| France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 09 décembre 1971, 71-90194

REJET DES POURVOIS FORMES PAR : 1° X... (RICHARD) ;

2° Y... (JEAN), CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE TOULOUSE DU 13 JANVIER 1971 QUI, POUR PARTICIPATION VOLONTAIRE A UNE ACTION CONCERTEE MENEE A FORCE OUVERTE PAR UN GROUPE ET VIOLENCES ET VOIES DE FAIT CONTRE LES AGENTS DE LA FORCE PUBLIQUE, LES A CONDAMNES, LE PREMIER A SIX MOIS D'EMPRISONNEMENT DONT DEUX AVEC SURSIS, LE SECOND A QUATRE MOIS DE LA MEME PEINE DONT DEUX AVEC SURSIS ET S'EST PRONONCE SUR LES INTERETS CIVILS LA COUR, VU LE MEMOIRE PRODUIT, COMMUN AUX DEUX DEMANDEURS ;

JOINT LES POURVOIS EN RAISON DE LA CONNEXITE ;

SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

AU MOTIF QUE L'ARTICLE 108 DU CODE PENAL, COMPLETE PAR LA LOI DU 8 JUIN 1970, PREVOIT EXPRESSEMENT ET SANS AUCUNE DISCRIMINATION SUIVANT LES MOBILES POLITIQUES OU NON DE L'INFRACTION, QUE LA PROCEDURE DE FLAGRANT DELIT EST APPLICABLE POUR LES DELITS DE L'ARTICLE 314 ;

ALORS QUE, D'UNE PART, SI L'ARTICLE 108 DU CODE PENAL MODIFIE PREVOIT QUE LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 393 DU CODE DE PROCEDURE PENALE SONT APPLICABLES AUX DELITS PREVUS ET PUNIS PAR L'ARTICLE 314 DU CODE PENAL, LEDIT ARTICLE 393 NE VISE QUE L'INDIVIDU ARRETE EN FLAGRANT DELIT CONFORMEMENT A L'ARTICLE 71 DU MEME CODE, SI BIEN QUE, CONFORMEMENT AUX DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 71 PARAGRAPHE 3, LA PROCEDURE DE FLAGRANT DELIT EST INAPPLICABLE AU DELIT PREVU PAR L'ARTICLE 314 LORSQUE CELUI-CI A UN CARACTERE POLITIQUE, COMME IL ETAIT SOUTENU QUE C'ETAIT LE CAS EN L'ESPECE ;

ET ALORS D'AUTRE PART QUE LA CONDITION DE FLAGRANCE EST EN TOUS CAS EXIGEE ET QU'IL ETAIT SOUTENU DANS DES CONCLUSIONS DEMEUREES SANS REPONSE QUE LES DEMANDEURS N'ETAIENT PAS EN ETAT DE FLAGRANCE MAIS AVAIENT ETE ARRETES ET TRIES PLUSIEURS HEURES APRES LES ACTIONS POURSUIVIES ET RETENUES SUR LE FONDEMENT DE LEUR PASSE POLITIQUE REEL OU SUPPOSE, AVANT MEME QU'UNE CHARGE SOIT ETABLIE CONTRE EUX ;

ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE ET DU JUGEMENT DONT IL ADOPTE LES MOTIFS NON CONTRAIRES, QUE LE 26 NOVEMBRE 1970, SUR LE TERRAIN OU A PROXIMITE DE LA CITE UNIVERSITAIRE DE L'ARSENAL ET DE L'ANCIENNE FACULTE DE DROIT DE TOULOUSE, DES GROUPES D'ETUDIANTS, OU D'ANCIENS ETUDIANTS, VENUS DANS L'INTENTION DE PERTURBER LE COURS D'UN PROFESSEUR, ONT PRIS A PARTIE LES FORCES DE L'ORDRE INTERVENUES POUR PREVENIR TOUT INCIDENT ;

QUE X... ET Y..., APPREHENDES AU COURS DE CES EVENEMENTS, ONT ETE, AVEC PLUSIEURS AUTRES MANIFESTANTS, TRADUITS DEVANT LA JURIDICTION CORRECTIONNELLE, SUIVANT LA PROCEDURE DE FLAGRANT DELIT, POUR AVOIR NOTAMMENT PARTICIPE VOLONTAIREMENT A UNE ACTION CONCERTEE MENEE A FORCE OUVERTE PAR UN GROUPE ET AU COURS DE LAQUELLE DES VIOLENCES ONT ETE COMMISES CONTRE LES PERSONNES ET DES DEGRADATIONS CAUSEES AUX BIENS, INFRACTION PREVUE ET PUNIE PAR LA LOI DU 8 JUIN 1970 QUI CONSTITUE LE NOUVEL ARTICLE 314 DU CODE PENAL ;

