| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 octobre 1972, 71-93225

CASSATION SUR LE POURVOI FORME PAR : X... (JOSE), FEMME Y... (ALBERTINE), EPOUSE X..., PARTIES CIVILES, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL D'ORLEANS, EN DATE DU 29 OCTOBRE 1971, QUI A PARTAGE PAR MOITIE LA RESPONSABILITE CIVILE ENTRE ELLES-MEMES ET Z... (JACQUES), CONDAMNE POUR BLESSURES INVOLONTAIRES ET INFRACTION AU CODE DE LA ROUTE, ET QUI A RENVOYE L'AFFAIRE DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL DE TOURS POUR ETRE STATUE SUR LA REPARATION DU PREJUDICE CORPOREL DE DAME X.... LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;

SUR LE

SECOND MOYEN DE CASSATION :

DECIDANT EGALEMENT QUE CELLE-CI AVAIT CONTRIBUE DANS LA MEME PROPORTION A LA REALISATION DU DOMMAGE DONT ELLE DEMANDAIT REPARATION ;

"AUX MOTIFS QU'EN CE QUI CONCERNE X... JOSE, IL CONVIENT DE RETENIR A SA CHARGE AU MOINS DEUX IMPRUDENCES GRAVES, LA PREMIERE AYANT CONSISTE A CONTINUER SA ROUTE DANS DES CONDITIONS PRECAIRES ET, PAR CONSEQUENT, DANGEREUSES, ALORS QU'IL SE SAVAIT, PAR UNE PREMIERE ALERTE, MENACE D'UNE PANNE TOTALE DE LUMIERE ;

QUE CETTE DEFAILLANCE MECANIQUE, QUE, PAR SA NATURE MEME AUSSI BIEN QUE PAR SON DEBUT DE REALISATION, IL AVAIT LA POSSIBILITE DE PREVOIR ET DE PREVENIR, NE SAURAIT CONSTITUER UN CAS DE FORCE MAJEURE ;

"QU'UNE SECONDE FAUTE DE SA PART A CONSISTE, LA PANNE TOTALE DE LUMIERE ETANT SURVENUE, A NE PAS S'ETRE IMMOBILISE ENTIEREMENT SUR L'ACCOTEMENT QUI LE PERMETTAIT, AU LIEU DE SE PLACER A CHEVAL PARTIE SUR L'ACCOTEMENT, PARTIE SUR LA CHAUSSEE, CONTREVENANT AINSI AUX DISPOSITIONS DES ARTICLES R. 36 ET R. 37 DU CODE DE LA ROUTE ;

"QU'EN CE QUI CONCERNE DAME X..., LE FAIT PAR ELLE D'ETRE RESTEE SUR LA CHAUSSEE, AU LIEU DE MONTER SUR LE BAS-COTE, ALORS QU'ELLE VOYAIT VENIR A SA RENCONTRE UNE VOITURE NORMALEMENT ECLAIREE, A CONSTITUE DE SA PART UNE IMPRUDENCE GRAVE, LA FAIBLE LUMIERE DE LA LAMPE DE POCHE QU'ELLE TENAIT A LA MAIN POUVANT PRETER A CONFUSION OU MEME, COMME EN L'ESPECE, ETANT DONNE LA PLUIE QUI TOMBAIT, NE PAS ETRE APERCUE DU CONDUCTEUR Z... QUI SURVENAIT ;

"ALORS, D'UNE PART, QUE, SI LE DEMANDEUR A CONTINUE SA ROUTE C'EST QU'IL ETAIT PROTEGE PAR LA 204 DE A... ET QUE L'HEURE TARDIVE NE PERMETTAIT PAS UN DEPANNAGE IMMEDIAT, MAIS QU'IL AVAIT L'INTENTION DE S'ARRETER A TOURS ;

"QUE LE FAIT QUE LES FEUX DE LA REMORQUE DE CAMPING SE SOIENT ARRETES DE FONCTIONNER N'IMPLIQUAIT NULLEMENT QUE TOUT LE DISPOSITIF D'ECLAIRAGE ET D'ALLUMAGE ALLAIT TOMBER EN PANNE, CETTE PANNE BRUTALE CONSTITUANT BIEN UN CAS DE FORCE MAJEURE ;

"QU'AU SURPLUS, LES PREMIERS JUGES AVAIENT CONSTATE QUE LA REMORQUE ETAIT REGULIEREMENT MUNIE A L'ARRIERE DE DEUX TRIANGLES REFLECHISSANTS ;

