ETAIT INSUFFISANT POUR ETABLIR QU'IL N'AVAIT PAS MIS OBSTACLE AUX ELECTIONS DE DELEGUES DU PERSONNEL ;
QUE L'AFFIRMATION PAR L'EMPLOYEUR, DE L'IGNORANCE DE L'ACTIVITE SYNDICALE NE POUVAIT SUFFIRE A ETABLIR CETTE IGNORANCE, CE D'AUTANT PLUS QUE L'ARRET CONSTATE QUE CETTE IGNORANCE N'AVAIT PU SUBSISTER APRES LA DISTRIBUTION DE TRACTS DONT IL N'EST PAS RELEVE QU'ELLE AIT ETE POSTERIEURE AUX FAITS INCRIMINES ;
" ALORS SURTOUT QUE L'ARRET CONSTATE LUI-MEME QUE L'EXAMEN DES DATES DE LICENCIEMENT DU SALARIE, DES CONDITIONS DANS LESQUELLES CE LICENCIEMENT AVAIT ETE EFFECTUE ET LES PROPOS QUE L'EMPLOYEUR AVAIT TENUS APRES CE LICENCIEMENT PERMETTAIENT DE PENSER QUE L'EMPLOYEUR S'ETAIT OPPOSE A LA CREATION D'UNE SECTION SYNDICALE DANS SON ENTREPRISE ET AVAIT FAIT OBSTACLE A LA DESIGNATION DE DELEGUES DU PERSONNEL, CE QUI CARACTERISAIT LES INFRACTIONS QUE L'ARRET ATTAQUE A REFUSE DE SANCTIONNER " ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE TOUT JUGEMENT OU ARRET DOIT CONTENIR LES MOTIFS PROPRES A JUSTIFIER LA DECISION ;
QUE LA CONTRADICTION DES MOTIFS EQUIVAUT A LEUR ABSENCE ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'EXPOSE DES FAITS CONTENU DANS LE JUGEMENT ET EXPRESSEMENT REPRIS PAR L'ARRET ATTAQUE QUE, LES 21 ET 22 JUILLET 1970, ONT EU LIEU DES REUNIONS AYANT POUR OBJET LA CONSTITUTION D'UNE SECTION SYNDICALE DE LA CFDT AU SEIN DE L'ETABLISSEMENT " EX VERNON DISTRIBUTION " A VERNON ET LA PREPARATION D'ELECTION DE DELEGUES DU PERSONNEL ;
QUE CES REUNIONS AVAIENT ETE TENUES A L'INITIATIVE DE Y... MICHEL, CHEF-MAGASINIER DE CET ETABLISSEMENT, ET QUE CELUI-CI DEVAIT SE PORTER CANDIDAT A CES ELECTIONS EN QUALITE DE DELEGUE SUPPLEANT ;
QUE, LE 24 JUILLET 1970, X..., DIRECTEUR DES MAGASINS, A FAIT SAVOIR A Y... QU'IL L'AVAIT LICENCIE ET LUI A INTERDIT DE SE REPRESENTER LE MEME JOUR A LA REPRISE DU TRAVAIL EN LUI INDIQUANT QU'IL LUI AVAIT ENVOYE, LA VEILLE, UNE LETTRE RECOMMANDEE RELATIVE A CE LICENCIEMENT QUI A ETE ULTERIEUREMENT MAINTENU ;
QUE LE MOTIF INVOQUE ETANT LA SUPPRESSION DE L'EMPLOI DE Y..., CELUI-CI A SOLLICITE SON MAINTIEN EN FONCTION DANS UN POSTE DE NIVEAU INFERIEUR MAIS S'EST HEURTE AU REFUS DU DIRECTEUR ;
QUE " SELON LES DECLARATIONS DU TEMOIN Z..., X..., AYANT QUELQUES JOURS APRES LE LICENCIEMENT DE L'INTERESSE, REUNI L'ENSEMBLE DU PERSONNEL, A FAIT SAVOIR A CELUI-CI QUE, S'IL Y AVAIT DES QUESTIONS A DEBATTRE ENTRE LE PERSONNEL ET LA DIRECTION, LES EMPLOYES POUVAIENT ALLER LE TROUVER A SON BUREAU SANS INTERMEDIAIRE ET QUE, SI LA SITUATION L'EXIGEAIT, D'AUTRES PERSONNES POURRAIENT ETRE MISES A LA PORTE ;