ATTENDU QUE POUR REJETER L'EXCEPTION SOULEVEE PAR LES INCULPES ET TIREE DE LA NULLITE DE LA PROCEDURE DE FLAGRANT DELIT QUI, SELON EUX, N'AURAIT PAS DU ETRE SUIVIE A LEUR EGARD EN RAISON DU CARACTERE POLITIQUE DE L'INFRACTION A L'ARTICLE 314 DU CODE PENAL, LES JUGES DU FOND ENONCENT QUE L'ARTICLE 108 DE CE CODE, COMPLETE PAR LA LOI DU 8 JUIN 1970, PREVOIT EXPRESSEMENT QUE LA PROCEDURE DE FLAGRANT DELIT EST APPLICABLE AUX DELITS DE L'ARTICLE 314 ;

ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI LA COUR D'APPEL QUI A IMPLICITEMENT MAIS NECESSAIREMENT REPONDU AUX CONCLUSIONS DES DEMANDEURS TENDANT A DENIER TOUT CARACTERE DE FLAGRANCE AUX FAITS POUR LESQUELS ILS ONT ETE ARRETES ET POURSUIVIS, N'A VIOLE AUCUN DES TEXTES VISES AU MOYEN ET EN A, AU CONTRAIRE, FAIT L'EXACTE APPLICATION ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

AUX MOTIFS QU'A BON DROIT ET PAR DE JUSTES MOTIFS LE TRIBUNAL A DECIDE QUE LES CIRCONSTANCES DANS LESQUELLES LES MANIFESTATIONS DU 26 NOVEMBRE 1970 ONT ETE PREPAREES PAR VOIE DE REUNIONS, DE TRACTS ET D'AFFICHES, ET ONT ETE EXECUTEES AVEC DES VIOLENCES CONTRE LES PERSONNES ET DES DEGRADATIONS CAUSEES AUX BIENS, CONSTITUAIENT BIEN L'ACTION CONCERTEE A FORCE OUVERTE PAR UN GROUPE, PREVUE PAR LE TEXTE ;

ET QUE LES TROIS PREVENUS ONT PARTICIPE VOLONTAIREMENT A LA MANIFESTATION DONT Y... ETAIT EN OUTRE L'UN DES ORGANISATEURS ;

ALORS D'UNE PART QUE, PAR GROUPE AGISSANT DE FACON CONCERTEE A FORCE OUVERTE, IL FAUT ENTENDRE UNE REUNION D'INDIVIDUS ANIMES DE LA MEME INTENTION DE COMMETTRE DES VIOLENCES ET S'ETANT MIS D'ACCORD DANS CE BUT, SI BIEN QUE LA PARTICIPATION VOLONTAIRE A L'ACTION DE GROUPE IMPLIQUE LA CONNAISSANCE DU CARACTERE CONCERTE DE CETTE ACTION VIOLENTE ;

ET ALORS, EN L'ESPECE, QUE D'UNE PART BIEN QU'AIT ETE SOUTENU PAR LES CONCLUSIONS D'APPEL QUE CHACUN DES PREVENUS AVAIT CRU A UNE ACTION SPONTANEE, EN CE QUI CONCERNE X... ET Z..., IL N'A PAS ETE CONSTATE QU'ILS AIENT EU CONSCIENCE DE PARTICIPER A UNE ACTION DONT LA VIOLENCE ETAIT CONCERTEE ;

ET D'AUTRE PART EN CE QUI CONCERNE Y..., SI L'ARRET A DECLARE QU'IL ETAIT L'UN DES ORGANISATEURS DE LA MANIFESTATION, CETTE AFFIRMATION PURE ET SIMPLE QUI NE PRECISE PAS LES FAITS QUI EN SONT LE FONDEMENT, EST EN OUTRE EN CONTRADICTION AVEC LES MOTIFS ADOPTES DU JUGEMENT ENTREPRIS, SUIVANT LESQUELS LES INSTIGATEURS ET ORGANISATEURS DE LA MANIFESTATION N'ONT PU ETRE IDENTIFIES ;

ATTENDU QU'IL RESULTE DES CONSTATATIONS DES JUGES DU FOND QUE X... ET Y... ONT VOLONTAIREMENT PARTICIPE A L'ACTION CONCERTEE MENEE A FORCE OUVERTE PAR UN GROUPE ET AU COURS DE LAQUELLE PLUSIEURS MANIFESTANTS ET UN LIEUTENANT DE GARDIENS DE CRS ONT ETE BLESSES AINSI QUE DES DEGRADATIONS CAUSEES AUX BATIMENTS UNIVERSITAIRES ET A DES VEHICULES AUTOMOBILES ;

QUE CETTE ACTION, LOIN D'ETRE SPONTANEE, AVAIT ETE PREPAREE ET ANNONCEE PAR DES REUNIONS TENUES LES JOURS PRECEDENTS, LA DISTRIBUTION DE TRACTS, L'APPOSITION D'AFFICHES, L'ACCUMULATION DE PROJECTILES ET LA CONFECTION DE COCKTAILS MOLOTOV ;

