| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 13 janvier 1972, 71-90425

CASSATION SUR LES POURVOIS DE : 1° X... (BERNARD) ;

2° Y... (PIERRE) ;

3° Z... (JEANNINE), FEMME A..., CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI, EN DATE DU 27 JANVIER 1971, QUI, POUR CORRUPTION ACTIVE D'EMPLOYES ET COMPLICITE, LES A CONDAMNES, LES DEUX PREMIERS A TREIZE MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET 2 000 FRANCS D'AMENDE, LA TROISIEME A 500 FRANCS D'AMENDE ;

4° B... (JACQUES) ;

5° A... (RENE) ;

6° C... (MARCEL);

7° D... (ROBERT) ;

8° E... (JEAN-PIERRE) ;

9° F... (MICHEL), CONTRE LE MEME ARRET QUI, POUR CORRUPTION PASSIVE, LES A CONDAMNES, B... A UN MOIS D'EMPRISONNEMENT AVEC SURSIS ET 300 FRANCS D'AMENDE ET LES CINQ AUTRES PREVENUS A 200 FRANCS D'AMENDE AVEC SURSIS, LEDIT ARRET AYANT, EN OUTRE, ORDONNE UNE EXPERTISE ET ALLOUE UNE PROVISION DE 20 000 FRANCS A LA SOCIETE WEBER, PARTIE CIVILE. LA COUR, JOIGNANT LES POURVOIS EN RAISON DE LEUR CONNEXITE ;

VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;

SUR LES FAITS : ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET ATTAQUE QUE, DANS LES PREMIERS MOIS DE 1969, X..., PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE LA SOCIETE DES ETABLISSEMENTS DRU, FABRIQUE ET NEGOCE EN GROS DE SALAISONS, PRODUITS DE CHARCUTERIE ET CONSERVES ET Y..., EMPLOYE SUPERIEUR DE CETTE MEME SOCIETE, ONT PROPOSE A B..., A..., C..., E..., F... ET D..., EMPLOYES DE LA SOCIETE CONCURRENTE ETABLISSEMENTS WEBER, D'ABANDONNER LEURS EMPLOIS DANS CETTE FIRME EN LEUR PROMETTANT UNE SITUATION PLUS STABLE ET UNE REMUNERATION PLUS REGULIERE AU SEIN D'UNE SOCIETE A CREER QUI ASSURERAIT LA DISTRIBUTION DES PRODUITS DES ETABLISSEMENTS DRU ET DANS LAQUELLE ILS SERAIENT ASSOCIES SOUS LE COUVERT DE LEURS EPOUSES;

QU'AYANT AGREE CES OFFRES, LES EMPLOYES SUSNOMMES ONT, PAR LETTRES DU 21 AVRIL 1969, NOTIFIE LEUR DEMISSION AUX ETABLISSEMENTS WEBER A COMPTER DE CETTE DATE;

QUE, DES LE LENDEMAIN, 22 AVRIL 1969, LA SOCIETE A RESPONSABILITE LIMITEE DAPAC A ETE CONSTITUEE, Y... EN ETANT LE VERITABLE ANIMATEUR POUR LE COMPTE DE X..., PRINCIPAL ASSOCIE, LES EPOUSES DE TROIS DES ANCIENS SALARIES DES ETABLISSEMENTS WEBER FIGURANT EGALEMENT PARMI LES PORTEURS DE PARTS;

QUE LE MEME JOUR, LES TRANSFUGES ONT PRIS EFFECTIVEMENT LEUR EMPLOI AU SERVICE DE LA DAPAC, PROSPECTANT LA CLIENTELE DES ETABLISSEMENTS WEBER, PRENANT DES COMMANDES ET LIVRANT DES MARCHANDISES, CEPENDANT QUE CETTE DERNIERE SOCIETE SE TROUVAIT BRUTALEMENT PRIVEE DU CONCOURS DE SES EMPLOYES ;

SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION DE X..., LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