"ALORS, D'AUTRE PART, QUE L'ARRET TOTAL DE L'ALLUMAGE N'A PAS PERMIS AU DEMANDEUR DE REMETTRE SON MOTEUR EN MARCHE POUR MONTER SUR L'ACCOTEMENT COMPLETEMENT ;

QU'IL AVAIT VAINEMENT ESSAYE AVEC L'AIDE DE SA FEMME ET DE A..., DE LE POUSSER SUR LA BERNE, MAIS QU'IL N'EMPIETAIT SUR LA ROUTE QUE DE 60 CM ET ETAIT EN TRAIN DE SE FAIRE REMORQUER PAR LA 204 DE A..., QUI L'AURAIT CONDUIT DANS UN CHEMIN SECONDAIRE TOUT PROCHE ;

"QU'EN CONSEQUENCE, AINSI QUE L'AVAIENT DECIDE LES PREMIERS JUGES PAR DES MOTIFS PERTINENTS, IL N'AVAIT COMMIS AUCUNE FAUTE ET NE POUVAIT SE VOIR REPROCHER UNE CONTRAVENTION AUX ARTICLES R. 36 ET R. 37 DU CODE DE LA ROUTE, LA COUR AYANT COMMIS UNE ERREUR DE QUALIFICATION QUI DOIT ENTRAINER LA CASSATION DE L'ARRET ATTAQUE ;

"ALORS, ENFIN, QU'EN CE QUI CONCERNE LA DEMANDERESSE, IL ETAIT NORMAL QU'ELLE BALISE L'OBSTACLE, DAME A... S'ETANT PLACEE A L'AVANT ET ELLE A L'ARRIERE, NON PAS AU MILIEU DE LA CHAUSSEE, MAIS TOUT PRES DU BAS-COTE ;

QUE LA LAMPE TORCHE QU'ELLE PORTAIT DONNAIT UNE VIVE LUMIERE ET ETAIT PARFAITEMENT VISIBLE, CE QUI EXCLUT EGALEMENT TOUTE FAUTE DE SA PART ;

SEULE L'INATTENTION DE Z... ETANT A L'ORIGINE DE L'ACCIDENT ;

"QUE TOUTES CES CIRCONSTANCES ETAIENT INVOQUEES DANS LES CONCLUSIONS DU DEMANDEUR, VALANT CHEFS PEREMPTOIRES DE DEFENSE ET QUE, POUR N'Y AVOIR PAS REPONDU, L'ARRET ATTAQUE ENCOURS DERECHEF LA CASSATION" ;

ATTENDU QU'IL RESSORT DE L'ARRET ATTAQUE QUE Z... A, EN CIRCULANT LA NUIT, HEURTE DE L'AVANT DE SA VOITURE LA REMORQUE DE CAMPING APPARTENANT A X... QUI, PAR SUITE D'UNE PANNE D'ELECTRICITE, SE TROUVAIT ARRETEE SUR LE BORD DROIT DE LA ROUTE DANS LE SENS SUIVI PAR LES DEUX AUTOMOBILISTES ;

QUE LA DAME X... A ETE BLESSEE ET QUE LES VEHICULES ONT ETE ENDOMMAGES ;

QUE Z..., CONDAMNE DU CHEF DE BLESSURES INVOLONTAIRES ET INFRACTION AU CODE DE LA ROUTE, A RELEVE APPEL DU JUGEMENT QUI L'AVAIT DECLARE ENTIEREMENT RESPONSABLE DE L'ACCIDENT ;

ATTENDU QUE POUR INFIRMER LA DECISION DES PREMIERS JUGES SUR LES INTERETS CIVILS ET METTRE A LA CHARGE DE CHACUN DES EPOUX X... LA MOITIE DE LA RESPONSABILITE DU DOMMAGE PAR LUI SUBI, LA COUR D'APPEL RELEVE D'UNE PART QUE X... AVAIT EU LE TORT D'ABORD DE POURSUIVRE SON VOYAGE SACHANT, PAR UNE PREMIERE ALERTE, QU'IL ETAIT "MENACE D'UNE PANNE TOTALE DE LUMIERE", ENSUITE DE S'ARRETER A CHEVAL SUR L'ACCOTEMENT AU LIEU DE S'Y RANGER COMPLETEMENT COMME IL AURAIT DU LE FAIRE, D'AUTRE PART QUE DAME X... AVAIT COMMIS L'IMPRUDENCE DE SE TENIR SUR LA ROUTE MUNIE D'UNE LAMPE DONT LA LUEUR ETAIT TROP FAIBLE POUR ETRE DISTINGUEE PAR LE CONDUCTEUR D'UNE AUTOMOBILE NORMALEMENT ECLAIREE ;