QUE, SI PLUSIEURS EMPLOYES ONT DECLARE IGNORER SI X... AVAIT EU, AVANT SA DECISION, CONNAISSANCE DE L'ACTIVITE SYNDICALE DE Y..., LA DAME A... A SIGNALE QUE LE BRUIT S'EN ETAIT REPANDU ASSEZ RAPIDEMENT ET QU'EN TOUT CAS UN GRAND NOMBRE D'EMPLOYES SE SONT DECLARES CONVAINCUS QUE LE CONGEDIEMENT DE Y... ETAIT EN RELATION AVEC SON ACTIVITE SYNDICALE ;
QUE, D'AILLEURS, A LA SUITE DE CETTE MESURE, LES PROJETS FORMES AU COURS DES REUNIONS DES 21 ET 22 JUILLET N'ONT RECU AUCUNE SUITE OFFICIELLE " ;
QUE L'ARRET PRECISE ENCORE, PAR SES MOTIFS PROPRES, " QUE L'EXAMEN DES DATES DE LICENCIEMENT DE Y..., DES CONDITIONS DANS LESQUELLES CELUI-CI A ETE EFFECTUE ET DES PROPOS QUE X... AURAIT TENUS APRES CE LICENCIEMENT PERMET DE PENSER QUE LE PREVENU S'EST OPPOSE A LA CREATION D'UNE SECTION SYNDICALE DANS SON ENTREPRISE ET A FAIT OBSTACLE A LA DESIGNATION DE DELEGUES DU PERSONNEL " ;
ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES ENONCIATIONS, D'OU IL RESULTE QUE X... A, D'UNE PART, PRIS EN CONSIDERATION L'APPARTENANCE A UN SYNDICAT OU L'EXERCICE D'UNE ACTIVITE SYNDICALE POUR ARRETER SA DECISION DE CONGEDIEMENT DE Y..., ET A, D'AUTRE PART, PORTE ATTEINTE A LA LIBRE DESIGNATION DES DELEGUES DU PERSONNEL, LA COUR D'APPEL N'A PU, SANS ENTRER EN CONTRADICTION AVEC SES PROPRES CONSTATATIONS, DEBOUTER LE SYNDICAT CFDT, PARTIE CIVILE, DE SON ACTION FONDEE SUR LES INFRACTIONS PREVUES ET REPRIMEES PAR LES ARTICLES 1A ET 55 DU LIVRE III DU CODE DU TRAVAIL, 16 ET 18 DE LA LOI DU 16 AVRIL 1946 FIXANT LE STATUT DES DELEGUES DU PERSONNEL DANS LES ENTREPRISES ;
QU'EN EFFET, ET NOTAMMENT, IL RESULTE DES TERMES GENERAUX DE L'ARTICLE 18 PRECITE DE LA LOI DU 16 AVRIL 1946 QUE LE DELIT PREVU PAR CE TEXTE PEUT ETRE REALISE NON SEULEMENT PAR LE LICENCIEMENT IRREGULIER DE DELEGUES DU PERSONNEL, TITULAIRES OU SUPPLEANTS, DES ANCIENS DELEGUES OU DES CANDIDATS A CES FONCTIONS AU REGARD DES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 16 DE LA MEME LOI, MAIS PAR TOUT MOYEN ;
D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN DOIT ETRE ACCUEILLI ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE ROUEN, EN DATE DU 8 NOVEMBRE 1971, MAIS DANS SES SEULES DISPOSITIONS CIVILES, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES, ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI ET DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'AMIENS