"AU MOTIF QU'IL RESULTAIT DES COMMENTAIRES DU COMPTABLE AGREE, VERSES EN COURS DE DELIBERE, QUE L'INCULPE AVAIT FAIT AUX EMPLOYES D'UNE AUTRE SOCIETE LA PROMESSE S'ILS ENTRAIENT A SON SERVICE, DE LEUR VERSER LES SALAIRES QUE LEUR ANCIEN EMPLOYEUR RISQUAIT DE NE PLUS LEUR VERSER, ET S'ETAIT AINSI RENDU COUPABLE DE DEBAUCHAGE D'EMPLOYES ;

"ALORS QUE, D'UNE PART, LE JUGE DU FAIT NE PEUT FONDER SA DECISION QUE SUR DES PREUVES QUI SONT APPORTEES AU COURS DES DEBATS ET CONTRADICTOIREMENT DEBATTUES DEVANT LUI, DE SORTE QU'EN RETENANT DES ELEMENTS DE PREUVE VERSES EN COURS DE DELIBERE, LES JUGES DU FOND ONT MECONNU LES REGLES APPLICABLES EN MATIERE DE PREUVE ;

"ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, EN CONDAMNANT LE DEMANDEUR POUR CORRUPTION D'EMPLOYES SANS CONSTATER QUE SES PROMESSES AVAIENT EU UN CARACTERE DECISIF DANS LEUR DEPART DE LA PRECEDENTE ENTREPRISE, LES JUGES DU FOND N'ONT PAS LEGALEMENT MOTIVE LEUR DECISION" ;

LE PREMIER MOYEN DE Y..., DE LA VIOLATION DES ARTICLES 427 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, 593 DU MEME CODE, VIOLATION DES DROITS DE DEFENSE, "EN CE QUE POUR CONDAMNER LE DEMANDEUR DU CHEF DU DELIT DE CORRUPTION D'EMPLOYES DE COMMERCE, LA COUR D'APPEL DENOTE QUE CELUI-CI, ANCIEN DIRECTEUR COMMERCIAL DES ETABLISSEMENTS WEBER, AVAIT DEMISSIONNE EN FEVRIER 1969 POUR ENTRER A SERVICE D'UNE SOCIETE CONCURRENTE, LES ETABLISSEMENTS DRU, APRES QUE DES PROJETS D'ABSORPTION DE WEBER PAR DRU AIENT ECHOUE, AURAIT CONTACTE CERTAINS EMPLOYES DES ETABLISSEMENTS WEBER, QU'ELLE LEUR AURAIT PROPOSE DE PASSER AU SERVICE DES ETABLISSEMENTS DRU, LEUR INDIQUANT QUE SI LES ETABLISSEMENTS WEBER FAISAIENT DIFFICILEMENT FACE A LEURS OBLIGATIONS FINANCIERES, ET SI LE PERSONNEL ETAIT MENACE DE LICENCIEMENT, "LEUR NOUVEL EMPLOYEUR LEUR VERSERAIT PLUS REGULIEREMENT LEURS APPOINTEMENTS, QU'ILS CONSTITUERAIENT UNE SOCIETE, LA DAPAC, A LAQUELLE ILS SERAIENT ASSOCIES SOUS LE COUVERT DE LEURS EPOUSES, SOCIETE QUI ECOULERAIT LES PRODUITS DES ETABLISSEMENTS DRU, BENEFICIERAIT DE LONGS CREDITS (CE QUE CONFIRMERONT LES COMMENTAIRES DU BILAN 1969 PAR LE COMPTABLE AGREE G..., COMMENTAIRES VERSES AU DELIBERE), ET AINSI SE TROUVERAIT FINANCIEREMENT EN MESURE DE LEUR ASSURER UN EMPLOI STABLE" ;

"ALORS QUE LE JUGE NE PEUT DONNER SA DECISION, QUE SUR DES PREUVES QUI SONT APPORTEES AU COURS DES DEBATS, ET CONTRADICTOIREMENT DISCUTEES DEVANT LUI, ET QU'IL LUI EST INTERDIT DE SE FONDER COMME EN L'ESPECE SUR CES PIECES VERSEES AU COURS DU DELIBERE, DONT IL N'EST PAS ETABLI QU'ELLES AIENT ETE CONTRADICTOIREMENT DISCUTEES" ;