ATTENDU QU'EN DEDUISANT DE L'ENSEMBLE DES CIRCONSTANCES DE FAIT SOUVERAINEMENT APPRECIEES PAR ELLE, QUE CHACUN DES DEMANDEURS AVAIT COMMIS UNE FAUTE CARACTERISEE, LA COUR D'APPEL, PAR DES MOTIFS PROPRES QUI REPONDENT AUX CHEFS PEREMPTOIRES DES CONCLUSIONS DONT ELLE ETAIT SAISIE, A JUSTIFIE SA DECISION ;

QUE LE SECOND MOYEN NE SAURAIT DES LORS ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

"ALORS QUE, PUISQU'ELLE INFIRMAIT LE JUGEMENT ENTREPRIS ET EVOQUAIT, LA COUR NE POUVAIT RENVOYER AU TRIBUNAL, COMPLETEMENT DESSAISI, LA CONNAISSANCE DE L'ACTION CIVILE, L'EXPOSANT AINSI A SE METTRE EN OPPOSITION AVEC LE JUGEMENT RENDU PAR LUI ;

"QUE CETTE VIOLATION DE L'ARTICLE 520 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ET DE LA JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR DE CASSATION DOIT ENTRAINER UNE CASSATION CERTAINE" ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QUE PAR APPLICATION DE L'ARTICLE 520 DU CODE DE PROCEDURE PENALE LORSQUE LES TRIBUNAUX REPRESSIFS ONT STATUE AU FOND EN PREMIERE INSTANCE SUR L'ACTION CIVILE ACCESSOIREMENT A L'ACTION PUBLIQUE, LE PREMIER JUGE NE PEUT, APRES INFIRMATION DE SA DECISION, ETRE A NOUVEAU SAISI DE CE CHEF ET SE TROUVER AINSI EXPOSE A SE METTRE EN OPPOSITION AVEC LE JUGEMENT RENDU PAR LUI ;

ATTENDU QUE STATUANT SUR L'APPEL, LIMITE AUX INTERETS CIVILS, DE Z... CONTRE LE JUGEMENT L'AYANT DECLARE ENTIEREMENT RESPONSABLE, L'ARRET ATTAQUE APRES AVOIR INFIRME CETTE DECISION ET PARTAGE LA RESPONSABILITE PAR MOITIE ENTRE LE PREVENU ET CHACUN DES EPOUX X..., PARTIES CIVILES, A RENVOYE LES PARTIES DEVANT LE TRIBUNAL POUR QU'IL STATUE, APRES EXPERTISE, SUR LA REPARATION DU PREJUDICE CORPOREL DE DAME X..., LE PREMIER JUGE SE TROUVANT AINSI PLACE DANS L'OBLIGATION DE SE SOUMETTRE A LA DECISION DE LA COUR D'APPEL SUR LA RESPONSABILITE CIVILE ;

MAIS ATTENDU QUE LE TRIBUNAL QUI S'ETAIT PRONONCE SUR L'ACTION CIVILE NE DEVAIT PAS ETRE APPELE A STATUER SUR LE MONTANT DES REPARATIONS DUES A L'UNE DES PARTIES CIVILES, DES LORS QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE AVAIENT INFIRME SON JUGEMENT ;

QU'A TORT LA COUR D'APPEL A RENVOYE LES PARTIES DEVANT LE TRIBUNAL ALORS QU'ELLE DEVAIT STATUER ELLE-MEME ;

QU'AINSI LE MOYEN EST FONDE ET QUE L'ARRET ENCOURT CASSATION DE CE CHEF. PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL D'ORLEANS EN DATE DU 29 OCTOBRE 1971, MAIS SEULEMENT EN CE QU'IL A RENVOYE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LE TRIBUNAL DE TOURS POUR ETRE STATUE SUR LA REPARATION DE PREJUDICE CORPOREL DE DAME X..., TOUTES AUTRES DISPOSITIONS DUDIT ARRET ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES, ET, POUR QU'IL SOIT STATUE CONFORMEMENT A LA LOI DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE BOURGES.