QU'IL EST PRECISE PAR LES JUGES QUE X... APPARAIT COMME L'UN DES ANIMATEURS DE LA MANIFESTATION A LAQUELLE IL A PARTICIPE MUNI D'UN HAUT-PARLEUR ET QUE Y... RECONNAIT AVOIR ASSISTE L'AVANT-VEILLE DES FAITS, A UNE REUNION ORGANISEE PAR UN GROUPE D'ETUDIANTS AU COURS DE LAQUELLE IL A ETE DECIDE D'ATTAQUER LE SURLENDEMAIN LA FACULTE DE DROIT ;

QUE Y... RECONNAIT AUSSI AVOIR JETE DES PIERRES SUR LE SERVICE D'ORDRE ;

ATTENDU QU'EN L'ETAT DE CES CONSTATATIONS SOUVERAINES, QUI REPONDENT AUX CHEFS PEREMPTOIRES DES CONCLUSIONS DES DEMANDEURS ET ETABLISSENT SANS INSUFFISANCE NI CONTRADICTION, A L'ENCONTRE DE X... ET DE Y..., TOUS LES ELEMENTS CONSTITUTIFS MATERIELS ET INTENTIONNELS DE L'INFRACTION PREVUE ET PUNIE PAR L'ARTICLE 314 PARAGRAPHE 1 DU CODE PENAL, LA COUR D'APPEL A JUSTIFIE SA DECISION ;

QU'AINSI LE MOYEN DOIT ETRE ECARTE ;

SUR LE

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

ALORS, D'UNE PART, EN CE QUI CONCERNE X..., QUE CELUI-CI ETAIT POURSUIVI EXCLUSIVEMENT SUR LA BASE DE L'ARTICLE 314 PARAGRAPHE 1ER DU CODE PENAL ET NE POUVAIT ETRE JUGE POUR D'AUTRES FAITS QUE CEUX DONT LE TRIBUNAL ETAIT SAISI, PRINCIPE D'ORDRE PUBLIC ;

ALORS, D'AUTRE PART, EN CE QUI CONCERNE Y... ET Z..., QU'IL N'A PAS ETE CONSTATE QUE LES VIOLENCES QU'ILS AURAIENT PERSONNELLEMENT EXERCEES CONTRE LES AGENTS DE LA FORCE PUBLIQUE AIENT ENTRAINE L'UN DES RESULTATS VISES A L'ARTICLE 231 ;

ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 599 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, LE PREVENU N'EST PAS RECEVABLE A PRESENTER

COMME MOYEN DE CASSATION :

QUE LES NULLITES VISEES AU MOYEN AURAIENT ETE COMMISES EN PREMIERE INSTANCE ;

QU'IL NE RESSORT D'AUCUNE CONCLUSION QUE LES DEMANDEURS AIENT OPPOSE CES PRETENDUES NULLITES DEVANT LA COUR D'APPEL ;

D'OU IL SUIT QUE LE MOYEN N'EST PAS RECEVABLE ;

SUR LE

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

ALORS QU'IL ETAIT SOUTENU PAR DES CONCLUSIONS AUXQUELLES IL N'A PAS ETE REPONDU QUE LES INFRACTIONS DE L'ESPECE PRESENTAIENT UN CARACTERE OBJECTIVEMENT POLITIQUE EXCLUSIF DE L'EXECUTION DE LA CONTRAINTE PAR CORPS ;

ATTENDU QUE LES DEMANDEURS ONT ETE CONDAMNES D'UNE PART POUR AVOIR VOLONTAIREMENT PARTICIPE A UNE ACTION CONCERTEE MENEE A FORCE OUVERTE PAR UN GROUPE ET AU COURS DE LAQUELLE DES VIOLENCES ONT ETE EXERCEES SUR LES PERSONNES ET DES DOMMAGES CAUSES AUX BIENS ET D'AUTRE PART, POUR VIOLENCES ET VOIES DE FAIT ENVERS LES AGENTS DE LA FORCE PUBLIQUE DANS L'EXERCICE DE LEURS FONCTIONS ;

ATTENDU QUE, PAR LEUR NATURE ET QUELS QU'EN AIENT ETE LES MOBILES, CES INFRACTIONS CONSTITUENT DES DELITS DE DROIT COMMUN ;

QUE C'EST, DES LORS, A BON DROIT, QUE L'ARRET A FAIT APPLICATION DE LA CONTRAINTE PAR CORPS AUX DEMANDEURS ;

QU'EN OUTRE, EN ADOPTANT LES MOTIFS DES PREMIERS JUGES, LA COUR A REPONDU AUX CONCLUSIONS DONT ELLE ETAIT SAISIE AU SUJET DU PRETENDU CARACTERE POLITIQUE DES INFRACTIONS RETENUES ;

QU'AINSI LE MOYEN NE SAURAIT ETRE ACCUEILLI ;

ET ATTENDU QUE L'ARRET EST REGULIER EN LA FORME ;

REJETTE LE POURVOI