LE PREMIER MOYEN DE B..., A..., C..., E..., F..., D..., ET DE LA FEMME Z..., DE LA VIOLATION DES ARTICLES 427 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, ENSEMBLE 593 DU MEME CODE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE LES DEMANDEURS COUPABLES DE CORRUPTION PASSIVE POUR AVOIR ACCEPTE LES OFFRES DE X... ET Y... ET S'ETRE ABSTENUS DE RESPECTER LE DELAI-CONGE DE DAME Z..., COUPABLE DE COMPLICITE DE CORRUPTION ACTIVE, AU MOTIF NOTAMMENT QUE PROMESSE ETAIT FAITE PAR Y... AUX DEMANDEURS QUE LA DAPAC, SOCIETE CHARGEE D'ECOULER LES PRODUITS DES ETABLISSEMENTS DRU, BENEFICIERAIT DE LONGS CREDITS (CE QUE CONFIRMERONT LES COMMENTAIRES DU BILAN 1969 PAR LE COMPTABLE AGREE G..., COMMENTAIRES VERSES AU COURS DU DELIBERE) ET LEUR ASSURERAIT UN EMPLOI STABLE ALORS QUE LES JUGES NE PEUVENT AUX TERMES DE L'ARTICLE 427 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, FONDER LEUR DECISION QUE SUR DES PREUVES PUISEES DANS LE DEBAT ET SOUMISES A LA LIBRE DISCUSSION DES PARTIES ET QU'IL RESSORT DES MOTIFS MEME DE L'ARRET ATTAQUE QUE CE PRINCIPE N'A PAS ETE RESPECTE EN L'ESPECE, OU LA COUR S'EST FONDEE, SANS NOUVEAU DEBAT, SUR DES DOCUMENTS QUI LUI ONT ETE REMIS AU COURS DU DELIBERE" ;

VU LESDITS ARTICLES ;

ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 427, ALINEA 2, DU CODE DE PROCEDURE PENALE, LE JUGE NE PEUT FONDER SA CONVICTION QUE SUR DES PREUVES QUI LUI SONT APPORTEES AU COURS DES DEBATS ET CONTRADICTOIREMENT DISCUTEES DEVANT LUI ;

ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE ENONCE QU'ENTRE AUTRES AVANTAGES QUI RESULTERAIENT POUR LES ANCIENS EMPLOYES DES ETABLISSEMENTS WEBER DE LEUR DECISION DE PASSER AU SERVICE DE LA NOUVELLE SOCIETE DAPAC, X... ET Y... AVAIENT FAIT VALOIR QUE CETTE SOCIETE "QUI ECOULERAIT LES PRODUITS DES ETABLISSEMENTS DRU, BENEFICIERAIT DE LONGS CREDITS (CE QUE CONFIRMERONT LES COMMENTAIRES DU BILAN 1969 PAR LE COMPTABLE AGREE G..., COMMENTAIRES VERSES AU COURS DU DELIBERE) ET AINSI SE TROUVERAIT FINANCIEREMENT EN MESURE DE LEUR ASSURER UN EMPLOI STABLE" ;

ATTENDU QU'EN FAISANT ETAT, AU SOUTIEN DE SA DECISION, DE DOCUMENTS QUI N'AVAIENT PAS ETE SOUMIS AUX DEBATS CONTRADICTOIRES, LA COUR D'APPEL A VIOLE LE TEXTE DE LOI VISE AUX MOYENS ET N'A PAS DONNE UNE BASE LEGALE A SA DECISION ;

QU'AINSI, LA CASSATION EST ENCOURUE ;

PAR CES MOTIFS, ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LES AUTRES MOYENS ;

CASSE ET ANNULE L'ARRET PRECITE DE LA COUR D'APPEL DE DOUAI, EN DATE DU 27 JANVIER 1971, ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI ;

RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'AMIENS.